Avec Le Coeur Régulier, Olivier Adam nous livre son huitième roman et déplace son intrigue de l' hexagone au Pays du Soleil Levant. Reprenant les figures de ses textes précédents, il tisse une toile où les thématiques de la mélancolie et de la perte ne tournent pas le dos à des lueurs d'espoir.
Les lecteurs d'Olivier Adam retrouvent avec Le Coeur Régulier la petite musique des livres précédents. Une femme installée dans la vie, mariée et mère de deux enfants est le personnage central de ce récit qui n'a l'air de rien et vous poursuit pourtant inlassablement. Le talent de cet auteur est d'attraper son lecteur en l'invitant à regarder l'ordinaire du quotidien tout en incorporant subtilement des sensations, tout un jeu d'images qui épousent la pellicule du sensible. Nous partons au Japon le temps d'"une nuit sans lune". Olivier Adam se délecte à décrire pourtant le scintillement de quelques lumières. A travers ces premières lignes, un ton est donné, une atmosphère est dépeinte. La narratrice évolue pour rejoindre la pension dans laquelle elle réside. Le temps est long, le silence immense. Les personnages font alors peu à peu leur entrée au cours d'un repas qu'ils partagent. Puis, une phrase "Personne n'a envie de se retrouver suspendu dans le vide." Or, c'est ce que choisit Sarah qui décide de partir, quitter son univers quotidien pour ne pas se perdre totalement. Elle part sur les traces d'un frère qui s'est donné la mort. Lui-même est venu au Japon dans cette pension près des falaises d'où se jettent les hommes désespérés.
Avec son ouvrage Je viens bien ne t'en fais pas, Olivier Adam abordait le thème de la gémellité non au sens strict mais comme le moyen de souligner le lien très fort qui unit des êtres. Dans Le Coeur Régulier cette figure réapparaît liée une fois encore à la perte. La vie a beau passer, l'enfance est inscrite en nous de manière indélébile. Nathan est ce frère rebelle qui n'a pas compris le mariage de sa soeur. Total contraire d'Alain, le mari de Sarah, Nathan flotte dans l'existence, électron perdu dans le vaste monde. Sarah, elle, navigue entre ce frère qu'elle aime, qu'elle aimerait aider mais qui n'arrive pas à se sortir de son mal être. Prisonnier de l'alcool et de l'errance, Nathan brûle sa vie. Sarah, impuissante regarde le jeune homme se perdre.
La figure du double résonne encore dans la mise en parallèle entre ce qui précède et ce qui succède à la mort de Nathan. L'image du frère décédé est ainsi lié à celui du personnage qui s'est donné la mort de la falaise au Japon. On apprend encore qu'il a quitté le monde après la perte de son emploi. Or, Sarah, elle aussi a vécu ce moment d'errance après son licenciement: "Durant plusieurs semaines après mon licenciement, j'ai fait comme si de rien n'était, moi aussi".
Comme dans ses livres précédents, Olivier Adam traite de personnes qui tombent et tentent de reprendre le dessus. Sarah prend la décision de partir comme son frère. Ce départ pour le Japon se lit comme un chemin qu'elle doit faire pour supporter le manque et accepter la perte. Dans cette station balnéaire, les êtres viennent pour disparaître. Elle comme son frère Nathan vont errer sur les falaises. A mi chemin entre la vie et la mort, le texte souligne la faille dont parle la phrase de Leonard Cohen citée au début du texte: "Il y a une faille un tout. C'est ce qui permet de laisser passer la lumière". Olivier Adam touche du doigt ce qui va mal dans nos sociétés: ce terrible individualisme basé sur la compétition, l'égoïsme roi et la solidarité de plus en plus rare.
Pourtant, comme une lueur d'espoir apparaît Natsume Dombori la figure de l'ange qui veille sur les êtres. Nathan l'a connu et le décrivait à Louise sa petite amie comme "celui qui s'occupe de nous". Ca fait du bien par moments d'avoir quelqu'un pour s'occuper de vous. " Il veille sur ceux qui veulent quitter le monde. Il les retient. "Natsume Dombori, parcourant la lande en trajectoires brisées, longeant les précipices, cheminant de pointe en pointe, vigie inlassable et inquiète". Ancien policier qui a passé sa vie entière à compter les morts au matin, identifier les corps, prévenir les familles, Natsume est celui qui prend soin des autres. Au bout du bout du monde, Natsume retient les êtres en perdition.
Partir au Japon résonne aussi comme un retour vers la symbolique, : "Derrière moi des gens se sont agenouillés pour prier, ils étaient une vingtaine, le prêtre a fait son apparition, s'est mis à psalmodier des sutras tandis qu'un des assistants battait le rythme à l'aide d'un kyodaiko, sa voix monocorde circulait dans l'air, j'ai fermé les yeux et l'ai laissée entrer en moi, elle a bientôt pris toute la place et s'est mise à vibrer sous ma peau." C'est après ce moment au temple que Sarah appelle son mari et ses enfants. Le Japon est alors passage vers l'apaisement, une sorte de retour aux sources. Dans ce lointain, Adam nous emporte à travers les non dits, les blessures pour embrasser l'inconnu.
En retournant sur les traces de son frère au Japon, Sarah ne se perd pas dans l'exotisme mais convoque la part poétique du monde. Inachèvement, non dit, Olivier Adam aime les choses retenues à la lisière. Dans ce dernier texte, son écriture a évolué. Ses phrases sont plus longues, ses descriptions plus amples. Et l'importance accordée aux détails d'une grande subtilité: le bruit de la pluie qui glisse entre les cailloux, l'état brumeux qui donne parfois au réel la texture d'un songe. Le Coeur Régulier fait scintiller la poésie de l'infiniment petit, dans ce qui pourrait n'être rien et où réside finalement la substance du monde. La poésie devient alors contemplation lorsque Sarah s'assied sur la terrasse et regarde l'immense pin millénaire. Puis, de contemplation du réel, le texte prend alors un tour plus spirituel quand après s'être soumise au rituel, elle ne fait plus qu'un avec le lieu qui parvient à l'apaiser.
Olivier Adam, Le Coeur Régulier, L'Olivier.
Olivier Adam, Je vais bien, ne t'en fais pas, L'Olivier.
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