Le jury du prix Femina a choisi de couronner Marcus Malte pour Le garçon (Zulma). Dans la catégorie roman étranger, le lauréat est Rabih Alameddine pour Les vies de papiers (Les Escales). Dans la catégorie essai, c'est Ghislaine Dunant pour Charlotte Delbo, la vie retrouvée (Grasset), qui remporte les suffrages . Ces trois auteurs succèdent à Christophe Boltanski, Kerry Hudson et Emmanuelle Loyer, lauréats 2015 dans les catégories romans français, étrangers et essais.
Alors que cette année les jurées du prix Fémina ont choisi d'avancer leur date afin d'ouvrir le bal des prix littéraires (avant celui de l'Académie Française qui traditionnellement inaugurait la saison), le verdict final a créé aussi la surprise. Dans la catégorie romans français, Marcus Malte s'est imposé avec Le garçon (Zulma) devançant Natacha Appanah, qui avec Tropique de la violence (Gallimard) avait été jugée favorite par certains observateurs. Peut-être parce que Gallimard semblait apporter une puissance qui écraserait Zulma! Les jurées ont choisi des livres au message fort pour la vie et l'humanité, contre la barbarie et la violence. Un choix cohérent entre ces 3 livres, dont chaque message nous interpelle tout particulièrement aujourd'hui.
Le garçon est une fable qui ressemble ausis à un roman réaliste; Le récit oscille entre les genres poir plus de pertinence. Ce garçon est un héros aux accents rousseauistes, car il est né dans une contrée aride du sud de la France, là où il ne parle pas et n'a pas été "contaminé" par la civilisation. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. L'histoire se situe en 1908. La France n'a pas encore connu les boleversements historiques qui vont la transformer. Ce garçon va partir et nous allons le suivre dans sa rencontre avec les hommes, les premières émotions charnelles avec une femme. Cet éveil à la vie va croiser la grande Histoire, celle de la guerre, ce carnage qui va emporter les hommes et leur époque. On a souvent parlé de la Première guerre mondiale comme celle d'un tournant de civilisation. Ce roman sur l'initiation d'un enfant, et la tragédie de la folie des hommes, résonne avec une acuité particulière aujourd'hui où le monde connaît encore des soubresauts de violence qui semblent oublier les horreurs du passé. Qu'est l'homme ? Qu'est-ce que la civilisation ? Il y a beaucoup d'images qui se succèdent dans ce livre singulier, qui déborde d'énergie et qui ne renonce jamais à croire en la vie. Les jurées du Fémina ont choisi cetet intensité qui ne renonce pas, mais qui dénonce la folie des hommes.
Comme le présente son éditeur Zulma, dont les choix éditoriaux s'avèrent de plus en plus originaux et inventifs et incisifs, Marcus Malte est né en 1967. On a comparé son univers romanesque à ceux de Jim Thompson, David Goodis ou Harry Crews… Avec la force et la maîtrise déjà affichées dans la Part des chiens, et Garden of love (abondamment récompensé, notamment par le Grand Prix des lectrices de Elle, catégorie policier), Marcus Malte nous fascine par la violence et la tendresse de ses romans, par le charme au sens fort que donne aux rêves la puissance des mots. Après les Harmoniques (Gallimard), Marcus Malte a écrit Fannie et Freddie, puis Le garçon édités chez Zulma.
Les jurées du Femina, ne pouvaient rester insensibles au magnifique portrait de femme dressé par Ghyslaine Dunant qui redonne vie à l'écrivaine et résistante Charlotte Delbo. A la suite de Violaine Gelly et Paul Gradvohl qui avaient coécrit un Charlotte Delbo (Fayard) qui pour la première fois levait le voile sur cette femme exceptionnelle, Ghyslaine Dunant a poursuivi la quête. REdonnnat vie à celle que la postérité avait injustement oubliée, personnalité remarquable, qui n'a pas seulement été une combattante de la liberté, déportée et rescapée d'Auschwitz. Charlotte Delbo a été aussi une écrivaine et une personne rare qui a consacré sa vie à la célébration du "sens" et de l'amour universel entre les êtres. Par delà l'horreur, c'est en cet amour-là qu'elle a osé croire. Violaine Gelly et Paul Gradvohl, d'abord, puis Ghyslaine Dunant, ont réparé cette injustice . « Je rencontrais une écriture qui crevait la surface protectrice de la vie pour toucher l’âme, le corps qui souffre ce qu’un être humain ne doit pas souffrir. Les mots peuvent dire ce qu’il est à peine supportable de voir, et de concevoir. Et ils peuvent ramener l’amour que Charlotte Delbo avait eu pour toutes celles, ceux qu’elle avait vu souffrir. La lucidité, la capacité de dire et d’écrire était là. Une langue pouvait rendre ce qui avait eu lieu. Le trou que faisait dans notre humanité la catastrophe d’Auschwitz, un écrivain me donnait le moyen de le raccommoder avec une œuvre qui en faisait le récit. Elle avait cherché la beauté de la langue dans le terrible des mots ciselés en arrêtes coupantes. Elle les disait avec la douceur qui prend quand l’au-delà de la douleur est atteint. Elle l’écrivait des années plus tard, ouvrait les images restées, elle interrogeait avec liberté les souvenirs au moment où elle les écrivait, elle découvrait la vie retrouvée ». (Ghyslaine Dunant)
La langue de Ghyslaine Dunant, inspirée est portée par son personnage. Cet essai est de belle tenue et son message fait tellement de bien... Ghislaine Dunant est née à Paris en 1950. Elle a écrit L’Impudeur, La Lettre Oubliée, Cènes, publiés chez Gallimard, et Un effondrement, publié chez Grasset en 2007 avant d'écrire cette biographie.
C'est la première fois qu'un roman Les Escales est récompensé par le Prix Femina : les jurées ont clairement voulu choisir l'ouverture en cette édition 2016. On ne peut que s'en réjouir. Le livre de Rabih Alameddine, (traduit par Nicolas Richard) est une ode à la littérature. Aux livres comme consolation et comme soirce de liberté.
Les Vies de papier ( Les Escales) raconte le quotidien d'une femme hors du commun amoureuse des livres et de la littérature au cœur du conflit libanais. Aaliya Saleh, 72 ans, les cheveux bleus, a toujours refusé les carcans imposés par la société libanaise. À l’ombre des murs anciens de son appartement, elle s’apprête pour son rituel préféré. Chaque année, le 1er janvier, après avoir allumé deux bougies pour Walter Benjamin, cette femme irrévérencieuse et un brin obsessionnelle commence à traduire en arabe l’une des œuvres de ses romanciers préférés : Kafka, Pessoa ou Nabokov. À la fois refuge et « plaisir aveugle », la littérature est l’air qu’elle respire, celui qui la fait vibrer comme cet opus de Chopin qu’elle ne cesse d’écouter. C’est eentourée de livres, de cartons remplis de papiers, de feuilles volantes de ses traductions qu’Aaliya se sent vivante. Cheminant dans les rues, Aaliya se souvient ; de l’odeur de sa librairie, des conversations avec son amie Hannah, de ses lectures à la lueur de la bougie tandis que la guerre faisait rage, de la ville en feu, de l’imprévisibilité de Beyrouth.
Rabih Alameddine est peintre et romancier. Né à Amman en Jordanie de parents libanais, il partage aujourd’hui son temps entre San Francisco et Beyrouth. Son roman Les Vies de papier a été finaliste du National Book Award 2014 et du National Book Critics Circle Award 2015, lauréat du California Book Award 2015, et désormais du Prix Femina Étranger 2016.
Les jurées ont ainsi retenu 3 livres à l'écriture portée par un message de paix et de vie. Rappelons que le jury du Prix Femina, présidé cette année par Mona Ozouf, se compose de Evelyne Bloch-Dano, Claire Gallois, Anne-Marie Garat, Paula Jacques, Christine Jordis, Camille Laurens, Danièle Sallenave, Josyane Savigneau et Chantal Thomas. Un jury qui a choisi le courage des mots contre la barbarie des hommes.
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