Les savants fous hantent et fascinent la littérature. Dans le cadre du Festival "Livres en tête", ils ont résonné dans les textes loufoques, inquiétants ou hilarants choisis par "les Livreurs" pour une soirée où le lecteur se faisait auditeur, où le non lecteur pénètrait le texte, lu avec talent.
Disparu voilà moins d'une semaine, Bernard Heidsiek, grand représentant de la "poésie sonore" aurait certainement applaudi ce soir la prestation des Livreurs. Lui qui affirmait qu'il fallait "reconnecter la poésie à la société", qu'il fallait "l'en arracher et la projeter vers l'extérieur, vers les auditeurs" aurait vu ses principes mis en pratique avec brio par les lecteurs en cette soirée du 27 novembre 2014, pour un moment fort du festival Livres en tête.
Les textes connus et moins connus entraînent le spectateur dans une valse de mots, que l'on sent prononcée avec délectation. Rapidement, le public est conquis, les rires explosent quand vient la Démonstration expérimentale d'une organisation tomatotopique chez la Cantatrice de Georges Perec, qui relate de façon très sérieuse le déroulé d'une expérience consistant en un lancer de tomates sur des sopranos. Le texte suivant relève le défi: un extrait de L'os à moelle de Pierre Dac délivre la recette d'une confiture de nouilles...
Entre deux extraits, un pianiste improvise sur des thèmes de jazz, sans toutefois trop oser la fantaisie. Plus étonnant, une incartade du côté du chant lyrique, à la justification un peu bancale mais à la prestation bluffante.
Mais le clou du spectacle revient aux deux invités, Jean-Luc Coudray, auteur d'essais, de romans, ou de fragments, dont le dernier Tractatus biologico-metaphysicus. Recherchant "davantage une poésie qu'une parodie de la forme" (comme il l'affirme lui-même), l'auteur présente un texte inédit, "Les anneaux de Neptune" . Dans une interview au rythme enlevé, il interroge le gouailleur astrophysicien André Brahic. D'extraterrestres en poussières de planètes, l'univers est passé en revue plus ou moins sérieusement par ce scientifique qui affirme que les savants fictifs du soir "ne me paraissent pas fous du tout. Ce qui est fou c'est notre quotidien." Et d'ajouter avec philosophie un énième "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme."
On attendait bien sûr l’Étrange cas du docteur Jekyll et Mister Hyde de Stevenson, il était bien au rendez-vous. L'on songeait moins à un article du physicien Serge Galam paru dans Le Monde en 2000 et intitulé "Les réformes sont-elles impossibles?". Pourtant, son style caustique convainc, tout le monde comme celui - d'un tout autre genre- de Véronique Copetti, lauréate du Prix Short Édition - Livres en tête remis à l'auteur d'un texte court correspondant au thème du jour à l'issue de chaque soirée du festival. Caroline, bibliothécaire et auditrice pour la première fois des Livreurs, apprécie le spectacle: "la lecture était très drôle, malgré des textes qui paraissaient un peu éloignés de la thématique."
Les lecteurs adoptent des voix captivantes, tantôt apeurées, tantôt obséquieuses - dans le récit de Maupassant de l'inventeur d'une industrie du suicide bienheureux - à l'écoute desquelles on redécouvre le plaisir enfantin d'être auditeur. Combattre l'idée trop répandue d'une opposition fondamentale entre la science et la littérature, qui ne cessent de s'alimenter comme le rappelle André Brahic, était le défi réussi de cette soirée.
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