Ce 23 avril 2016 marque le 400ème anniversaire de la mort d’un des plus grands écrivains au monde, William Shakespeare. Considéré comme l’un des piliers de la littérature contemporaine, l’oeuvre du britannique est plus qu’immortelle, elle est intemporelle. Moderne et incisive, elle ne manque d’être célébrée partout à travers le globe, notamment à la Comédie Française qui va jouer Roméo et Juliette. Même Google a consacré un Doodle le 23 avril 2016 au mythique auteur.
Un style inoubliable et inégalable
400 ans après sa mort, William Shakespeare fait toujours parler de lui. L’écrivain le plus emblématique de la Grande-Bretagne est de ceux qui marquent éternellement. Le dramaturge est devenu mythique, à tel point que quelques sceptiques s’interrogent même encore sur son existence. Celui qui serait né autour du 26 avril 1564 et mort le 3 mai 1616 à Stratford-upon-Avon, en Angleterre, a laissé plus d’un chef-d’oeuvre derrière lui. Roméo et Juliette, Macbeth, Hamlet, Othello, Le Songe d’une nuit d’été, la liste est bien trop longue pour tous les énumérer. Shakespeare s’essaye à différents genres, que ce soit la tragédie, la comédie, les pièces historiques ou les poèmes. Mais le point commun de chacune de ces oeuvres, c’est son style inégalable, reconnaissable entre mille. Un style qui traverse les siècles, et n’est en aucun cas atteint par l’âge. Au contraire, ses textes semblent nous parler de plus en plus, résonner étrangement avec notre époque.
La modernité à l’écho infini
Justement, chez Shakespeare, c’est avant tout sa modernité qui frappe. Ses mots, venus tout droit du XVIème
siècle, sonnent juste, probablement bien plus aujourd’hui qu’à son époque. L’écrivain aborde la problématique de l’individu bien avant que celle-ci ne soit prise au sérieux. Le conflit de ses personnages avec le collectif, le pouvoir et les autres, est au coeur de chacune de ses pièces. Le voilà déjà dans la complexité du sujet, des siècles avant l’apparition de la psychanalyse ou de l’existentialisme. Ses personnages complexes se battent avec leur conscience, leurs désirs et les attentes des autres. Des questions exceptionnelles pour l’époque. Que se passe-t-il quand s’affrontent sujet et collectif ? Pour Shakespeare, deux alternatives sont possibles. Le personnage entre en contradiction avec la société et apparaît alors le désir d’une transgression des règles qu’elle impose, ou bien c’est l’étouffement et la mort. Un conflit qui peut-être représenté tout simplement par la fameuse phrase d’
Hamlet, «
To be or not to be, that is the question » :
être ou ne pas être, telle est la question. Le lecteur peut déceler dans cette tirade célébrissime deux façons d’être : être à soi et être au monde. C’est sûrement l’une des problématiques favorites de l’écrivain britannique, celle de l’identité, des attentes de la société.
Une sexualité avant-gardiste
Ce moule qu’impose la société fictive aux protagonistes de Shakespeare s’applique particulièrement à la
sexualité. L’auteur utilise relativement fréquemment des personnages féminins qui se travestissent, prennent l’habit masculin pour mener une action qui serait difficile aux femmes. C’est ainsi que, dans
Le Marchand de Venise, Portia et sa servante s’habillent en hommes pour plaider la cause du marchand à la cour. Un stratagème réitéré à plusieurs reprises, notamment dans
La Nuit des rois ou dans
Comme il vous plaira. William Shakespeare apparaît donc comme l’ancêtre de cette réflexion du genre, le plaçant une fois encore au coeur des préoccupations d’aujourd’hui par sa modernité. D’ailleurs, la sexualité de l’auteur a elle-même été contestée. Son éventuelle bisexualité, question soulevée par le contenu de ses oeuvres, a scandalisé, à une certaine époque, la critique internationale. Si certains affirment que plusieurs sonnets se concentrent sur la beauté des hommes et que 126 d’entre eux soient adressés à un jeune homme, d’autres considèrent qu’ils se rapportent seulement à une amitié intense. D’ailleurs, à l’époque de Shakespeare, il n’existait même pas de terme pour désigner une identité exclusivement homosexuelle, un concept qui n’émergera qu’au XIXème siècle. Le personnage de l’écrivain fascine finalement autant que ceux qu’il imagine lui-même.
L’inspiration éternelle
Une fascination qui est loin de s’estomper. Héros autant qu’héraut de la culture britannique, Shakespeare est bien plus qu’un écrivain. C’est une source d’inspiration infinie. Un renouveau perpétuel. Une caractéristique qui n’est pas donnée à tous les écrivains. 400 ans plus tard, il n’existe pas un moment où une oeuvre de
Shakespeare n’est pas jouée, lu, appréciée, quelque part dans le monde. Un nombre incalculable de réinterprétations au théâtre, d’adaptations cinématographiques, de dérivés, ont vu le jour. Aujourd’hui il serait possible de relier la plupart de nos romans ou films avec Shakespeare. Stefan Zweig disait lui-même : «
La véritable Angleterre, c'est Shakespeare et les Shakespeariens; tout ce qui précède n'est que préparation, tout ce qui suit n'est qu'une contrefaçon boiteuse de cet élan original et hardi vers l’infini ». En fin de compte, les plus grands succès de notre époque contemporaine doivent leur triomphe au « grand Will ». Les fans de
Game of Thrones, par exemple, se doutent-ils que leur péripéties favorites sont largement inspirées des combats sans pitié que se livraient les Richard et les Henri de l’écrivain britannique ? Difficile de se rendre pleinement compte de l’impact qu’à eu Shakespeare sur notre société actuelle.
Toujours admiré, jamais oublié
L’engouement shakespearien est tel qu’il lui a même valu son propre mot dans la langue française, la « Shakespearomanie », décrit par Le Larousse des littératures comme l’ « empressement que suscitèrent en
France les oeuvres de Shakespeare à partir du XVIIIème siècle, où
Hamlet connu plus de 200 représentations entre 1769 et 1851. » Référence incontournable, l’écrivain est même l’un des rares à survivre à l’autodafé de George Orwell dans
1984, où ses textes sont transformés pour servir au régime totalitaire. C’est donc inlassablement qu’on l’utilise et réutilise. Cette année, même la Comédie Française s’y met, avec la mise en scène de
Roméo et Juliette, qui n’avait pas été donnée Salle Richelieu depuis 1952. La prestigieuse institution a généralement l’habitude de privilégier les auteurs français. Voilà qu’elle enfreint cette règle pour un hommage exceptionnel à Shakespeare. Un hommage auquel se joint même la RATP, qui décore ses rames et ses quais de citations de l’écrivain. Les célébrations ne manquent pas dans l’hexagone, bien que moins importantes que chez notre voisin anglais. Le ville natale de l’auteur accueillera, le 23 avril, nuls autres que Judi Dench, Ian McKellen, Helen Mirren et le prince Charles pour rejouer les scènes les plus connues de son répertoire, le tout au Royal Shakespeare Theatre. Le géant n’est pas prêt d’être détrôné.