Dans son dernier livre « Des gens très bien » (Grasset), Alexandre Jardin revient sur son lourd héritage familial, notamment le souvenir de son grand père, Jean Jardin qui fut directeur de cabinet de Pierre Laval. Un passé dont Alexandre Jardin essaie de se libérer dans un livre qui ressemble plus à une sorte de digression fantasmatique qu’à une révélation historique. Etrange.
Alexandre Jardin a une famille encombrante .Un père, Pascal Jardin, écrivain de grand talent élevé au rang de mythe en raison de sa mort prématurée et un grand père, Jean Jardin, ancien directeur de cabinet de Pierre Laval sous le gouvernement de Vichy. C’est la mémoire de ce grand père, évoqué auparavant dans le livre Le Nain Jaune, par son fils, Pascal Jardin, ainsi que dans une biographie signée Pierre Assouline (Une éminence grise, Jean Jardin, Balland),qui est le point de départ du livre d’Alexandre Jardin, Des gens très bien .
Un grand père qu’Alexandre décrète complice de la rafle du Vel d’hiv, en se fondant plus sur ses intuitions que sur une démonstration documentée.. De cette situation romancée, Alexandre Jardin construit un immense récit pétri de culpabilité. Se situant comme héritier victime, il tente de se libérer du poids de ce passé honteux en le dénonçant. A partir de ce constat, Alexandre Jardin divague un peu, entre récit romancé et confession douloureuse. Il exprime sa souffrance, qui sans nul doute est sincère, ce qui ne la rend pas pour autant bien fondée. Et pour couronner cet enchaînement de démonstrations basées sur certaines hypothèses, il explique comment il se sent investi d’une responsabilité pour réparer les fautes commises par son grand père, en devenant le « sauveur » de cette famille honteuse. Pour cela, il se déclare désormais l’ami inconditionnel des juifs. Un chapitre entier se nomme "Enjuiver la France", où Alexandre Jardin écrit: «Pour réparer l’oeuvre vichyste du Nain Jaune, j’ai donc formé le projet d’enjuiver les Français en en faisant progressivement un autre peuple du livre ». Un raccourci qui ressemble plus à une outrageuse caricature qu’à une réflexion censée.
Alors, pourquoi tant de haine et de tourments ? Le livre d’Alexandre Jardin met mal à l’aise. Certes, on comprend que l’auteur ne triche pas, mais on a presque l’impression qu’à diaboliser autant ses aînés, il essaie de se situer sous la lumière. Comme si en noircissant ceux qui l’écrasaient, il arrivait à se donner un rôle, plus glorieux que celui d’amuseur un peu léger qu’il avait occupé lors de ses débuts de romancier. Le rôle désormais de croisé de la justice, sauveur des bons sentiments, devenant par son geste un héros preux et courageux. Sauveur de quoi ? D’une réputation ? Celle de la famille Jardin n’était plus à faire : après la Libération Jean Jardin ne fut pas inquiété, car son rôle fut beaucoup plus nuancé que celui que lui prête son petit fils.
Pascal Jardin, père d’Alexandre décrivit ainsi son père dans Le Nain jaune : « Il articulait comme il pensait, de manière très claire. Et pourtant, son esprit enchevêtré entre le paradoxe, l'humour et une aisance extrême à passer, sur tout sujet, de l'analyse à la synthèse, donnait lieu à des périodes oratoires qu'il savait rompre, casser, reprendre, comme un clown funambule se rattrape à son fil » . Un clown funambule, brillant que nul n’a jamais su saisir, et dont le destin complexe sert aussi à magnifier sa descendance. Car en évoquant et en diabolisant à ce point son grand père, Alexandre Jardin lui redonne vie, le glorifie en un sens, participe à "la légende" des Jardin.
Dans une époque où ce qui compte, c’est d’exister à tout prix médiatiquement par quelque chose d’extraordinaire fut-elle monstrueuse, évoquer un grand père collabo célèbre n’était-il pas une aubaine pour faire couler beaucoup d’encre? Une manière de s’inscrire dans une histoire en reprenant la main, tout en se confrontant à l’Histoire. Une manière aussi de s’autoriser toutes les libertés du romancier, tout en s’abritant derrière la légitimité du témoignage. Comme si en cherchant la noirceur de l’héritage familial, Alexandre Jardin se construisait une place dans cette lignée un peu écrasante. Il y a quelque chose de touchant à réaliser combien Alexandre Jardin cherche à exister comme romancier dans une famille où l’écrit sait raconter de jolis récits, mais pas les « dire ». Alexandre essaie en dénonçant ce qui est « sa vérité »d' inverser le processus, et de mettre des mots sur ce qui ne se raconte pas… hélas, la cible est ratée. Les bons sentiments font rarement de bons romans. Et les confusions émotionnelles rarement de bons documents. « Des gens très bien » tombent dans les deux travers et ne fait donc ni un bon roman, ni un bon document. Dommage.
Alexandre Jardin, Des gens très bien, Grasset
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