Pour la défense des femmes iraniennes

Golshifteh Farahani: «La force des mots pour combattre l'ignorance»

Golshifteh Farahani qui était la marraine du dernier Printemps des Poètes 2022 s'engage aujourd'hui pour la défense des femmes iraniennes. L’actrice et musicienne franco-iranienne qui fut aussi la lauréate 2018 de la Fondation France Libertés nous parle de tous ses combats, ainsi que de son goût pour la poésie, les livres et le cinéma. Une rencontre qui exprime avec conviction la force des mots engagés et la défense de la liberté pour toutes les femmes.

Golshifteh Farahani à la Maison des Métallos lors de la cérémonie de remise des prix de France Libertés. Photo Olivia Phélip.

Légende photo : L’actrice franco-iranienne Golshifteh Farahani. Photo Olivia Phélip.

C'est une histoire d'engagement et de liberté. Golshifteh Farahani  le montre une fois encore en incarnant le rôle principal dans le film Un divan à Tunis réalisé par Manele Labidi. Le film raconte l'histoire de Selma, 35 ans, qui ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays « schizophrène ». Mais entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séances tarifées avec "prestations tarifées", les débuts du cabinet sont mouvementés… Alors que Selma commence enfin à trouver ses marques, elle découvre qu'il lui manque une autorisation indispensable pour continuer d'exercer… Un film magnifique, qui repose sur le personnage incarné par Golshifteh Farahani, solaire, libre. 

Légende photo : La Une du numéro spécial du magazine Elle en soutien aux Iraniennes avec Golshifteh Farahani en couverture.

Golshifteh Farahani, actrice et musicienne franco-iranienne éprise de liberté

Née en 1983 à Téhéran, Golshifteh Farahani est une "guerrière de la paix" belle, éprise de liberté, dont les combats rejoignent les engagements de Danielle Mitterrand. L'icônique fondatrice de France Libertés affirmait avoir appris très jeune à « remettre en cause, interpeller l’incompréhensible, l’inadmissible, se rebeller contre les autorités qui se drapent dans leurs titres ou se cachent derrière leurs prérogatives ». 
Un enseignement précieux partagé de toute évidence avec Golshifteh Farahani, qui dès son adolescence en Iran n'a pas hésité à défier les autorités et à se révolter contre les limites imposées aux femmes. Jusqu'à connaître la prison, puis l'exil. Elle poursuit son engagement aujourd'hui, dans l'expression de son art et par les paroles et les personnages qu'elle incarne. Femme de l'être et femme de lettres, l'actrice affirme sans détour son goût des textes et des mots. Elle cite le poète Saadi et son combat contre l'ignorance.  « Elevez vos paroles, pas votre voix», cite-t-elle. 

Légende photo : Golshifteh Farahani a recu en 2018 le prix spécial Danielle Mitterrand exprime sa reconnaissance aux côtés de Gilbert Mitterrand, le Président de la Fondation France Libertés.


Rencontre avec une combattante de la liberté

C'est avec cette voix douce et puissante qu'elle nous accueille, alors que nous la rencontrons à la Maison des Métallos. Une voix qui porte un cri intérieur avec une grande élégance, une voix qui fait chanter les sonorités des voyelles, et dépasse les consonnes sans résistance. Une voix qui parle au nom des femmes et de tous les exilés. Une voix qui raconte la lumière de la poésie contre les ombres de l'obscurantisme.

Viabooks : Paroles d'exil, pensées d'exilée?
Golshifteh Farahani:
L'exil est un handicap de l'âme. Il ne se voit pas sur nos visages, mais nous le portons comme une blessure, quelles que soient les circonstances de cet exil. Alors, oui, il reste les mots. Cette liberté que j'affirme pour la "dire", ce que je fais au travers de mes rôles, que je souhaite incarner dans ma vie lorsque je voyage partout dans le monde, toujours en mouvement, jamais apaisée, mais tellement bouillonnante.

Vous refusez les discours de victimisation ?

G.F. : Ne comptez pas sur moi pour jouer les victimes ! Je suis une combattante malgré moi et je me sens une responsabilité au nom de mon pays, l’Iran, mais aussi au nom de tous ceux qui ont des combats à mener. C’est en cela que le prix de la Fondation France Libertés me touche particulièrement, car Danielle Mitterrand était une personne magnifique qui avait aussi épousé tous les combats humains.

« Une femme révoltée »…

G.F. : Il s’agit pour moi d’une résistance organique à toutes les injustices. Je ne peux m’en empêcher ! Mais je n’aime pas les mots vides. Comme les drapeaux, toutes ces postures qui se veulent solennelles et qui masquent souvent leur humanité, me hérissent. Les injustices sont concrètes, les mots creux sont illusoires.

Vous aimez citer le poète Saadi qui évoque la poésie comme arme de paix...

G.F. : Le poète disait qu’« On ne crie pas contre le silence, mais qu’on se bat contre l’ignorance ». Le cinéma, les livres, la poésie, la musique... tous les arts forment  un combat contre l’ignorance. C’est ce que j’essaie de faire à mon niveau.  Porter une conscience par mes actes, affirmer qu’il ne faut jamais renoncer à sa liberté.

Légende photo : Les deux lauréats du prix Danielle Mitterrand 2018, Geovani Krenak qui représente le peuple Krenak et  Golshifteh Farahani.

Comment vivez-vous entre plusieurs lieux et plusieurs langues ?
G.F. :
Lorsque l’on perd son pays, on perd sa langue. La pensée se transforme selon la personnalité linguistique et culturelle. De plus, j’ai appris à m’exprimer de manière pus simple, car je ne possède pas toujours toutes les subtilités du français ou de l’anglais par rapport au farsi par exemple. Le français est une langue nasale et intellectuelle. Le farsi est une langue qui vient du ventre. C’est le langage du corps. Je joue aussi dans différentes langues et je me sens très différente selon.

Et quand vous écrivez ? Quelle est votre langue ?

G.F. : J’écris en anglais et en français, pas souvent en farsi. Pourtant mon père est un grand écrivain. La langue de l’écriture, c’est aussi celle de mon père ; mais pour moi, l’anglais et le français se mélangent comme les langues du réel. Je crois que pour écrire, il me faut rester reliée au réel. Le farsi reste mon socle imaginaire. Ecrire crée le pont entre tous « mes » mondes : imaginaire, réel…

La place des livres dans votre vie ?

G.F. : J’ai grandi entourée de livres, nourrie par l’écriture de mon père. Je me consacre au cinéma, qui est aussi une narration. Toutes ces écritures participent d’un monde qui se nourrit des mots, des idées et des émotions. Et les mots sont les plus belles armes de la liberté.

En savoir plus

>Aller sur le site de la Fondation France Libertés
>Visionner la bande-annonce du film "Un divan à Tunis"

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