En 1842, paraît dans le Journal des Débats, les premières pages des Mystères de Paris d’Eugène Sue. Un héros sans peur et sans reproche, Rodolphe de Gérolstein, des aventures rocambolesques au sein d’un milieu hostile, les bas-fonds parisiens, autant d’éléments qui concourent à faire de ce roman-feuilleton l’un des grands best-sellers de son époque. Retour sur une énigme.
La question fondamentale des Mystères de Paris, est d’abord celle de son auteur. Rien ne prédispose Eugène Sue, fils d’un médecin de Louis XVIII à s’intéresser à l’underworld parisien. Au contraire. Héritier d’une authentique lignée de grands bourgeois, Eugène Sue appartient à la jeunesse dorée de la capitale. Plus proche du faubourg Saint-Germain que du faubourg Saint-Marcel, des salons que des bouges. Mondain, membre du Jockey Club, celui que l’on surnomme « le Beau Sue » écrit des romans maritimes, collectionne les maîtresses huppées et…dilapide sa fortune. Sans le sou, rejeté par l’élite aristocratique qu’il chérit, l’auteur qui affirmait : « je n’aime pas ce qui est sale et qui sent mauvais », se découvre soudain un intérêt croissant pour le sort du peuple.
Comme l’indique son titre, l’œuvre d’Eugène Sue a pour ambition de dévoiler, mettre à nu, dissiper l’obscurité qui environne la société. En l’occurrence, au XIXe siècle cette obscurité s’incarne dans les lieux de la misère ouvrière « le rebut de la population parisienne ». Le double romanesque de l’auteur, Rodolphe de Gérolstein incarne ainsi le guide qui va permettre au lecteur de déchiffrer ce qu’Hugo nomme « la caverne sociale » et Balzac « les bas-fonds ». Rues tortueuses, traîtres et ténébreuses, galeries de personnages issus des milieux populaires, de la prostituée Fleur de Marie à l’assassin le Chourineur, le roman décrypte les codes et les usages du « monde des barbares rempli d’image funeste, de métaphores dégoûtantes de sang », c’est-à-dire d’un monde ouvrier souterrain, inconnu et angoissant. L’enquête sociale, passion du siècle est au cœur du processus créatif des Mystères de Paris et explique son succès fulgurant.
Ce qui naît avec les Mystères de Paris, ce ne sont pas seulement des objectifs narratifs inédits mais c’est une forme nouvelle d’écriture, l’écriture feuilletonesque qui se révèle vite addictive. Le Journal des Débats s’arrache, on dévore les pages du roman ce qui pousse Théophile Gautier à écrire cette boutade fameuse : « Des malades ont attendu pour mourir la fin des Mystères de Paris ». En témoigne aussi l’abondante correspondance qui s’échange entre les lecteurs et l’auteur, le public cherchant progressivement à agir sur le roman. Du succès au délire, il n’y a qu’un pas. Des lecteurs fanatiques vont jusqu’à sonner chez Eugène Sue pour connaître la suite des aventures de Rodolphe. Le peuple se reconnaît dans le portrait social que dresse les Mystères de Paris et fait d’Eugène Sue son porte parole. Bien qu’empreint de préjugés de classe et d’une certaine forme de condescendance, avec les Mystères de Paris, Eugène Sue stimule l’imaginaire collectif de son époque par le traitement d’un thème qui hante le XIXe : la question sociale. Élémentaire, mon cher Watson.
Eugène Sue, Les Mystères de Paris, Quarto Gallimard (texte également disponible gratuitement en ligne)
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