C’est aussi à Rome que je conçus, pour la fois, l'idée d'écrire les Mémoires de ma vie ; j’en trouve quelques lignes jetées au hasard, dans lesquelles je déchiffre ce peu de mots « Après avoir erré sur la terre », passé les plus belles années de ma jeunesse loin de mon pays, et souffert à peu près tout ce qu'un homme souffrir, la faim même, je revins à Paris en 1800. Dans une lettre à M. Joubert j'esquissais ainsi mon plan : « Mon seul bonheur est d'attraper quelques heures pendant lesquelles je m'occupe d'un ouvrage qui seul peut apporter de l'adoucissement à mes peines : ce sont les Mémoires de ma vie. Rome y entrera ; ce n'est que comme cela que je puis désormais parler de Rome. Soyez tranquille ce ne seront point des confessions pénibles pour mes amis : si je suis quelque chose dans l'avenir, mes amis y auront un nom aussi beau que respectable. Je n'entretiendrai pas non plus la postérité du détail de mes faiblesses ; je ne dirai rien de moi que ce qui est convenable à ma dignité d’homme et, j'ose le dire, à l'élévation de mon cœur. Il ne faut présenter au monde que ce qui est beau ; ce n'est pas mentir à Dieu que de ne découvrir de sa vie que ce qui peut porter nos pareils à des sentiments nobles et généreux ».