«Never mind»

Gwenaële Robert: lorsque Bonaparte n'était pas encore Napoléon...

Cette zone mystérieuse de l’âme humaine qui fait basculer les individus d’un côté ou de l’autre de l’Histoire, cette zone où se jouent le destin et les âmes, c’est la zone que se plaît à explorer Gwenaële Robert dans Never Mind (Robert Laffont), un roman aux discrètes splendeurs, qui revient sur les destins de ceux qui croisèrent un certain Bonaparte avant qu'il ne devienne Napoléon, lors de l’attentat de la rue Saint-Nicaise, en pleine nuit de Noël...

« Joseph de Limoëlan n’est pas un bourgeois, plus un gentilhomme, et pas encore un bandit. Il se meut dans l’intervalle incertain qui sépare ces conditions. »

L’intervalle incertain, c’est cette zone mystérieuse de l’âme humaine qui fait basculer les individus d’un côté ou de l’autre de l’Histoire, c’est la zone que se plaît à explorer Gwenaële Robert dans Never mind (Robert Laffont), roman aux discrètes splendeurs.

« Le goût de l’absolu »

Dans les temps brouillés qui suivent la Révolution, alors que Bonaparte n’est pas encore Napoléon, la romancière tisse habillement des vies, anonymes ou célèbres, pour les faire converger un moment pendant une nuit de Noël, autour de l’attentat de la rue Saint-Nicaise, avant de les rejeter dans l’océan de l’Histoire. Parmi elles, figure altière et émouvante, Joseph de Limoëlan se détache.

Souffrant de cette souffrance propre aux « forces inemployées » devant l’empire progressif de ceux « qui comptent bâtir sur les ruines de l’ancien monde une société d’argent et de commerce », il se refuse à la résignation frivole de ses pairs, jugeant que son sang d’aristocrate le voue au service de Dieu et du roi par une « fidélité absolue, malgré tout, presque malgré soi ».

Il fomente donc un complot contre le « général arriviste » mais l’initiative d’un complice n’aboutit qu’à la mort atroce d’une petite fille, dont le corps, « gisant sur la chaussée, démembré, […] ne quittera plus sa conscience ».

Tandis que l’homme d’épée, défait par le remords, devient homme de Dieu, une série d’exactions est lancée par l’énigmatique Fouché.

Une élégance de fond et de forme

Gwenaële Robert, aussi connue sous le nom de Gwenaële Barussaud pour ses romans jeunesse fort populaires, confirme avec ce troisième ouvrage de littérature générale ses talents pour le genre historique. La narration, ciselée, rythmée avec légèreté, sert une élégance de fond et de forme.

L’auteur se meut à son aise dans l’Histoire, écartant toujours le péril didactique, lui préférant des scènes travaillées comme autant de tableaux tragiques et superbes ; ne délaissant jamais une belle retenue.

L’écriture, quant à elle, séduit par une distinction qui semble affleurer naturellement sous le rouleau des mots et qui tranche parmi celle des parutions contemporaines. Une distinction sans afféterie, sans coquetterie, mais qui sait rendre aux mots leur pouvoir de pénétration et de savoureuse beauté.

Sous sa grâce un peu grave, à travers des figures que le temps nous rend inévitablement superficielles, Never mind s’attache au fond à sonder ce qui fait le destin et les âmes ; « puisqu’un livre offre plus d’espace qu’une minute, puisque la littérature a la mémoire plus souple que le marbre, et les lecteurs plus d’indulgence que les jurés ».

>>Gwenaële Robert, Never Mind, Robert Laffont, 352 pages, 20 euros

En savoir plus

>Visionner une vidéo dans laquelle Gwenaële Robert parle de son livre Never Mind ( Réalisation Librairie Mollat/YouTube):

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