Je suis né coiffé ; et ma coiffe fut mise en vente, par voie d'annonces dans les journaux, au très bas prix de quinze guinées. Les personnes qui s'en allaient en mer manquaient-elles d'argent à l'époque, ou bien manquaient-elles de foi et préféraient-elles des ceintures de liège ? Je ne sais. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'y eut qu'une seule offre ; et elle émanait d'un avoué qui s'occupait de courtage : il offrait deux livres en espèces et le complément en xérès, mais se refusait à payer davantage la garantie contre le risque de noyade. En conséquence, on retira l'annonce, qui fut une perte sèche - car, pour ce qui est du xérès, le xérès même de ma pauvre mère était alors en vente - et dix ans plus tard, la coiffe fut offerte comme enjeu dans une loterie qui eut lieu dans notre région, à cinquante participants, à raison d'une demi-couronne par tête, le gagnant devant ajouter cinq shillings. J'y assistais en personne, et je me rappelle m'être senti très mal à mon aise et troublé de voir disposer ainsi d'une partie de moi-même. La coiffe fut gagnée, il m'en souvient par une vieille dame portant un petit panier et qui, bien à contrecœur, en tira les cinq shillings convenus, le tout en pièces d'un demi-penny ; encore en manquait-il deux et demi, ainsi qu'on s'efforça, pendant un temps infini et à grand renfort d'arithmétique, sans aucun résultat d'ailleurs, de le lui prouver. De fait - on se rappellera longtemps dans le pays cette particularité remarquable - elle ne se noya jamais, et mourut triomphalement dans son lit, à quatre-vingt-douze ans.