J’aurai bientôt 11 ans. Ce matin il n’y a pas classe, je suis seul dans le deuxième jardin, mon royaume. J’en connais tous les arbres, les deux chênes d’Amérique, les quatre cerisiers, les deux poiriers et les trois pieds de vigne contre le mur du fond, en galets du Gave. Je connais tous les arbustes, tous les rosiers tendus sur des fils de fer à partir de la tonnelle du milieu du jardin, dont le centre au sol est un hexagone en pierres sur lequel est posée une table en céramique. De cette tonnelle partent quatre allées, vers les quatre points cardinaux, qui aboutissent aux deux haies et aux deux murs qui clôturent ce jardin.
Le mur mitoyen avec le jardin de Mademoiselle Illé, lui aussi en cailloux du Gave, est parfaitement plat sur le dessus. J’y grimpe souvent et marche jusqu’aux tilleuls du premier jardin, et là, caché par les feuilles, je me couche à plat ventre pour observer les oiseaux, les chats qui franchissent les haies, ou la maison dont les fenêtres principales se trouvent juste en face de moi.
Près des chênes d’Amérique et du mur mitoyen il y a une pompe à main peinte en vert avec un réservoir en métal où nous stockons de l’eau. J’ai mis dans le réservoir des petits poissons que j’ai attrapés avec un filet à papillons dans le Gave.
A deux pas de la pompe, un tout petit bâtiment couvert de tuiles, la Loge, peut se fermer à clé. Nous y conservons des fruits pour l’hiver dans une armoire. J’y ai installé un petit banc et apporté des bandes dessinées, Mandrake, le Journal de Bébé, des numéros de Bibi Fricottin ou des Pieds Nickelés que m’a donnés ma mère. La Loge est un peu mon refuge. Ma sœur aînée Nanou y vient parfois avec moi, ainsi que Petite-Sœur Cécilia - trois ans maintenant.
Comme presque tous les jours je me suis occupé des poules et des lapins. C’est moi qui les nourris, avec du blé ou du maïs, des épluchures de légumes, de l’herbe que je coupe dans le jardin ou dans les fossés à la campagne.
Pendant la guerre, mon père, voyant qu’il y avait peu de nourriture, avait décidé de construire un poulailler et des cages à lapin, au moins nous aurions des œufs frais et de temps en temps une poule ou un lapin à manger.
La construction du poulailler avait failli tourner au désastre. Mon père avait choisi l’endroit avec soin, entre le mur de Mademoiselle Illé et les chênes d’Amérique, et contre la haie de lauriers qui nous séparait d’autres voisins, sans doute des réfugiés espagnols. Il n’y avait donc que deux côtés à grillager. Le poulailler se trouverait près de la pompe, mais aussi à l’abri du vent. Mon père, mon oncle Forestier, Jacky et un cousin avaient planté des poteaux en bois et tendu du grillage qu’ils avaient fixé aux poteaux - en laissant une place pour la porte - tout allait bien. Soudain l’on entendit des cris. J’accourus avec ma mère. Mon oncle et le cousin voulaient fabriquer un toit en grillage. Mon père s’y opposait, la discussion s’envenimait. Mon père, très énervé, les traitait d’imbéciles, ils allaient en venir aux mains.
– Arrêtez ! Arrêtez vous ! Pierre arrête ! Qu’est-ce qu’il y a ? cria ma mère.
Forestier et le cousin essayaient de tendre de force un grillage au dessus des poteaux, mon père tirait de l’autre côté pour les en empêcher.
– Pas besoin de toit, je vous l’ai dit ! Les poules ne s’envoleront pas ! Je vous l’ai expliqué !
– Lâchez ce grillage ! Lâchez le !
–En coupant un peu l’une des ailes, elles ne peuvent plus voler !
– Vous ne couperez pas les ailes des poules !
– Les grandes plumes d’une seule aile ! La poule est déséquilibrée dans son vol ! Vous ne savez même pas ça !
– Vous vous savez tout !
– Je suis né dans une ferme, je sais m’occuper des poules ! Vous, vous ne savez pas !
– Très bien, démerdez vous tout seul ! On verra le résultat !
L’oncle et le cousin ont tout laissé tomber et sont partis en colère. Mon père a fini le poulailler tout seul en construisant une porte avec planches, grillage, et charnières souples coupées dans des sangles. Cinq poules aux pattes liées par des cordelettes qu’on avait achetées au marché se sont retrouvées entre ses mains. Il leur a coupé les grandes plumes d’une aile, les a lâchées dans le poulailler, a mis de la paille contre le mur avec une fourche et m’a demandé de leur jeter du maïs et de mettre une vieille casserole avec de l’eau propre.
– Demain je leur construirai un abri et des perchoirs. Je te montrerai pour les nourrir.
Il a ajouté deux poules et un coq, on a eu des tas de poussins, on a mangé des œufs frais et des poules de temps en temps, ça nous a changé des rationnements, de la mortadelle et des flocons d’avoine ! Même maintenant en 49 c’est difficile de se procurer de la viande, on fait toujours la queue chez le boucher dont le fils a été assassiné à la libération.
Un autre dimanche Père a construit quatre cages à lapin.
Comme il me l’a demandé je m’occupe tous les jours des lapins que j’adore,des poules, du coq, et des poussins que j’observe longuement. Les mères poules sont de bonnes mères, elles surveillent leurs petits, les abritent et les réchauffent sous leurs ailes, leurs apprennent à chercher de leurs becs et de leurs griffes des vers, des insectes, de l’herbe, les appellent lorsqu’elles marchent pour ne pas qu’ils se perdent, et poussent des cris perçants lorsqu’elles voient un chat pour que les petits se précipitent tout de suite sous leurs ailes.
Mais petit à petit, sans savoir pourquoi, j’ai pris une poule en grippe. La blanche. Avec sa crête rouge violacé sanglante qui verse sur le côté. Je la poursuis dans le poulailler, je la déteste. Elle me fixe de son œil noir.
Revenant vers la maison je m’approchais sans bruit de Petite-Sœur pour lui faire une farce, lorsque je l’ai entendu dire tout bas «Maman» à la Tante, ça m’a coupé le souffle. J’ai attendu que la Tante s’éloigne avec les fleurs qu’elle avait coupées, j’ai pris Petite-Sœur par la main.
– Elle n’est pas ta Maman ! Je t’ai entendue, tu as dit « Maman » à la Tante ! C’est Maman ta mère, pas la Tante !
Cécilia, trois ans, m’a regardé avec un sourire bizarre.
– Elle veut que je l’appelle « Maman ».
– Non ! C’est notre Tante, la sœur aînée de Maman. Elle n’est pas ta Maman !
Lorsque je me suis retourné j’ai vu que la Tante s’était immobilisée, ses fleurs à la main, et me regardait fixement. La petite avait l’air perdue. J’ai repris sa main en l’embrassant.
– Viens, on va voir les lapins !
Elle s’est mise à rire.
– Oh oui ! Les lapins !
Je l’ai emmenée voir les lapins. Après je lui ai dit que j’allais lui apprendre à faire du vélo sans les petites roues stabilisatrices. Elle a ri en battant des mains. La Tante était rentrée à la maison, j’ai attrapé le petit vélo qui traînait près du perron et j’ai démonté en un tour de mains les deux petites roues. Cécilia s’est assise sur la selle, j’ai marché à côté d’elle en tenant un peu le vélo lorsqu’elle pédalait. De temps en temps je lâchais tout. Elle oscillait, le vélo tanguait, je l’empêchais de tomber, nous avons fait comme ça plusieurs aller-retour du perron jusqu’au portail. Puis je l’ai lâchée complètement. Je n’avais pas vu que la Tante était revenue sur le perron juste au moment où la petite qui penchait de plus en plus en pédalant s’affalait dans l’allée. La Tante s’est mise à crier en courant vers Cécilia, mais j’étais déjà à côté de la petite.
– Allez, debout ! Relève-toi ! On recommence !
La Tante se précipita vers l’enfant qui rigolait.
– Ma chérie ! Tu es tombée ! Tu as mal ?
– Elle n’a rien !
– Tu t’es blessée aux genoux ma chérie. Elle saigne !
J’avais relevé le vélo.
– C’est rien, on continue !
Deux gouttes de sang perlaient à son genou gauche. Cécilia essayait de se remettre en selle mais la Tante l’a enlevée du vélo de force. Cécilia se débattait dans ses bras, voulant continuer à faire du vélo.
– Il faut désinfecter ton genou, je vais te mettre du mercurochrome ma chérie.
Elle l’emporta dans ses bras à l’intérieur de la maison.
C’est dans cette maison du Junqué, près de la ville de Pau que je vis avec mes deux sœurs, mon père, ma mère, ma grand-mère maternelle que ma sœur Nanou et moi appelons La Reine, et sa fille aînée préférée Germaine, la Tante.
Je suis maigre et très petit pour mon âge. Nanou qui n’a qu’un an de plus que moi me dépasse de plus d’une tête. A force de bagarres à l’école j’ai acquis une certaine résistance. Je suis très adroit au lancer de cailloux et je cours vite, ce qui m’a tiré souvent de situations où j’aurais pris des coups.
La Reine a eu quatre filles. Germaine, Aline restée vieille fille, Henriette épouse de François Forestier et Madeleine, ma mère, épouse de Pierre.
Avant que mon père ne soit mobilisé en août 1939 mes parents louaient un petit appartement près de la librairie où ils travaillaient, face au marché de Pau. D’après Aline ce petit appartement où est née Nanou, était sombre et sinistre.
A la mobilisation de mon père, (j’avais un an et deux mois), Maman a quitté le petit appartement pour habiter chez ses parents au dessus de leur pharmacie, rue du 14 juillet à Pau. Ses deux enfants y étaient en sécurité pendant qu’elle travaillait à la librairie.
Mais mon grand-père maternel, Camille, (pharmacien de première classe, époux de la Reine, sa cousine), est mort en 1943. La pharmacie et l’appartement du dessus furent fermés. C’est depuis cette date que nous habitons dans cette maison du Junqué.
Aucun membre de la famille de mon père n’est jamais venu nous voir dans cette maison. Ils habitent le Massif Central. Mon père n’en parle jamais. Je ne sais même pas leurs noms ou leurs prénoms. Il dit parfois, un peu crispé, « Je suis né dans une ferme ». Je ne sais pas ce que ça veut dire, je n’ai jamais vu de ferme. Nanou non plus. Mon père dit qu’à son époque les enfants des fermes travaillaient dès l’âge de six ans avec leurs parents. Pour que je comprenne un peu sa vie d’autrefois à la campagne il m’a offert un magnifique album illustré avec des images en couleurs détaillées qui montrent tous les travaux agricoles qu’il a pratiqués avec sa famille. Les images de la moisson en particulier sont très belles, les blés sont dorés, des paysans coupent le blé à la faux et avec une machine tirée par des bœufs. Des meules de paille parsèment les champs moissonnés, les enfants courent et jouent en riant avec des chiens.
Un hiver où nous manquions de tout pendant la guerre mon père a écrit à sa mère de nous envoyer depuis sa ferme un sac de pommes de terre. Quelques temps plus tard grand-mère nous a envoyé cent kilos de haricots secs. Ah, on en a mangé des haricots ! Des charançons les avaient attaqués, Nanou et moi avons passé des heures et des heures à enlever et tuer ces charançons.
La Tante a mis du mercurochrome sur le genou de Cécilia.
J’ai posé le petit vélo sur le perron et suis rentré dans ma petite chambre où j’ai repris ma lecture des Trois Mousquetaires, alors que je l’ai déjà lu l’an dernier. Je lis des tonnes de livres usagés, ceux que mon père loue à certains clients. Des livres d’aventures, que des livres d’aventures ! Tout le monde est ravi. Quand je lis, je n’embête plus personne, « Il se tient tranquille ! Enfin ! »
Midi. C’est l’heure de mettre le couvert, mes parents seront bientôt revenus à vélo de la librairie. Nanou et moi balayons la salle à manger, nettoyons la nappe, sortons les assiettes que l’on se lance l’un à l’autre en courant autour de la table. Nanou met les couverts pendant que je vais chercher le vin et les fromages à la cave.
La clochette du portail a sonné, mes parents arrivent. Nanou apporte de la cuisine une salade et un plat de côtelettes de mouton préparées par La Tante, puis nous attendons que la Reine se lève de son sacré fauteuil dans le salon et quelle s’assoit la première pour que l’on ait le droit de s’asseoir nous aussi.
A une époque, avant de commencer à manger, la Reine désignait celui qui devait dire le bénédicité. Maintenant elle a abandonné le bénédicité. Mais on laisse toujours un couvert sans y mettre de nourriture, pour la part du pauvre. C’est elle aussi qui décide de qui s’assoit à côté de qui.
Elle s'assoit ! Enfin ! Là, oui, on peut s'asseoir, mais Nanou et moi devons attendre qu’elle ait commencé à manger pour manger nous aussi. Assis, dos droit ! Pas de coudes sur la table ! Et les enfants ne parlent que si on leur pose une question ! Ce cérémonial nous intimide. Mais petit à petit je ne veux plus le respecter. Quand j’ai envie de parler, je parle ! J’écoute ce que disent les parents, et je la ramène, je «raisonne», je suis un « raisonneur » et un « insolent » dit la Reine - que je provoque souvent. Alors elle m’envoie manger seul à la cuisine ou dans le couloir sur un tabouret, mon assiette sur les genoux. Mais aucune de ses punitions - jamais contestées par mon père ou ma mère - , n'a le moindre effet sur moi. Elle a récemment ordonné qu’aux repas je sois assis face à elle. Pour me tenir sous son regard. Elle veut me « dresser ». C'est le mot qu'elle a employé. Elle s’imagine que ça va marcher.
Un jour je l’ai entendu dire dans le salon, au sujet de mon père : « Il sent encore la ferme !». Elle n’avait pas vu que j’étais dans les parages, elle a dit ça devant la Tante, Aline, Henriette, Forestier, le cousin Serge et son épouse, pendant que ma mère et mon père travaillaient à la librairie ! Personne n’a protesté. Tous ont hoché la tête en souriant. Ça m’a fait mal. Elle méprise mon père. Pourquoi ? Les autres, je ne sais pas trop…
Une autre phrase que Nanou et moi avons entendue, cachés derrière les portes fermées du salon (on n’a pas le droit de venir dans le salon lorsqu’elle reçoit): « C'est une mésalliance. Madeleine, ma dernière fille, en l'épousant, a commis une mésalliance ». Elle a dit ça à ses invités du jour dans le salon. Je n'avais pas compris ce terme. Avec Nanou on a ouvert le dictionnaire Larousse que Maman nous avait donné. On a trouvé. Ah ! que mes parents s'épousent, ce n'était pas bien! C’était déchoir. Mésalliance, mauvaise alliance ! Voilà ce que pensait et colportait la Reine, ma grand-mère. Et ce que pensaient certainement aussi tous les membres de sa famille, de son clan. Mon père, fils de fermiers, ce petit paysan, avait osé épouser ma mère, l'une de ses filles.
Depuis, c’est la guerre entre nous.
La salade et les côtelettes de mouton, bien grillées, étaient délicieuses. Même Cécilia qui refuse beaucoup de plats en a mangé.
Mes parents sont de bonne humeur, Maman a réussi à vendre un dictionnaire très cher à l’une de ses clientes préférées. Je n’ose pas leur dire que j’ai entendu Cécilia appeler la Tante « Maman » dans le jardin. Le repas se prolonge, la Reine soudain nous raconte qu’elle vient de recevoir une lettre de Couhé Vérac dans le Poitou, un des villages qu’elle habitait avec grand-père, avant de venir s’installer à Pau en 1911. Elle aimait parcourir la campagne de cette région et ramassait des pointes de flèches en silex dans des grottes ou dans les champs labourés, des œufs d’oiseaux, des plantes pour son herbier. Le Maire de Couhé-Verac a fondé un petit musée dans le village. Il est d’accord d’accepter une partie de ses collections. La Tante et ma mère s’exclament, c’est formidable, tu vas devenir célèbre ! Tous ces outils préhistoriques que tu as trouvés vont enfin avoir une place où ils pourront être étiquetés et observés ! A la fin du repas je bouillais d’impatience d’aller voir ces objets. Nous sommes tous descendus à la cave. Avec une grosse clé elle a ouvert l’une des armoires normandes et a tiré trois lourds tiroirs remplis de silex, cailloux biscornus, pointes de flèches, œufs et nids d’oiseaux, plantes séchées, peaux de serpents, pierres pétrifiées, en forme de poire, de figue, poissons et oursins vidés et desséchés, et quantité d’autres objets emballés dans du papier avec des dates et des noms de lieux. J’étais stupéfait, elle avait trouvé et collectionné tout ça ! Et les avait rangés en secret, enfermés dans les tiroirs des grosses armoires normandes de la cave. Qui était cette grand-mère ?
Tous ceux de la famille de ma mère, les Forestier, les cousins germains de Grenoble ou cousins éloignés, le frère de la Reine et Suzanne sa femme, l’admirent « Marie-Louise est une femme supérieure, élégante, un port de tête admirable, de Reine, et elle a beaucoup d’humour, de réparties ! ». Voilà ce que j’ai entendu. Certains lui demandent conseil, comme le curé et les Sœurs qu'elle invite souvent à prendre le thé dans le salon dont elle ferme les portes à chaque fois pour que ni Nanou ni moi ne puissions la déranger.
Pendant la guerre de 14-18 m’a dit ma mère, elle soignait les blessés amenés à la gare de Pau, elle avait donc une compétence dans les soins médicaux. Son frère et elle étaient les enfants d’une famille dans laquelle on trouvait des huissiers, des militaires, des médecins et ce fameux gérant d’un relais de poste à cheval royal dont elle nous avait montré un jour le parchemin signé de je ne sais plus quel Roi. Mariée à son cousin germain, pharmacien - le grand amour de sa vie - elle aimait, lorsqu’ils vivaient dans le Poitou, chasser, tirer à la carabine et au fusil de chasse (j’en ai vu plusieurs modèles perfectionnés dans une petite armoire de la cave). Sur les marchés elle chinait des meubles anciens qu’elle achetait une bouchée de pain, pour meubler son salon. Elle sait jouer du piano, graver le bois ou le métal , y faire des dessins.
Mais elle aime commander, diriger. Et il lui faut des domestiques. Avant guerre elle avait toujours au moins une bonne et un jardinier.
Elle raconte souvent des histoires extraordinaires, elle sait raconter, alors on l’écoute. Elle est le centre de cette maison. Et personne n'a le droit de s'asseoir dans son fauteuil.
Tout le monde l’admire, et alors que je vois qu’elle détruit mon père, moi aussi je l’admire.
Les avis
André CHAUCHAT
VIENS CÉCILIA,
PARTONS
Éditions Il Est Midi
Nous sommes au mois de Mai 1949.
J’aurai bientôt 11 ans. Ce matin il n’y a pas classe, je suis seul dans le deuxième jardin, mon royaume. J’en connais tous les arbres, les deux chênes d’Amérique, les quatre cerisiers, les deux poiriers et les trois pieds de vigne contre le mur du fond, en galets du Gave. Je connais tous les arbustes, tous les rosiers tendus sur des fils de fer à partir de la tonnelle du milieu du jardin, dont le centre au sol est un hexagone en pierres sur lequel est posée une table en céramique. De cette tonnelle partent quatre allées, vers les quatre points cardinaux, qui aboutissent aux deux haies et aux deux murs qui clôturent ce jardin.
Le mur mitoyen avec le jardin de Mademoiselle Illé, lui aussi en cailloux du Gave, est parfaitement plat sur le dessus. J’y grimpe souvent et marche jusqu’aux tilleuls du premier jardin, et là, caché par les feuilles, je me couche à plat ventre pour observer les oiseaux, les chats qui franchissent les haies, ou la maison dont les fenêtres principales se trouvent juste en face de moi.
Près des chênes d’Amérique et du mur mitoyen il y a une pompe à main peinte en vert avec un réservoir en métal où nous stockons de l’eau. J’ai mis dans le réservoir des petits poissons que j’ai attrapés avec un filet à papillons dans le Gave.
A deux pas de la pompe, un tout petit bâtiment couvert de tuiles, la Loge, peut se fermer à clé. Nous y conservons des fruits pour l’hiver dans une armoire. J’y ai installé un petit banc et apporté des bandes dessinées, Mandrake, le Journal de Bébé, des numéros de Bibi Fricottin ou des Pieds Nickelés que m’a donnés ma mère. La Loge est un peu mon refuge. Ma sœur aînée Nanou y vient parfois avec moi, ainsi que Petite-Sœur Cécilia - trois ans maintenant.
Comme presque tous les jours je me suis occupé des poules et des lapins. C’est moi qui les nourris, avec du blé ou du maïs, des épluchures de légumes, de l’herbe que je coupe dans le jardin ou dans les fossés à la campagne.
Pendant la guerre, mon père, voyant qu’il y avait peu de nourriture, avait décidé de construire un poulailler et des cages à lapin, au moins nous aurions des œufs frais et de temps en temps une poule ou un lapin à manger.
La construction du poulailler avait failli tourner au désastre. Mon père avait choisi l’endroit avec soin, entre le mur de Mademoiselle Illé et les chênes d’Amérique, et contre la haie de lauriers qui nous séparait d’autres voisins, sans doute des réfugiés espagnols. Il n’y avait donc que deux côtés à grillager. Le poulailler se trouverait près de la pompe, mais aussi à l’abri du vent. Mon père, mon oncle Forestier, Jacky et un cousin avaient planté des poteaux en bois et tendu du grillage qu’ils avaient fixé aux poteaux - en laissant une place pour la porte - tout allait bien. Soudain l’on entendit des cris. J’accourus avec ma mère. Mon oncle et le cousin voulaient fabriquer un toit en grillage. Mon père s’y opposait, la discussion s’envenimait. Mon père, très énervé, les traitait d’imbéciles, ils allaient en venir aux mains.
– Arrêtez ! Arrêtez vous ! Pierre arrête ! Qu’est-ce qu’il y a ? cria ma mère.
Forestier et le cousin essayaient de tendre de force un grillage au dessus des poteaux, mon père tirait de l’autre côté pour les en empêcher.
– Pas besoin de toit, je vous l’ai dit ! Les poules ne s’envoleront pas ! Je vous l’ai expliqué !
– Lâchez ce grillage ! Lâchez le !
– En coupant un peu l’une des ailes, elles ne peuvent plus voler !
– Vous ne couperez pas les ailes des poules !
– Les grandes plumes d’une seule aile ! La poule est déséquilibrée dans son vol ! Vous ne savez même pas ça !
– Vous vous savez tout !
– Je suis né dans une ferme, je sais m’occuper des poules ! Vous, vous ne savez pas !
– Très bien, démerdez vous tout seul ! On verra le résultat !
L’oncle et le cousin ont tout laissé tomber et sont partis en colère. Mon père a fini le poulailler tout seul en construisant une porte avec planches, grillage, et charnières souples coupées dans des sangles. Cinq poules aux pattes liées par des cordelettes qu’on avait achetées au marché se sont retrouvées entre ses mains. Il leur a coupé les grandes plumes d’une aile, les a lâchées dans le poulailler, a mis de la paille contre le mur avec une fourche et m’a demandé de leur jeter du maïs et de mettre une vieille casserole avec de l’eau propre.
– Demain je leur construirai un abri et des perchoirs. Je te montrerai pour les nourrir.
Il a ajouté deux poules et un coq, on a eu des tas de poussins, on a mangé des œufs frais et des poules de temps en temps, ça nous a changé des rationnements, de la mortadelle et des flocons d’avoine ! Même maintenant en 49 c’est difficile de se procurer de la viande, on fait toujours la queue chez le boucher dont le fils a été assassiné à la libération.
Un autre dimanche Père a construit quatre cages à lapin.
Comme il me l’a demandé je m’occupe tous les jours des lapins que j’adore, des poules, du coq, et des poussins que j’observe longuement. Les mères poules sont de bonnes mères, elles surveillent leurs petits, les abritent et les réchauffent sous leurs ailes, leurs apprennent à chercher de leurs becs et de leurs griffes des vers, des insectes, de l’herbe, les appellent lorsqu’elles marchent pour ne pas qu’ils se perdent, et poussent des cris perçants lorsqu’elles voient un chat pour que les petits se précipitent tout de suite sous leurs ailes.
Mais petit à petit, sans savoir pourquoi, j’ai pris une poule en grippe. La blanche. Avec sa crête rouge violacé sanglante qui verse sur le côté. Je la poursuis dans le poulailler, je la déteste. Elle me fixe de son œil noir.
Revenant vers la maison je m’approchais sans bruit de Petite-Sœur pour lui faire une farce, lorsque je l’ai entendu dire tout bas «Maman» à la Tante, ça m’a coupé le souffle. J’ai attendu que la Tante s’éloigne avec les fleurs qu’elle avait coupées, j’ai pris Petite-Sœur par la main.
– Elle n’est pas ta Maman ! Je t’ai entendue, tu as dit « Maman » à la Tante ! C’est Maman ta mère, pas la Tante !
Cécilia, trois ans, m’a regardé avec un sourire bizarre.
– Elle veut que je l’appelle « Maman ».
– Non ! C’est notre Tante, la sœur aînée de Maman. Elle n’est pas ta Maman !
Lorsque je me suis retourné j’ai vu que la Tante s’était immobilisée, ses fleurs à la main, et me regardait fixement. La petite avait l’air perdue. J’ai repris sa main en l’embrassant.
– Viens, on va voir les lapins !
Elle s’est mise à rire.
– Oh oui ! Les lapins !
Je l’ai emmenée voir les lapins. Après je lui ai dit que j’allais lui apprendre à faire du vélo sans les petites roues stabilisatrices. Elle a ri en battant des mains. La Tante était rentrée à la maison, j’ai attrapé le petit vélo qui traînait près du perron et j’ai démonté en un tour de mains les deux petites roues. Cécilia s’est assise sur la selle, j’ai marché à côté d’elle en tenant un peu le vélo lorsqu’elle pédalait. De temps en temps je lâchais tout. Elle oscillait, le vélo tanguait, je l’empêchais de tomber, nous avons fait comme ça plusieurs aller-retour du perron jusqu’au portail. Puis je l’ai lâchée complètement. Je n’avais pas vu que la Tante était revenue sur le perron juste au moment où la petite qui penchait de plus en plus en pédalant s’affalait dans l’allée. La Tante s’est mise à crier en courant vers Cécilia, mais j’étais déjà à côté de la petite.
– Allez, debout ! Relève-toi ! On recommence !
La Tante se précipita vers l’enfant qui rigolait.
– Ma chérie ! Tu es tombée ! Tu as mal ?
– Elle n’a rien !
– Tu t’es blessée aux genoux ma chérie. Elle saigne !
J’avais relevé le vélo.
– C’est rien, on continue !
Deux gouttes de sang perlaient à son genou gauche. Cécilia essayait de se remettre en selle mais la Tante l’a enlevée du vélo de force. Cécilia se débattait dans ses bras, voulant continuer à faire du vélo.
– Il faut désinfecter ton genou, je vais te mettre du mercurochrome ma chérie.
Elle l’emporta dans ses bras à l’intérieur de la maison.
C’est dans cette maison du Junqué, près de la ville de Pau que je vis avec mes deux sœurs, mon père, ma mère, ma grand-mère maternelle que ma sœur Nanou et moi appelons La Reine, et sa fille aînée préférée Germaine, la Tante.
Je suis maigre et très petit pour mon âge. Nanou qui n’a qu’un an de plus que moi me dépasse de plus d’une tête. A force de bagarres à l’école j’ai acquis une certaine résistance. Je suis très adroit au lancer de cailloux et je cours vite, ce qui m’a tiré souvent de situations où j’aurais pris des coups.
La Reine a eu quatre filles. Germaine, Aline restée vieille fille, Henriette épouse de François Forestier et Madeleine, ma mère, épouse de Pierre.
Avant que mon père ne soit mobilisé en août 1939 mes parents louaient un petit appartement près de la librairie où ils travaillaient, face au marché de Pau. D’après Aline ce petit appartement où est née Nanou, était sombre et sinistre.
A la mobilisation de mon père, (j’avais un an et deux mois), Maman a quitté le petit appartement pour habiter chez ses parents au dessus de leur pharmacie, rue du 14 juillet à Pau. Ses deux enfants y étaient en sécurité pendant qu’elle travaillait à la librairie.
Mais mon grand-père maternel, Camille, (pharmacien de première classe, époux de la Reine, sa cousine), est mort en 1943. La pharmacie et l’appartement du dessus furent fermés. C’est depuis cette date que nous habitons dans cette maison du Junqué.
Aucun membre de la famille de mon père n’est jamais venu nous voir dans cette maison. Ils habitent le Massif Central. Mon père n’en parle jamais. Je ne sais même pas leurs noms ou leurs prénoms. Il dit parfois, un peu crispé, « Je suis né dans une ferme ». Je ne sais pas ce que ça veut dire, je n’ai jamais vu de ferme. Nanou non plus. Mon père dit qu’à son époque les enfants des fermes travaillaient dès l’âge de six ans avec leurs parents. Pour que je comprenne un peu sa vie d’autrefois à la campagne il m’a offert un magnifique album illustré avec des images en couleurs détaillées qui montrent tous les travaux agricoles qu’il a pratiqués avec sa famille. Les images de la moisson en particulier sont très belles, les blés sont dorés, des paysans coupent le blé à la faux et avec une machine tirée par des bœufs. Des meules de paille parsèment les champs moissonnés, les enfants courent et jouent en riant avec des chiens.
Un hiver où nous manquions de tout pendant la guerre mon père a écrit à sa mère de nous envoyer depuis sa ferme un sac de pommes de terre. Quelques temps plus tard grand-mère nous a envoyé cent kilos de haricots secs. Ah, on en a mangé des haricots ! Des charançons les avaient attaqués, Nanou et moi avons passé des heures et des heures à enlever et tuer ces charançons.
La Tante a mis du mercurochrome sur le genou de Cécilia.
J’ai posé le petit vélo sur le perron et suis rentré dans ma petite chambre où j’ai repris ma lecture des Trois Mousquetaires, alors que je l’ai déjà lu l’an dernier. Je lis des tonnes de livres usagés, ceux que mon père loue à certains clients. Des livres d’aventures, que des livres d’aventures ! Tout le monde est ravi. Quand je lis, je n’embête plus personne, « Il se tient tranquille ! Enfin ! »
Midi. C’est l’heure de mettre le couvert, mes parents seront bientôt revenus à vélo de la librairie. Nanou et moi balayons la salle à manger, nettoyons la nappe, sortons les assiettes que l’on se lance l’un à l’autre en courant autour de la table. Nanou met les couverts pendant que je vais chercher le vin et les fromages à la cave.
La clochette du portail a sonné, mes parents arrivent. Nanou apporte de la cuisine une salade et un plat de côtelettes de mouton préparées par La Tante, puis nous attendons que la Reine se lève de son sacré fauteuil dans le salon et quelle s’assoit la première pour que l’on ait le droit de s’asseoir nous aussi.
A une époque, avant de commencer à manger, la Reine désignait celui qui devait dire le bénédicité. Maintenant elle a abandonné le bénédicité. Mais on laisse toujours un couvert sans y mettre de nourriture, pour la part du pauvre. C’est elle aussi qui décide de qui s’assoit à côté de qui.
Elle s'assoit ! Enfin ! Là, oui, on peut s'asseoir, mais Nanou et moi devons attendre qu’elle ait commencé à manger pour manger nous aussi. Assis, dos droit ! Pas de coudes sur la table ! Et les enfants ne parlent que si on leur pose une question ! Ce cérémonial nous intimide. Mais petit à petit je ne veux plus le respecter. Quand j’ai envie de parler, je parle ! J’écoute ce que disent les parents, et je la ramène, je «raisonne», je suis un « raisonneur » et un « insolent » dit la Reine - que je provoque souvent. Alors elle m’envoie manger seul à la cuisine ou dans le couloir sur un tabouret, mon assiette sur les genoux. Mais aucune de ses punitions - jamais contestées par mon père ou ma mère - , n'a le moindre effet sur moi. Elle a récemment ordonné qu’aux repas je sois assis face à elle. Pour me tenir sous son regard. Elle veut me « dresser ». C'est le mot qu'elle a employé. Elle s’imagine que ça va marcher.
Un jour je l’ai entendu dire dans le salon, au sujet de mon père : « Il sent encore la ferme !». Elle n’avait pas vu que j’étais dans les parages, elle a dit ça devant la Tante, Aline, Henriette, Forestier, le cousin Serge et son épouse, pendant que ma mère et mon père travaillaient à la librairie ! Personne n’a protesté. Tous ont hoché la tête en souriant. Ça m’a fait mal. Elle méprise mon père. Pourquoi ? Les autres, je ne sais pas trop…
Une autre phrase que Nanou et moi avons entendue, cachés derrière les portes fermées du salon (on n’a pas le droit de venir dans le salon lorsqu’elle reçoit): « C'est une mésalliance. Madeleine, ma dernière fille, en l'épousant, a commis une mésalliance ». Elle a dit ça à ses invités du jour dans le salon. Je n'avais pas compris ce terme. Avec Nanou on a ouvert le dictionnaire Larousse que Maman nous avait donné. On a trouvé. Ah ! que mes parents s'épousent, ce n'était pas bien! C’était déchoir. Mésalliance, mauvaise alliance ! Voilà ce que pensait et colportait la Reine, ma grand-mère. Et ce que pensaient certainement aussi tous les membres de sa famille, de son clan. Mon père, fils de fermiers, ce petit paysan, avait osé épouser ma mère, l'une de ses filles.
Depuis, c’est la guerre entre nous.
La salade et les côtelettes de mouton, bien grillées, étaient délicieuses. Même Cécilia qui refuse beaucoup de plats en a mangé.
Mes parents sont de bonne humeur, Maman a réussi à vendre un dictionnaire très cher à l’une de ses clientes préférées. Je n’ose pas leur dire que j’ai entendu Cécilia appeler la Tante « Maman » dans le jardin. Le repas se prolonge, la Reine soudain nous raconte qu’elle vient de recevoir une lettre de Couhé Vérac dans le Poitou, un des villages qu’elle habitait avec grand-père, avant de venir s’installer à Pau en 1911. Elle aimait parcourir la campagne de cette région et ramassait des pointes de flèches en silex dans des grottes ou dans les champs labourés, des œufs d’oiseaux, des plantes pour son herbier. Le Maire de Couhé-Verac a fondé un petit musée dans le village. Il est d’accord d’accepter une partie de ses collections. La Tante et ma mère s’exclament, c’est formidable, tu vas devenir célèbre ! Tous ces outils préhistoriques que tu as trouvés vont enfin avoir une place où ils pourront être étiquetés et observés ! A la fin du repas je bouillais d’impatience d’aller voir ces objets. Nous sommes tous descendus à la cave. Avec une grosse clé elle a ouvert l’une des armoires normandes et a tiré trois lourds tiroirs remplis de silex, cailloux biscornus, pointes de flèches, œufs et nids d’oiseaux, plantes séchées, peaux de serpents, pierres pétrifiées, en forme de poire, de figue, poissons et oursins vidés et desséchés, et quantité d’autres objets emballés dans du papier avec des dates et des noms de lieux. J’étais stupéfait, elle avait trouvé et collectionné tout ça ! Et les avait rangés en secret, enfermés dans les tiroirs des grosses armoires normandes de la cave. Qui était cette grand-mère ?
Tous ceux de la famille de ma mère, les Forestier, les cousins germains de Grenoble ou cousins éloignés, le frère de la Reine et Suzanne sa femme, l’admirent « Marie-Louise est une femme supérieure, élégante, un port de tête admirable, de Reine, et elle a beaucoup d’humour, de réparties ! ». Voilà ce que j’ai entendu. Certains lui demandent conseil, comme le curé et les Sœurs qu'elle invite souvent à prendre le thé dans le salon dont elle ferme les portes à chaque fois pour que ni Nanou ni moi ne puissions la déranger.
Pendant la guerre de 14-18 m’a dit ma mère, elle soignait les blessés amenés à la gare de Pau, elle avait donc une compétence dans les soins médicaux. Son frère et elle étaient les enfants d’une famille dans laquelle on trouvait des huissiers, des militaires, des médecins et ce fameux gérant d’un relais de poste à cheval royal dont elle nous avait montré un jour le parchemin signé de je ne sais plus quel Roi. Mariée à son cousin germain, pharmacien - le grand amour de sa vie - elle aimait, lorsqu’ils vivaient dans le Poitou, chasser, tirer à la carabine et au fusil de chasse (j’en ai vu plusieurs modèles perfectionnés dans une petite armoire de la cave). Sur les marchés elle chinait des meubles anciens qu’elle achetait une bouchée de pain, pour meubler son salon. Elle sait jouer du piano, graver le bois ou le métal , y faire des dessins.
Mais elle aime commander, diriger. Et il lui faut des domestiques. Avant guerre elle avait toujours au moins une bonne et un jardinier.
Elle raconte souvent des histoires extraordinaires, elle sait raconter, alors on l’écoute. Elle est le centre de cette maison. Et personne n'a le droit de s'asseoir dans son fauteuil.
Tout le monde l’admire, et alors que je vois qu’elle détruit mon père, moi aussi je l’admire.