Romance historique

« Dans les bras de Morphée » de Robyne Max Chavalan : romance du XIXème siècle dans la haute-société parisienne

Une plongée envoûtante dans le Paris de la révolution industrielle, des intrigues politiques incluant le tsar de Russie, une lutte contre la condition des femmes… c’est, entre autres, ce que promet Dans les bras de Morphée, nouveau roman de Robyne Max Chavalan (Black Ink). Un haletant roman de 504 pages immersif, qui pose le décor d’une société française en pleine ébullition. Et dresse le portrait d’une jeune femme au mépris des convenances. Le lecteur déambule dans le Paris de 1860, entre jeux de pouvoir et problèmes sociétaux. Analyse.

Un roman d’ambiance pour une auteure talentueuse

Cet ouvrage, dernier en date d’une série de treize romans pour Robyne Max Chavalan, nous plonge dans une époque fascinante et peut se rattacher à la célèbre Chronique des Bridgerton de Julia Quinn, dans lequel également, une jeune protagoniste féminine se bat dans un monde misogyne dont elle découvre tout juste les codes, sur fond de noblesse et d’intrigues de Cour, en somme un roman historique palpitant.
Et Robyne Max Chavalan n’a pas échoué à reproduire ce schéma de grandes fresques et romances historiques, qui s'inspire de Jane Austen dans Orgueil et préjugés par exemple.

Une autrice française entre Fantasy et New Romance

Diplômée de droit à l'Université Montesquieu Bordeaux IV, passionnée d'aventures et de mythologies, la jeune écrivaine commence par la Fantasy avant de se retrouver un peu par hasard dans un concours littéraire New Romance. Concours qu'elle gagnera en 2016 avec plus de 300 000 lectures, lui permettant ainsi de réaliser son rêve et d'être éditée. Aujourd’hui, elle ne déçoit pas avec ce nouveau roman prometteur.

A la découverte de Morphée

Paris, 1858. Appolonie de Mirancourt, jeune femme ambitieuse et pleine de vie, de haute noblesse et fille du directeur du prestigieux musée du Louvre en âge de se marier, se voit demander sa main par le célèbre comte Arkadi Leonidov, prince russe en exil descendant de Gengis Khan. Enchantée par cette perspective, la jeune Comtesse va vite déchanter ; car celui que l’on surnomme le lion vagabond de Russie n’est pas différent des autres hommes de sa condition, et n’hésite pas à la délaisser et la tromper à tout-va… Mais Appolonie, indépendante et libre d’esprit, ne peut en aucun cas l’accepter, et se met en tête de tout faire pour le reconquérir. Quitte à devenir courtisane dans les plus grands salons pour qu’il la remarque à nouveau. Appolonie, vêtue d’un masque noir de papillon, devient alors Morphée, demi-mondaine intrigante et mystérieuse dont le tout-Paris ne tarde pas à parler.

Mais Appolonie, ou Morphée, elle-même ne le sait plus, se sent bien vite prise au piège de ses propres machinations, se retrouvant mêlée à des intrigues des plus hautes strates politiques et liée à la bataille acharnée pour la succession au trône de Russie. Appolonie se débat avec le poids des convenances de la haute société, et use de sa grande intelligence pour ne pas se faire couper les ailes. Mais à trop jouer avec le feu, on finit par se brûler…
Prise au piège dans un univers régi par des hommes violents et avides de vengeance, Appolonie pourrait perdre bien plus que ce qu’elle pensait. Tout a un prix dans les bas-fonds de Paris.

Une société malsaine et inégalitaire

« Une courtisane peut avoir plus d’honneur qu’un gentleman. Un pauvre peut posséder plus de compassion qu’un riche contraint de donner aux œuvres de charité pour avoir bonne conscience… » -R.M.C

La vie n’est pas simple lorsque l’on est une femme dans le Paris des Lumières. Le roman alterne les points de vue d’Appolonie puis de son époux, faisant voir la réalité sous deux prismes totalement différents, montrant encore une fois les écarts de raisonnement entre les hommes et les femmes à cette époque. Il est tout à fait normal, voire conseillé, pour un homme de prendre maîtresse, alors que sa femme lui doit obéissance, se morfondant dans une cage dorée...
Appolonie ne peut s’y résoudre. Bafouée, trompée, humiliée et même privée de continuer ses recherches au musée du Louvre, la jeune femme se heurte aux difficultés des femmes de l’époque, et à l’hypocrisie des hauts placés. De Paris à Alexandrie, en passant par les broussailleuses forêts de Belgique, ce roman captivant dépeint le parcours d’une femme prête à tout pour se libérer de ses chaînes et obtenir un relation d’égal à égale avec son mari. Par tous les moyens.

Un roman à la portée féministe

« Quelque part, au fond de moi, je sais qu’Arkadi à raison lorsqu’il affirme qu’un homme ne doit aucune justification à son épouse. La vie des femmes a toujours été ainsi. Injuste et impitoyable. » -R.M.C

Alors que le lecteur pourrait penser à première vue à une romance légère aux inspirations mythologiques, il s’agit en réalité ici d’un débat féministe couplé à celui de la condition des plus miséreux, notamment à celui des femmes si pauvres qu’elles en sont réduites au pire pour survivre. Robyne Max Chavalan porte une réflexion de révolte contre la condition de la femme, considérée comme une enfant au service des besoins de son mari, et jugée incapable de la moindre pensée intelligente ou action cohérente. L’auteure nous montre au contraire que les femmes sont des personnages forts et complexes, aux personnalités multiples, comme Appolonie et Morphée, qui sont les deux revers d’une même médaille.

Une protagoniste controversée et haute en couleurs

Car Appolonie de Mirancourt, comtesse Leonidova, semble se débattre perpétuellement entre sa conscience et son éducation, lui intimant de se taire et se fondre dans le moule, et ses instincts brûlants de liberté. Lorsqu’elle est Morphée, la jeune femme est mue par ses envies, elle parle comme elle le souhaite et se sent si pleine, si libre. Mais Appolonie, et toutes les autres femmes, devraient avoir cette même opportunité. Et Appolonie désespère de reconquérir un jour son mari, qui semble si fasciné par Morphée, alors qu’il ne se doute pas qu’il trompe sa propre femme avec elle-même. La comtesse, happée également dans les intrigues politiques entre son mari et son cousin pour la succession russe, va se livrer à un dangereux jeu d’espionnage, alors même que des assassinats se préparent dans tout Paris. Au milieu d’une période sombre, Appolonie se bat avec ses propres démons, ceux de Morphée, et le regard perçant de la société.

Une fin heureuse malgré tout ?

« Mieux vaut vire enchaîné près de celui que l’on aime, que libre au milieu des jardins de celui que l’on hait. » -R.M.C

Alors qu’elle décide de fuir pour l’Afrique et Alexandrie avec son fils adoptif, Appolonie se retrouve confrontée à ses démons, et à son mari. Mais va-t-elle réussir à faire face à son destin ? Dans les bras de Morphée réunit tous les ingrédients d’une excellente romance historique, avec également ce côté descriptif permettant de se perdre dans l’Europe du XIXème siècle au gré des tribulations des personnages, et de se faire un portrait de la société profondément inégalitaire de l’époque. Car une fois plongée parmi les intrigues des plus Grands, Appolonie ne pourra pas en ressortir. Au risque de se faire couper les ailes…

Robyne Max Chavalan montre avec ce roman une imagination et un souci du détail frappants, et prend le lecteur par la main pour l’emmener dans un monde historique, mais qui se révèle aussi fascinant qu’un monde imaginaire de fantasy. On s’y perdrait.

>Robyne Max Chavalan, Dans les bras de Morphée, éditions Black Ink, 504 pages, 18 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien

4.5
 

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