Le journal sans journalistes (Éditions Libertés numériques), signé Eric Le Ray, apporte un écho brut de décoffrage à l'actualité récente et une certaine reconnaissance à celles et ceux qui utilisent Facebook et Twitter comme médias d'information.
Eric Le Ray est une forte tête. Breton immigré au Québec, il conjugue dans sa pugnacité l'esprit frondeur des typographes- c'est d'ailleurs un ancien de l’École Estienne, école supérieure des arts et industries graphiques de la Ville de Paris, - et quelque chose peut-être du tempérament des trappeurs, ces chasseurs d'Amérique du Nord et du Canada qui en guise de pièges posaient des trappes pour... attraper justement, des animaux à fourrure. Mais qui cherche-t-il lui à attraper ?
Blindé par un avant-propos de l'artiste-philosophe Hervé Fischer, une préface de Nathalie Sonnac du CSA, une postface de Guy Millière, philosophe et économiste, et d'une page entière d'hommages, son livre fait penser après coup à un coup de bélier, ces poutres qui servaient jadis à défoncer les portes des villes assiégées. Cette charge pourrait se résumer en grands deux coups : De Gutenberg à Steve Jobs, et du 4e au 5e pouvoir, celui, dixit l'auteur : "des gens ordinaires". On y parle scandales et affaires d'espionnage de journalistes, de Trump, puis de Trump, et encore de Trump. On gonfle ainsi la vague d'une décrédibilisation des journalistes et des médias. On y affirme que : "Les gens sont le message", ce qu'Eric Le Ray oppose résolument depuis 2005 au fameux : "Medium is the message" de McLuhan en 1964.
On pourra regretter l'aspect "tête dans le guidon" et l'absence d'ouvertures sur un certain renouveau du journalisme d'enquête sous la forme de livres. Nous pensons aussi aux nouvelles formes de journalisme, narratif, immersif à 360°, des mises en formes – car informer c'est mettre en forme, originales qui relient sources et terrains aux citoyens et qui sont incontestablement en lien avec les nouvelles formes de narration, et du coup, avec le fait, essentiel pour nous, que le développement d'un véritable journalisme-citoyen dépend avant tout d'une "capacitation" (empowerment) des lecteurs.
Car c'est de cela qu'il s'agit en fait, de lecture et de conversion du regard, plus que des effets d'actualités débilitantes. On lira cependant ce livre avec plaisir, car il y souffle un vent marin par temps de forte houle, même si la presse en sort lessivée. A croire que dorénavant le journalisme, comme le Canada dans la chanson de Gilles Vigneault, ce n'est plus un pays, c'est l'hiver. A moins que l'on ne préfère la version de Robert Charlebois, Mon pays ce n'est pas un pays c'est un job ! L. S.
>Le journal sans journalistes, ou le cinquième pouvoir des gens ordinaires, Éric Le Ray, Éditions Libertés numériques, janvier 2017 (Montréal), 19,99 €
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Lorenzo Soccavo est chercheur associé à l'Institut Charles Cros, rattaché au séminaire Ethiques et Mythes de la Création, conférencier et prospectiviste du livre et de la lecture à Paris.
>Suivre les travaux de Lorenzo Soccavo sur son blog : Prospective du livre
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