Elle n’a pas le droit de sortir, mais on s’en fiche, on sort. Elle enfile sa doudoune. En dessous, elle porte un tee-shirt et un survêtement. Je regarde la peau de ses chevilles fripée. Elle n’a pas ses bas de contention, elle dit que ça la serre trop. J’ai beau lui expliquer que c’est fait exprès, elle est convaincue que c’est mauvais. J’insiste, j’ai peur qu’elle meure d’une embolie. « Il faut que tu mettes tes bas, c’est important, maman. » Mes mots s’enfoncent comme dans un cauchemar d’impuissance. « On verra ça plus tard. Je peux pas tout faire, j’ai trop de choses à penser ! » D’un coup, je la crois. Que je m’inquiète pour rien, que je l’emmerde pour rien. Qu’elle ne va jamais mourir, qu’elle n’a pas le temps de mourir, qu’il n’en est pas question.
Koumiko est l'occasion, pour, Anna Dubosc, non seulement de parler de sa mère qui s'enfonce dans la maladie, mais aussi de nous faire saisir ce qui compte, le fait d'être en vie ici et maintenant, en relation avec ceux dont nous procédons, même quand cette relation est attaquée par la maladie. Anna Dubosc invente une façon de parler de la douleur et de la plénitude qui est sa façon de les connaître, et qui, chez elle, est une marque de filiation : celle du sang et celle de l'écriture.