Née le 28 janvier 1873 et morte le 3 août 1954, Colette était une romancière gourmande des mots, une femme libre et moderne. Un génie féminin telle que l'a qualifiée l'écrivaine et psychanalyste Julia Kristeva. Inclassable, insatiable, sensuelle… Colette fut une star adulée en son temps. Autrice d'une soixantaine de livres, sa forte personnalité avait presque occulté la formidable écrivaine qu'elle était. L'autrice des Claudine, de Chéri et du Blé en herbe revient sur le devant de la scène à l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance. Une édition de La Pléiade lui rend hommage avec une préface d'Antoine Compagnon. Revenons sur cette personnalité extraordinaire, monstre sacré des lettres françaises, qui vouait une passion particulière pour les chats et sa maison de Saint-Sauveur en Puisaye.
Colette, de son vrai nom, Sidonie-Gabrielle Colette voit le jour le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye dans l'Yonne. Elle est la plus jeune de la famille et vit en enfance heureuse prenant goût au plaisir de la littérature. Elle se mariera en tout trois fois. C'est Willy, son premier mari qui détecte le talent de Colette, la forçant à écrire la série de romans Claudine. Etant également mime et journaliste, Colette se présente au music hall pour y interpréter des spectacles de danses mimiques. Elle dansera notamment au très célèbre Moulin Rouge. Elle écrira de nombreux romans, souvent autobiographiques. En 1945, Colette est la première femme à être acceptée à l'Académie Goncourt dont elle deviendra la présidente en 1949. En 1953, elle reçoit même la légion d'honneur. Colette est une femme libre, elle a connu différents mariages et divorces mais aussi quelques liaisons qui ont fait sa réputation: notamment avec des femmes après son premier mariage. Elle meurt en 1954, au tournant du siècle qui annonce Mai 68.
Dans ses livres, Colette parle d'elle. Elle parle de son enfance, de sa mère Sido, et des thèmes qui ont entouré sa vie. Si son premier mari Willy publia sous son propre nom les premiers livres de Colette, elle prit sa revanche envers lui en publiant Mes apprentissages en 1936. Colette était également journaliste, elle publiait pour le journal Le matin, des articles qu'elle rassemble durant la guerre dans son livre Les heures longues. Le point commun à toute son oeuvre ? Un amour inconditionnel de la vie, une sensualité des choses du monde, le plaisir revendiqué comme art de vivre. On connaît cette phrase célèbre qui reflète bien cette philosophie révolutionnaire dans la France moralisatrice de l'époque: «Le vice, c’est le mal qu’on fait sans plaisir. » Ou encore : «On ne fait bien que ce qu’on aime. Ni la science ni la conscience ne modèlent un grand cuisinier.»
De nombreuses oeuvres de Colette ont été adaptées au cinéma mais aussi au théâtre. Différents livres de la série Claudine ont notamment été adaptés au cinéma, ainsi que La Vagabonde qu'elle écrivit en 1910, mais aussi Minne, l'ingénue libertine adapté en 1950 par Jacqueline Audry. En 2009, Stephen Frears adapte son livre intitulé Chéri.
La Maison de Colette à Saint Sauveur en Puisaye (Yonne)
Colette avait une manière d'écrire savoureuse. C'était une femme en avance sur son temps qui allait au devant de la modernité. Elle était amoureuse de la vie et transmettait son amour à travers ses oeuvres. Elle aimait célébrer la beauté et la nature. Une dimension qui prend un sens encore plus accru aujourd'hui.
En effet Colette inspire de nombreuses femmes et de nombreux auteurs contemporains. Elle incarne une image forte d'une écrivaine aux visages multiples, mêlant sa vie et son oeuvre et son amour de l'art de « bien vivre ». L'ouverture de sa maison permet de lui rendre hommage, à elle ainsi qu'à son art.
Une promenade dans son intimité qui offre l'opportunité de redécouvrir son histoire, de mieux comprendre comment elle a réussi avec brio à devenir une femme écrivain à une époque qui ne donnait pas sa place aux talents féminins. C'est ce qui lui a fait écrire : «Les femmes libres ne sont pas des femmes.»
Préfacé par Antoine Compagnon, ce recueil des principaux livres de Colette est une édition luxueuse dont la délicate odeur de cuir de la reliure aurait réjoui l'écrivaine.
Comme le préfacier l'explique, Colette appelle « littérature » tout ce qu’elle n’ai me pas : l’emphase, la « ciselure » et les idées générales, qui lui vont aussi mal, dit-elle, que les chapeaux empanachés. L’année du Blé en herbe, elle déclare à Simenon : « Supprimez toute la littérature, et ça ira. » « C’est le conseil qui m’a le plus servi dans ma vie », dira le romancier.
C’est aussi ce qui préserve l’œuvre de Colette du vieillissement. L’ouverture de Chéri, en 1920, a époustouflé les lecteurs. Cent ans plus tard, on l’admire toujours. Mais le style ne serait rien s’il n’était au service d’un regard d’une extraordinaire sensibilité.
Colette, nous dit encore Antoine Compagnon, rend présents « le monde de l’enfance, l’étoffe de la sensation, l’émotion de la mémoire ». On la crédite aussi d’avoir été « la première femme qui ait vraiment écrit en femme » (A. Maurois), la première à explorer ainsi les amours adolescentes (Le Blé en herbe), à entretenir une réelle connivence avec la nature et « les bêtes », à poser ce qu’on appellera la question du « genre » (dans Le Pur et l’Impur, en 1941), etc. Mais ce sont ces trois domaines – l’enfance, la sensation, la mémoire – qu’il faut retenir si l’on veut lui rendre justice. Elle les partage avec Proust, dont elle admira « Combray » et qui pleura, dit-il, à la lecture de Mitsou (1919). Sans doute aurait-il été également sensible, s’il avait vécu, à La Fin de Chéri (1926), et à la conception du Temps qui s’y fait jour. Un vrai petit bijou à s'offrir ou se faire offrir pour délicatement remonter le temps des mots.
>Colette, Le blé en herbe et autres écrits, Préface d'Antoine Compagnon, Collection La Pléiade avec reliure en cuir, Gallimard, 65 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur le lien
>Toutes les informations sur la Maison de Colette et ses manifestations sur le site de la maison
>Lire notre article sur l'ouverture de sa Maison de Saint-Sauveur-en-Puisaye
>Lire un extrait de Sido de Colette (éditions Jonas)
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