Mathieu Simonet évoque la figure paternelle dans Barbe rose (Seuil), un texte hybride sur le mystère de celui qui fut "si loin, si près", composé de fragments de lettres, de souvenirs et d'émotions. Un livre qui se prolonge par un atelier participatif dans lequel chacun est appelé à écrire un texte sur son propre père. Rencontre avec un écrivain du "réel", qui tisse un parcours singulier.
Mathieu Simonet est un avocat écrivain, ou un écrivain avocat. En tant qu'écrivain, il part de ses expériences intimes pour penser des projets artistiques dont la réalisation requiert la participation d’autres personnes. Ses textes prennent ainsi la forme d’autobiographies collectives. Après le roman, La Maternité consacré à sa mère qui lui vaut le "Prix de l’Île aux Livres 2012". Avec son dernier roman Barbe Rose, l'écrivain du réel revient sur la figure du père. Un récit qui cherche à définir la personnalité de son étrange géniteur, écrivain, lui aussi, fou de littérature et supportant de moins en moins la vie sociale. Composé de scènes drôles ou émouvantes, mais aussi d’extraits de lettres échangées avec le romancier et éditeur Jean Cayrol, de fragments de journaux intimes et de livres inachevés, l’auteur sonde la psychologie de cet homme angoissé et bienveillant, tolérant et fuyant, fantasque et imprévisible.. L'écrivain nous confie ses secrets sur son écriture particulière et ses journaux intimes.
Viabooks: Pourquoi avoir voulu écrire un roman au sujet de votre père ?
Mathieu Simonet: Mon père a été hospitalisé à Sainte-Anne l’année de ma naissance. Il m’a appris à écrire. Pendant longtemps, il a eu une correspondance avec le poète Jean Cayrol, membre de l’Académie Goncourt, éditeur au Seuil. Mon père et moi avons du mal à communiquer en dehors de l’écriture. Je voulais écrire Barbe rose pour me rapprocher de lui et pour « couper le cordon ombilical ».
Pouvez-vous expliquer aux lecteurs de Viabooks le sens de votre titre "Barbe rose"
M.S: Il a pris plusieurs sens au fur et à mesure de l’écriture du livre. A l’origine, je voulais un titre évoquant « Barbe bleue ». Aujourd’hui, ce titre évoque pour moi les « histoires roses », publiées par l’Ordre ésotérique de la Rose-Croix que mon père me lisait enfant. « Barbe rose » est un titre malléable. Poétique. Un miroir que je tends au lecteur.
Pouvez-vous nous expliquer votre technique d'écriture - mélange lettres réelles et votre propre récit ?
M.S: J’écris mes livres à partir de matériaux réels (journal intime, lettres, notes, conversations téléphoniques, etc.). Puis je réalise une forme de collage à partir des matériaux récoltés. Cette étape de collage est en partie déconnectée de la réalité : je ne cherche pas à être fidèle au contenu des différents matériaux. Je cherche d’abord et avant tout à produire des effets, que je qualifie de « musicaux » ou de « cinématographiques ». Une partie substantielle de mon temps d’écriture consiste à travailler les transitions entre des paragraphes qui n’ont parfois rien à voir les uns avec les autres. J’écris, je crois, comme si je travaillais le montage d’un film ou la mise en scène d’une comédie musicale (mais sans images et sans musiques, avec juste des mots).
En plus de votre profession d'avocat, vous travaillez dans des ateliers ou vous organisez des dispositifs d'écriture collaborative que vous mettez en place dans des musées, écoles, radios... Qu'est-ce que cela vous apporte dans votre carrière d'écrivain ?
M.S: Les dispositifs d’« autobiographie collective » que je mets en place me permettent de confronter l’écriture au réel, de créer des liens, de susciter des histoires de coïncidences. Ces dispositifs sont comme des petits cailloux qui me guident (ou me perdent) vers mon prochain livre. Remarque : dans le cadre de la sortie de Barbe rose, je propose actuellement à tous ceux qui le souhaitent d’écrire un texte sur leur père ; ils peuvent me l’adresser (avec ou sans photo de leur père). Je publie ces textes (anonymement ou non) sur le site dédié.
Après avoir exhumé cette relation singulière par écrit, comment avez-vous réinvesti le réel ? Vous êtes-vous confronté au désir de devenir père vous-même ? Qu'est-ce que l'écriture a défini de cette relation de transmission dans un sens et éventuellement dans l'autre ?
M.S: J’ai eu le désir de devenir père il y a longtemps. Ce désir a disparu. Ce texte n’y a rien changé. La seule trace palpable du réel, après l’écriture de ce livre, c’est un texto de mon père, dont je n’avais pas de nouvelles depuis des mois, qui m’a écrit que Barbe rose l’avait touché. Ce texto est un talisman.
Devenir écrivain... Quel sera votre prochain texte ?
M.S: Je travaille actuellement sur deux manuscrits : l’un est inspiré de mon amie d’enfance, qui a monté la première permanence juridique en langue des signes. Le deuxième a pour titre provisoire « Le baiser d’Orlando » ; il évoque notamment ma première histoire d’amour à l’école maternelle pour un garçon qui portait un chapeau de cow-boy ; il se termine en 2016 avec l’attentat homophobe d’Orlando.
>Mathieu Simonet, Barbe rose, Seuil
>En savoir plus sur l'auteur en allant sur le site officiel de Mathieu Simonet
>Pour envoyer des textes à Mathieu Simonet, lui écrire à : contact@mathieusimonet.com
>Lire un extrait de Barbe rose
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