"
Pour tous ici, Félicie était une grande bringue à l’intelligence peu développée, plus jument ardennaise que pouliche arabe –si vous voyez ce que je veux dire ?
Et qui parlait fort, qui bougeait large.
Traînant parfois jusqu’aux petites heures au “Vieux de la vieille” ; à taper le carton en ‘en’ racontant une bien bonne. Les gars encore debout étaient pliés à la voir exécuter quelques pas d’une danse inconnue, se claquant les cuisses et riant gras. Que le ciel me pardonne mais...
"
Une chance de cocue !
Cocue pendue…
Merde alors ?
En attendant, tout est renversé mélangé.
Il devait être minuit, minuit trente –enfin, je crois.
J’étais loin de la ville –ça, c’est sûr.
Et plus ou moins déconnectée.
La route traçait entre des à-côtés sucrés glacés : quelques mottes explosant leurs pépites dans la lumière des phares –danger du...
" 01 Août…
Tout commença avec l’automne ; un automne meurtrier, au printemps.
De hoquets en vomis, d’un fleuve à l’envers où eau et grêle se mêlaient. Car avril crachait des jours plombés, brouillard à couper au couteau et petits matins givrés perdus dans un flou obscur où s’engouffraient un à un tous les sanglots du ciel. A ne plus rien y comprendre, tout s’embrouillait, sorti d’un jeu de hasard météorologique. Au vrai, de va-et-vient pressés en surplace, le monde basculait dans l’indifférence ou l’inconscience générale : la nature en paraissait étonnée.
Ruissellements dégueu, boues, déviations…
Et les gens courbaient le dos, et je me sentais mal, et la ville se repliait sous la pression des trombes d’eau portées par des vents violents : feuilles déchiquetées, jeunes pousses noyées ou déracinées –cela dura jusqu’aux derniers jours de mai, pris par un gel d’outre-terre ou d’outre-tombe.
En juin, avec le retour d’un soleil glacial, le paysage se teinta rapidement des cuivres automnaux. Oui, sans doute faut-il le préciser, la période allant du carnaval aux vacances de Pâques, fin mars cette année, avait été très chaude, singulièrement chaude, et les arbres s’étaient rapidement couverts de feuilles puis de fleurs –tous les fruitiers. C’était coloré et parfumé, prometteur : un bouquet de mariée ou de rupture offert à l’hiver officiellement présent.
Autant dire que le revirement fut catastrophique !
D’abord les fleurs s’en furent en pétales froissés.
Ensuite les feuilles arrachées se laissèrent emporter par les vents (...) ", page 47.
" La pluie frappe contre les vitres, une pluie d’hiver.
Trainées éclatées, prismes changeants…
Elle suit les arabesques en apnée, a mal à la tête : mal sa vie, mal son cœur –mal dormi !
Il fait sombre dehors, froid sûrement, et personne ne l’attend : personne d’important, personne qui tremble à ses retards, à ses silences, à ses soupirs. Elle possède pourtant cette beauté rare qui attire les regards sans jamais les heurter, de longs cheveux châtain où s’accroche...
" Je suis de mots !
Papiers calqués un peu brouillons
Papier de cris ou d’arts maudits…
Je suis de mots, miroir contre les maux qui s’ancrent.
Papier de joie, trame de chiffon
Papier journal ou bris d’émeri…
Je suis de mots, plume rouge encrée à tant de chancres.
Papier jauni des vieux grimoires
Page noire au « Ci-git » des histoires
Je suis de mots !
A carnet rose des grands enfants
Chapitre blanc d’un autre temps
Je suis de mots…
Larmes-joies – pleurs-leurres au buvard (...), page 149.
" A trousse-chemise…
Quand revient l’esté,
A trousse chemise,
A bouche que veux-tu,
Au bois enfin prise,
Mon amant exquis,
Je goute sans nul doute au menu.
Quand revient l’esté,
Si loin des Églises,
Sans vice ni vertu,
A ton feu, ta guise,
Mon galant ami,
Je n’ai guère de cris retenus.
Quand revient l’esté,
Par devant derrière,
Sans fard ni bréviaire,
Dessous ou dessus,
A coups si joyeux,
Je laisse chasteté au pendu.
Quand revient l’esté,
Corps à toi grisé,
A tétons tétés,
A culs culbutés,
A coups valeureux,
Je croque tous les fruits défendus (...), page 70.