"Chaque homme a au milieu du cœur un tribunal où il commence par se juger soi-même, en attendant que l’arbitre souverain confirme la sentence. Si le vice n’est qu’une conséquence physique de notre organisation, d’où vient cette frayeur qui trouble les jours d’une prospérité coupable ? Pourquoi le remords est-il si terrible, qu’on préfère se soumettre à la pauvreté et à toute la rigueur de la vertu plutôt que d’acquérir des biens illégitimes ? Pourquoi y a-t-il une voix dans le sang, une parole dans la pierre ? Le tigre déchire sa proie, et dort ; l’homme devient homicide, et veille. Il cherche les lieux déserts, et cependant la solitude l’effraye ; il se traîne autour des tombeaux, et cependant il a peur des tombeaux. Son regard est mobile et inquiet ; il n’ose regarder le mur de la salle du festin, dans la crainte d’y lire des caractères funestes. Ses sens semblent devenir meilleurs pour le tourmenter ; il voit, au milieu de la nuit, des lueurs menaçantes ; il est toujours environné de l’odeur du carnage ; il découvre le goût du poison dans les mets qu’il a lui-même apprêtés ; son oreille, d’une étrange subtilité, trouve le bruit où tout le monde trouve le silence ; et sous les vêtements de son ami, lorsqu’il l’embrasse, il croit sentir un poignard caché."