Rose Tremain livre avec « Absolument et pour toujours » (JC Lattès), un roman riche en rebondissements sur le thème du grand amour. La romancière anglaise y décline une variation subtile autour de la passion qui traverse le temps… ravageant régulièrement tout sur son passage. Agnès Séverin n’y a pas résisté !
Rose Tremain livre avec « Absolument et pour toujours » (JC Lattès), un roman riche en rebondissements sur le thème du grand amour. La romancière anglaise y décline une variation subtile autour de la passion qui traverse le temps… ravageant régulièrement tout sur son passage. Une intrigue tenue sur un sujet éternel, à laquelle on n'a pas résisté !
Ce livre pourrait s’intituler « 24 ans de la vie d’une âme sensible » tant il fait penser à la femme de lettres française des XVIII et XIXe siècles, Constance de Salm. Avec les « 24 heures de la vie d’une femme sensible » (Phébus et Libretto), cette dernière plongeait dans le cœur d’une femme tourmentée par l’absence de son amant. « Je lus et je relus cette phrase jusqu’à la connaître par cœur. Elle faisait quarante-huit mots. Je savais que quels que soient les sujets auxquels je serais forcée de penser au cours des prochains mois, ces quarante-huit mots seraient pour toujours à l’arrière-plan de mon esprit, comme une chanson qui se dévide sans fin. » Quenouille autour de laquelle les pensées tournent en boule et s’entortille le poison de la nostalgie.
Avec Rose Tremain cap sur le XXe siècle. Les femmes sont élevées pour aimer. Ou tout au moins se marier. Difficile de choisir quand trop vous est donné par une époque dorée, alors Marianne, l' héroïne de Rose Tremain, rêvasse au-dessus d’un plat de spaghettis arrosé de chianti. Dans le Chelsea des années soixante toute normalité lui paraît soudain excentrique. « (…) mon plan s’arrêtait là : à une sorte d’hologrammes de moi-même en train de se diriger vers une destination mentale réconfortante que j’étais en réalité incapable de former. »
Chez la romancière anglaise Rose Tremain, l’une des grandes figures du genre outre-Manche, c’est une rupture qui sert d’incipit à une longue spirale de souffrance et d’interrogations. De Pénélope à Bridget Jones et Carrie Bradshaw (Sex and the City), même combat ! Ce sont des personnages passifs qui se laissent entraîner par la passion amoureuse, faute d’en trouver d’autres pour s’en distraire. Et retrouver un peu de liberté. « Je répondis que c’était à Simon de décider, mais à peine ces mots prononcés, ils me parurent fatidiques. Comme si je venais soudain de comprendre que j’avais perdu le contrôle de ma vie et tout remis entre les mains de Simon. »
Mais à quelques siècles de distance, les anti-héroïnes ont l’ironie comme arme pour se défendre. Loin du romantisme voué au tragique, un brin d’humour est toujours source de liberté. « Lors de la traversée de la plaine de Salisbury, ma vision de la lettre en vint à éclipser celle des monolithes dressés qui attendaient patiemment mon regard depuis quatre mille ans (ou peut-être plus vu ce que j’en savais à l’époque). Et je suis forcée d’en conclure que l’amour rend les êtres indifférents aux exploits les plus remarquables de l’ingénierie primitive, et qu’ils n’en éprouvent pas vraiment de remords. »
Le grand mérite de ce seizième roman réside dans la force de ses personnages. Rose Tremain les campe en quelques traits qui suffisent à les cerner, à compatir avec leurs turpitudes et leur déceptions, à s’emporter avec leurs élans. Marianne Clifford, l’adolescente rêveuse et la jeune femme rêveuse qui se laisse porter par la vie facile des sixties du Swinging London. Simon Hurst, le beau gosse qui s’envole sans se soucier des dégâts qu’il laisse derrière lui. « (…) j’entendis Petsy me mettre en garde : « Les hommes n’aiment pas comme toi tu as aimé. Ils aiment comme on fait une course de relais. Un amour succède à l’autre, encore et encore. Ainsi le témoin circule sans interruption. Quant à ceux qu’ils ont eus en main longtemps auparavant, ils le déposent simplement sur la piste pour faire trébucher un autre concurrent. » Les parents Clifford, qui incarnent sans façons une génération où le mot devoir avait encore un sens. Où il n’était pas question d’échapper à ce que l’on appellerait aujourd’hui « l’assignation de genre ». Et où les enfants étaient priés de suivre les rails de la vie toute tracée de leurs parents. Tous nous entraînent dans leur sillage tant la romancière de mœurs a le don savant de croquer ses personnages comme à l’eau forte. « Maman détestait s’entendre dire des choses qui la surprenaient ou la choquaient. Elle aimait que chaque conversation se déroule de façon prévisible, comme un chien docile trottant à côté d’elle au bout d’une laisse bien tendue. »
Même si l’époque est aux couleurs pop et à la joie de vivre, c’est une belle histoire en noir et blanc. Dans un style qui tient plus de la gravure que des contrastes qui claquent façon Warhol. Une histoire d’amour classique mais une variation moderne sur un sujet éternel. Et une inépuisable matière à suspense. L’amour est un jeu de domino où chacun culbute au gré les états d’âme de personnages qui peuvent être très loin. Et qui le sont de facto même si on voudrait les savoir plus proches. Il y a toujours un gouffre entre ce que les âmes sœurs ressentent les uns pour les autres et imaginent les uns des autres. « Nous avons tous peu ou prou les mêmes rêves : un bel appartement, une histoire d’amour, un métier qui nous plaise. », observait en substance Rose Tremain lors d’une interview que j’ai réalisée avec elle à Saint-Germain-des-Près il y a une vingtaine d’années. La force de ce roman est dans ce phénomène d’identification que l’autrice a le don de susciter. Comme Brel lançait : « Non Jeff, t’es pas tout seul ! » quand il pleurait Mathilde dans ses moules frites.
> « Absolument et pour toujours », de Rose Tremain, traduit de l’anglais par Françoise du Sorbier. JC Lattès, 247 pages, 21,90 euros. >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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