Rentrée littéraire de janvier 2025

« Patronyme » de Vanessa Springora, en-quête de père

Après « Le Consentement » (Grasset), Vanessa Springora revient avec un récit sur les ombres de sa famille paternelle dans « Patronyme » (Grasset).Un texte qui se confronte aux pires heures de l'Histoire du vingtième siècle dans l'ancienne Tchécoslovaquie et qui confirme combien l'auteure est une grande romancière.

Capture d'écran de vidéo La Grande Librairie Capture d'écran de vidéo La Grande Librairie

A la déflagration provoquée par la sortie de son livre Le Consentement (Grasset), qui révélait sa relation sous l'emprise de Gabriel Matzneff, alors qu'elle n'était qu'une enfant, a suivi celle de la mort de son père, intervenue le jour de son passage à la Grande Librairie. Vanessa Springora soudain mise à nu, par son passé, par son deuil. Vanessa Sringora, dont les projecteurs se tournent alors vers de nouveaux théâtres d'ombres.

Fantômes des absents

L'auteure qui pensait avoir affronté le plus grand fantôme de son passé en faisant le récit de son adolescence, se trouve confrontée au mystère de ce père, qu'elle n'avait pas vu depuis dix ans. Absent, fuyant, inexistant. Qui était-il vraiment ? Au jeu de la remontée du temps, la romancière est entraînée, presque malgré elle, dans une interrogation sur l'histoire de sa famille paternelle, au passé fait de secrets et de mystères.

Deuil et révélations

Le point de départ ? Tout simplement, la rencontre avec l'appartement de celui qui était devenu un étranger pour elle. La découverte de photos complaisantes montrant son grand-père paternel jeune, portant les insignes nazis, fait exploser le récit familial d’un citoyen tchèque enrôlé de force dans l’armée allemande, après l’invasion de son pays par le Reich, puis déserteur caché en France, avant de devenir « réfugié privilégié » en tant que dissident du régime communiste. Réfugié dont le nom sera changé, faisant de Springora un patronyme absent lui aussi de toute réalité. On efface tout et on recommence.

En-quête de père 

L'auteure se lance dans une véritable en-quête qui durera deux ans, s’appuyant sur les documents familiaux et les archives tchèques, allemandes et françaises. Elle tente de reconstituer le puzzle d'une histoire qui croise celle de la Grande Histoire, de la Seconde guerre mondiale à l'Occupation soviétique, au sein d'une Tchécoslovaquie qui a changé cinq fois de frontières, de nationalité et de régime ... ou comment chacun a cherché les limites de sa survie dans un jeu avec les frontières de la morale aussi ? 

Patronyme

Le texte de Vanessa Springora va bien au-delà du récit familial. Elle y mêle fiction et analyse, récit de voyage, fictions, hypothèses et rencontres imaginaires.... On y croise Kafka, Gombrowicz, Zweig ou Kundera. On remonte le temps des pires heures de l'Histoire et de ses bouleversements.
Le plus beau est que, malgré ces tourments du passé, Vanessa Springora montre comment elle accomplit sa nouvelle naissance. Non plus adossée à celle de sa famille paternelle, mais à elle-même. Nonobstant les fantômes du passé, elle réussit à faire de son patronyme le nom d'une grande écrivaine.

> « Patronyme »  de Vanessa Springora, Grasset, 368 pages, 22 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur le lien

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