Elsa Fayner, rédactrice en chef de la revue XXI vient de lancer une collection de livres sous la bannière XXI Bis. Du pur journalisme littéraire encore plus exigeant que celui de la revue. Elle nous explique les raisons de ce glissement vers l'édition, prolongement (bio)logique du journalisme littéraire.
Au Point éphémère quai de Valmy, foule des grands jours pour écouter Elsa Fayner, rédactrice en chef de la revue XXI, venue présenter la collection de livres qu'elle a initiée sous la bannière XXI Bis, en présence des premiers auteurs : Aurélie Champagne, Ramsès Kefi et Patrice van Eersel.
Créée en 2008, XXI est une revue trimestrielle qui propose un journalisme de récit, tourné vers « l'intimité du siècle », sa devise, avec « des reportages à dévorer comme des romans », expression utilisée par l'équipe elle-même pour se qualifier. Elle a connu déjà plusieurs vies, avec quelques changements de gouvernance et d'actionnaires, mais s'est imposée dans le paysage médiatique grâce à des reportages souvent remarquables, qui ont révélé de nouvelles signatures. Citons Bienvenue chez Mugabe, de Sophie Bouillon, qui a reçu le prix Albert Londres pour cet article, ou Le nazi de Damas, traitant des activités d'Aloïs Brunner en Syrie, ou encore Que celles qui ont été violées lèvent la main, traitant du « business du viol » en République démocratique du Congo de Marion Quillard qui a reçu l’European Press Prize.
On trouve dans l'assemblée présente les passionnés : «Bravo pour ce que vous faites, je vous soutiens toujours», les fidèles abonnés : «Je ne manque aucun de vos numéros, alors les livres, je vais aussi m'y mettre», des fébriles étudiants en journalisme qui se pâment : «Vous êtes mon modèle, c'est grâce à vous que j'ai décidé de devenir journaliste» et d'autres qui viennent respectueusement saluer leurs consœurs et confères, dont ils reconnaissent l'engagement et le courage des reportages au temps long.
Avec des contributions de cette qualité, l'idée a germé chez Elsa Fayner de créer à côté de la revue, une collection de livres, qui permettrait de donner plus d'ampleur à un reportage et d'imposer ce journalisme littéraire comme l'ADN de XXI. Ces livres sont de véritables pépites à conserver, à offrir, à lire dans les transports ou chez soi. Des récits courts pour un effet long... les petits XXI qui voient grand n'ont pas fini de nous interpeller. Elsa Fayner répond à nos questions pour nous en expliquer les ressorts.
-Elsa Fayner : Nos journalistes du temps long se trouvent aux premières loges, c’est-à-dire sur le terrain. Il sont les capteurs des frémissements et des signaux faibles du monde qui advient, ils sont là pour alerter, annoncer, raconter, avec finesse et sensibilité. Ainsi est née l’idée de créer une collection de longs récits de ce qui est appelé non-fiction, pour documenter ce réel sur la crête, dans les failles, entre destruction et construction.
-E.F. : Nous voulions que chaque livre corresponde à un reportage, dans un volume ramassé pour un livre, mais long pour un article. Chaque ouvrage fait 96 pages. Le choix du format qui est petit (11 x 16 cm), permet littéralement de les tenir dans la main et dans la poche. C'est le petit livre qui vous accompagne et que vous pouvez lire partout. Un livre de caisse ou de gare, qui est pensé pour les moments de détente, d’attente, hors du flux de l’actualité chaude. Nos couvertures proposent toujours un graphisme narratif qui fait partie de nos codes. Elles attrapent le lecteur et le conduisent à pénétrer dans un univers tout de suite, comme de plain-pied. Et bien sûr, nous voulions un prix accessible : tous les livres se vendront au prix unitaire de 9 euros.
-E.F. : Un peu les deux ! C'est pourquoi, j'aime bien cette expression de journalisme littéraire ou journalisme de récit. Le but est de retrouver le plaisir de la lecture avec ces petits livres addictifs, de dévorer des histoires vraies qui nous happent, de s'attacher aux personnages de ces récits journalistiques exigeants et documentés. C'est comme un shoot de réel, une plume littéraire. Mais nous retrouvons aussi les codes du journalisme avec en général l'intervention d'un spécialiste du sujet abordé, qui apporte son éclairage d'expert pour aller plus loin que le récit d'observation.
-E.F. : Entre quatre et six livres par an, pour commencer. Il s'agit bien de livres. Il y a l'exigence de la longue enquête et celle d'une écriture travaillée.
-E.F. : Le premier est La part du chien d'Aurélie Champagne qui évoque la lente et douloureuse reconstruction de quatre soldats « en rupture », blessés par la guerre, avec le soutien du programme Arion, fondé sur la médiation canine.
Ensuite, il y a À la base, c'était lui le gentil de Ramsès Kefi, qui s'est plongé dans le monde de la violence et des rixes adolescentes.
Un troisième livre Mais qui a piqué Valérie ? de Pierre Carrey évoque une attaque de moustiques qui tourne au cauchemar et qui pose la question des conséquences du réchauffement climatique sur l'évolution des espèces acclimatées.
C'est pas la mort, de Patrice van Eersel, comme son nom l'indique, s'attaque à la continuité de l'après-mort à partir des expériences de mort imminente.
Le prochain à paraître est À la terre signé Marin Fourqué, une enquête en pleine campagne sur le monde paysan. Un livre très fort.
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