Résumé
La transgression des frontières de l'humain est le projet de toutes les idéologies fondées sur le fantasme d'une humanité supérieure dominant une sous-humanité ; elle est le fait de toutes les violences exterminatrices avilissant leurs victimes, les traitant comme des bêtes et les réduisant même à de la matière brute : "bétail, boue, ordure", selon Primo Levi dans Si c'est un homme. Mais n'est-ce pas également la mise en cause des frontières de l'humanité qu'accomplissent à leur façon les développements de la science contemporaine ? Les biotechnologies, les manipulations génétiques, les sciences cognitives qui envisagent la pensée comme un jeu de connexions neuroniques, réduisent l'homme à son statut de matière vivante. Quel paradoxe, souligne Jean-Claude Guillebaud, qu'à l'heure où les droits de l'homme sont devenus dans nos démocraties un credo politique universel, nous ne sachions plus dire ce qu'est l'humain ! !
Le Principe d'humanité est une enquête, dans les domaines du savoir et des techniques de notre époque, s'efforçant de prendre la mesure de cet inquiétant obscurcissement de l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes. C'est aussi et surtout un sursaut humaniste, une sorte de cri d'alarme. Non, l'homme ne se réduit pas à son cerveau ni à ses gènes. L'humanité n'est pas une affaire de biologie mais d'éthique : c'est une résolution, une tâche, un projet. Une belle aventure certes, mais qui pourrait prendre fin avec l'effondrement de la volonté d'être homme. Parce que l'humanité n'est qu'une barbarie en puissance, n'oublions jamais qu'être humain est un devoir. --Emilio Balturi