Dans L'atelier d'écriture (Stock), Natalie David-Weill s'attaque aux ressorts de la composition romanesque en mettant en scène un atelier. Le groupe avec son huis clos, l'animateur avec sa séduction un peu manipulatrice, le processus qui bouscule... tout est mis en place. On sourit, on se questionne, on comprend mieux ce qui se passe quand on écrit. Et peut-être même, pourquoi écrire.
Depuis Les mères juives ne meurent jamais (2011), nous savons que Natalie David-Weill sait manier l'art de l'ironie avec brio. Dans L'atelier d'écriture (Stock), elle s'attaque aux ressorts de la composition romanesque en mettant en scène un atelier et le déroulé de sa méthode.
Nous y suivons Esther, à qui son amie Niki propose de l'accompagner à un atelier d'écriture. Elle s'ennuie un peu dans sa vie. Un peu de bovarysme par-ci, de curiosité par-là. Elle accepte. Pourquoi pas ? Va-t-elle écrire un futur livre ? Ou un manuscrit de tiroir, comme on dit dans le milieu de l'édition ? A ce stade, nul ne le sait. Au fur et à mesure de la la lecture du livre de Natalie David-Weill, on comprend que là n'est pas la question. Ecrire, relève du processus, de la maïeutique. Ce qu'il y aura au bout du chemin...
Alors, Esther va écrire, peut-être, ou pas. Tout se joue autour d'un professeur, Stéphane, et d'un petit groupe. Stéphane est séduisant, un brin manipulateur. Il est là pour aider chaque participant à accoucher de sa vérité profonde. Un peu comme un metteur en scène qui bouscule son actrice, pour faire jaillir d'elle, le personnage. Il est le guide, le premier de cordée. Les protagonistes partagent aussi leurs avancées avec le groupe, en communiquant leurs textes et en faisant part de leurs ressentis réciproques. Stéphane veille en arrière-plan, arbitre les critiques, assène quelques coups de griffe. Natalie David-Weill nous fait bien pénétrer dans les ambivalences de cette création individuelle en groupe. Il y a un peu de cruauté dans cette assemblée, au sein de laquelle les uns et les autres n'avancent pas de la même manière. Du reste, les bons élèves ne sont pas toujours ceux que l'on pense.
Mais, ce qui rassemble les participants, c'est leur vouloir écrire. A un moment, on n'est plus dans le peut-être, mais dans un je veux. Un glissement important. Alors, chacun plonge à sa manière. Et ose. Partager, se montrer, se transformer... S'étonner aussi. Ce qui va sortir des lignes sortira de la ligne, probablement...
« La lecture des textes allait commencer et cela s’entendait ; les chaises grinçaient, Georges toussa, Niki soupira, Justine s’étira. Quant à moi, découvrant les quelques lignes que j’avais écrites, je fus médusée de constater que j’avais réussi à esquisser une scène de rencontre. Comme quoi, toute suggestion est bonne à prendre ! Niki avait raison. L’objectif modeste d’un simple exercice d’écriture ôtait une bonne partie de la pression que l’on éprouvait lorsqu’on se fixait pour but de commencer un roman. Mais autant l’idée d’écrire par bribes me convenait, autant celle de lire à voix haute ce premier jet me parut impossible. »
L'atelier va devenir un huis clos, lieu de sédimentation et de jeux de miroirs avec les autres protagonistes. Car, il y a un jeu dans l'atelier. Le jeu d'aller vers les autres, (futurs lecteurs, et ici, les participants de l'atelier), en partant de soi en plongée profonde. Le mécanisme à l'œuvre n'hésite pas à franchir les barrières. Le prix à payer ? On découvre petit à petit une Esther bousculée, par son inconscient qui lui joue quelques tours, par cette mise à nu sous le regard des autres. L'écriture serait-elle un vampire qui dévore ses auteurs ? Finalement auteur, lecteur, qui s'imprègne de qui ? Où commence l'invention, où commence l'imprégnation ? Où s'arrête le réel et où commence la fiction ? Comment ce glissement fictionnel participe-t-il d'une renaissance de chaque écrivain en gestation ? Car, malgré l'ambivalence et la difficulté, on ressent bien à la lecture de ce livre, l'exaltation qui porte chaque participant à avoir osé franchir la porte de cet atelier. Une exaltation à trouver les clés qui mènent vers un autre soi.
Natalie David-Weill, qui anime elle aussi des ateliers d'écriture, s'est sûrement inspirée de ses expériences pour nous raconter cet atelier imaginaire. C'est peut-être pourquoi elle plonge son lecteur dans une connivence, comme s'il était lui-même participant. De fait, elle propose des incises en fin de chapitre où elle délivre ses conseils aux écrivains en herbe, explicitant chaque étape du processus d'écriture, subodorant que celui qui sera attiré par un livre au titre aussi explicite, sera peut-être traversé lui-même par l'envie d'écrire.
Ainsi, L'atelier d'écriture est-il un texte à double entrée : un divertissement qui nous fait découvrir les mystères de l'écriture à l'ouvrage et, en filigrane, un guide pour celles et ceux, qui, telle Esther, se décideraient à franchir le pas de se lancer dans un projet littéraire. Y a-t-il un écrivain dans la salle ? L'atelier vous attend...
> Natalie David-Weill, L'atelier d'écriture, Editions Stock, 288 pages, 20,50 euros
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