La rentrée littéraire est souvent l’occasion de découvrir des nouveautés surprenantes, et même parfois de nouveaux noms. Ces auteurs ont su se démarquer des autres et attirer l’attention de Viabooks grâce à leur diversité et leur style singulier. Des talents à suivre.
Elles ont fait le serment de renoncer à leur condition de femme. En contrepartie, elles ont acquis les droits que la tradition réserve depuis toujours aux hommes : travailler, posséder, décider. Manushe est l’une de ces « vierges jurées » : dans le village des Balkans où elle vit, elle est respectée par toute la communauté. Mais l’arrivée d’Adrian, un être au passé énigmatique et au regard fascinant, va brutalement la rappeler à sa féminité et au péril du désir. Le courage qu'il faut aux rivières est un premier roman plus que réussi. Envoutant, singulier, oscillant entre réalité et poésie, ce récit nous transporte dans une société hors du temps. L'auteure met en scène des personnages énigmatiques et bouleversants, qui se rapprochent au vu de la violence du monde qui les entoure et de leur fragilité. La force de ce roman repose sur l'alliance des éléments documentaires (puisque ces femmes existent vraiment en Albanie) avec l'imaginaire très poétique de l'auteure. La plume de l'auteure permet aux lecteurs de s'évader et de participer au voyage sans problème. Les personnages nous prennent par la main et nous emmènent dans les petites rues de cette ville aux traditions archaïques. Les mots extrêmement bien choisis par Emmanuelle Favier nous offrent une vue d'ensemble sur des paysages d'une grande beauté qui tranche avec la cruauté qui y règne. Ainsi le lecteur apprend de nombreuses informations, ignorées du grand public, tout en suivant une très belle histoire d'amour.
Qui est Ilona Serginski ? Qui est cette vieille femme, que sa petite fille, Eva, croit si bien connaître, et qui vit recluse dans une maison de retraite bretonne ? Aux portes de la mort, Ilona se met à parler une langue inconnue et réclame un prêtre pour confesser les crimes d’une existence dont il apparaît soudain que personne n’a démêlé les secrets. D’où vient-elle vraiment, quelle est son histoire ? Pour y répondre, il faudra plonger dans les replis de la tragédie russe et soviétique, et suivre la lignée d’Ilona, depuis les remous de la guerre civile en 1917, jusqu’à aujourd’hui. Traversant tous les âges, Ilona sera tour à tour la fille adorée d’un assassin, l’idole prostituée d’un ogre mafieux et la mère sacrifiée d’une enfant trop brillante. Pour son premier roman, Emmanuelle Caron évoque la vie d'une femme, son destin dans une société intense et violente. Le récit nous dévoile le parcours d'Ilona, en Russie au XXe siècle. L'auteur s'accroche à peindre ce pays de la manière la plus fidèle et y présentant le meilleur, comme le pire. Le personnage d'Ilona est plus que plaisant à découvrir. On rencontre une femme, qui fera tout ce qui est en son pouvoir pour la survie de sa fille Mina, et la sienne. Certains actes ne sont pas admirables, cependant on ne peut que se prendre d'affection pour cette femme, au fort caractère. L'œuvre placée sous l'empreinte de la femme dresse le portrait de trois femmes, trois génération; Ilona, Mina et Eva. Les trois personnages sont plus intéressants les uns que les autres. On aime en apprendre davantage sur leur passé et sur leur vision de la vie. Il ne faut surtout pas passer à côté de ce premier roman prometteur.
« Je m’appelle Christophe et j’étais déjà assez âgé quand un enfant est entré dans ma chambre avec un papier à la main. » C’est par cette première phrase que Christophe Honoré nous fait entrer dans le fulgurant autoportrait romancé d’un homme d’aujourd’hui qui lui ressemble mais qui n’est pas tout à fait lui. Lui, le cinéaste, le metteur en scène de théâtre et d’opéra, mais avant tout l’écrivain. Sur le papier que sa fille de dix ans a trouvé épinglé à la porte de son appartement, ces mots griffonnés au feutre noir : « Guerre et paix : contrepèterie douteuse ? » Alors, très vite, tout s’emballe et devient presque polar. Qui a écrit ces mots ? Qui le soupçonne d’être un mauvais père ? Peut-on être gay et père ? Le livre nous conduit soudain dans tous les recoins d’une vie mais aussi au cœur de l’adolescence en Bretagne, la découverte du désir, des filles, des garçons, du plaisir, de la drague. Comment la société actuelle perçoit un homme assumant à la fois son homosexualité et son rôle de père ? Telle est la question que se pose Christophe Honoré dans son œuvre. Ce premier roman est pour lui l'occasion de se dévoiler avec beaucoup de pudeur et de sincérité. L'écrivain évoque ses choix de vie, son autorité mais aussi sa sensibilité. En se mettant ainsi à nu, ce livre devient au fil des pages une très bonne réflexion sur l'affirmation et la confiance en soi. L'œuvre nous fait prendre conscience de l'oppression et de l'angoisse que ressent l'auteur face à un mal qui ne fait que s'amplifier. Ce roman poignant nous livre le combat d'un homme, d'un père qui cherche simplement à exister pour ce qu'il est.
Elle s’appelle Eva, elle est adorable avec ses boucles blondes et ses bras potelés. Une enfant des années 70. Ses parents se séparent très vite. Dès lors, sa mère l’enferme dans un quotidien pervers et éloigne le père par tous les moyens en le traitant de « nazi ». Photographe, elle prend Eva comme modèle érotique dès l’âge de quatre ans, l’oblige à des postures toujours plus suggestives, vend son image à la presse magazine. Emportée dans un monde de fêtes, de déguisements et d’expériences limite, entre féerie et cauchemar, la petite fille ne cesse d’espérer et de réclamer l’absent qui seul pourrait la sauver de son calvaire. Mais sa mère, elle-même fruit d’un inceste, maintient l’enfant-objet sous emprise et attendra deux ans avant de lui annoncer la disparition de son père. Enfin, à l’adolescence, le scandale explose. Comment survivre parmi les mensonges, aux prises avec une telle mère, dans une société qui tolère le pire ? Une seule voie, pour Eva devenue adulte mais restée une petite fille en manque d’amour : mener l’enquête sur son père, tenter de reconstruire ce qui a été détruit. Une expérience vertigineuse. Innocence nous parle de l'enfance sacrifiée d'Eva, imprégnée trop tôt dans l'alcool, la drogue et autres aspects néfastes. De ces pages ressortent la douleur et la poésie. La douleur des années perverses qu'elle vécut avec sa mère et la poésie des moments simples et subtils transformés en quelque chose d'onirique; les pierres offertes par son père, l'échappatoire grâce à la rêverie d'une autre vie. Le lecteur est souvent désemparé face aux personnes malsaines qui entourent Eva. On aimerait lui venir en aide, la sortir de là. L'auteur parvient d'ailleurs très bien à restituer des ambiances qui permettent aux lecteurs de se projeter à ses côtés pendant le séjour à San Francisco ou encore lors d'une fête à Ibiza. Ce roman dégage une certaine puissance. Non pas grâce aux expériences incroyables qui peuplent les pages, mais notamment grâce à la plume simple et poétique d'Eva Ionesco.
Shell n’est pas un enfant comme les autres. Il vit seul avec ses parents dans une station-service. Après avoir manqué mettre le feu à la garrigue, ses parents décident de le placer dans un institut. Mais Shell préfère partir faire la guerre, pour leur prouver qu’il n’est plus un enfant. Il monte le chemin en Z derrière la station. Arrivé sur le plateau derrière chez lui, la guerre n’est pas là. Seuls se déploient le silence et les odeurs de maquis. Et une fille, comme un souffle, qui apparaît devant lui. Avec elle, tout s’invente et l’impossible devient vrai. Et si on abandonnait tous les clichés et les valeurs exubérantes qui composent notre monde d'adulte ? Si on se laissait porter par Shell et sa vision innocente du monde ? C'est en tout cas un pari réussi pour Jean Baptiste Andrea. Son œuvre à un petit truc qui n'est pas sans rappeler Le Petit Prince. À hauteur d'enfant on découvre la parfaite harmonie entre l'homme et la nature lors d'un été de 1965 en Provence. Le personnage de Shell est incroyable, il incarne un enfant différent des autres et pourtant criant de sensibilité, de sincérité et surtout de pureté. Pendant cette évasion il va s'offrir à la nature, et ne faire plus qu'un avec cette dernière. Le travail de l'auteur sur la langue est impressionnant. À la fois poétique et simple le lecteur retrouve parfaitement cet esprit enfantin qui sait capter l'inaccessible, la beauté, là où beaucoup d'entre nous resteront aveugles. Ce récit aux allures de conte initiatique laisse la place à l'imaginaire pour notre plus grand plaisir.
Sous les bombardements, dans Berlin assiégé, la femme la plus puissante du IIIe Reich se terre avec ses six enfants dans le dernier refuge des dignitaires de l’Allemagne nazie. L’ambitieuse s’est hissée jusqu’aux plus hautes marches du pouvoir sans jamais se retourner sur ceux qu’elle a sacrifiés. Aux dernières heures du funeste régime, Magda s’enfonce dans l’abîme, avec ses secrets. Au même moment, des centaines de femmes et d’hommes avancent sur un chemin poussiéreux, s’accrochant à ce qu’il leur reste de vie. Parmi ces survivants de l’enfer des camps, marche une enfant frêle et silencieuse. Ava est la dépositaire d’une tragique mémoire : dans un rouleau de cuir, elle tient cachées les lettres d’un père. Richard Friedländer, raflé parmi les premiers juifs, fut condamné par la folie d’un homme et le silence d’une femme : sa fille. Elle aurait pu le sauver. Elle s’appelle Magda Goebbels. Un énième livre sur la seconde guerre mondiale ? Et bien non ! Ces rêves qu'on piétine est une œuvre qui sort de l'ordinaire. Sébastien Spitzer a crée un roman historique mélangeant, et liant, le témoignage des survivants des camps au destin de Magda Goebbels, une figure importante du III Reich. L’écriture de l’auteur est à la fois dense, sobre, pleine d’émotion et de réalisme. Si l’œuvre évoque un passé sombre, l’auteur ne tombe jamais dans le pathétique ou la dramatisation. La fin est plus qu’époustouflante, mais ça on vous laisse le découvrir par vous-même ! Faisant partie des cinq finalistes du prix du roman FNAC et des 10 romans sélectionnés pour le prix Stanislas du premier roman, il est probable que l’on retrouve cette œuvre envoutante en lice dans de nombreux prix cette année.
Au début des années 1970, Balthazar Béranger s’installe avec sa jeune épouse, Sonia, dans une maison à la sortie d’un village. C’est un ancien presbytère, légèrement en retrait par rapport à la route, dont les belles fenêtres sont en partie cachées par un grand tilleul. Balthazar est un jeune médecin qui entend faire de ses enfants des êtres véritables. Maintenus à l’écart d’un monde jugé néfaste pour leur développement et leur imagination, ces derniers sont initiés à la musique et à la morale pendant que leur mère ne résiste ni à la violence ni à la séduction de son mari. Pantins impuissants soumis aux coups de leur père et à des exigences de plus en plus humiliantes, ils apprennent à se taire. Le presbytère fait partie de ces œuvres qui doivent être lu, bien qu’elles soient parfois insoutenables. En effet, ici Ariane Monnier nous emmène dans une maison, de prime abord normal, mais qui cache de terribles secrets et étouffe de nombreux cris. Parfois en apnée, le lecteur est plongé au cœur de ces pièces ou règnent la terreur et l’enfer. Entre un père sévère et pervers, une mère soumise et fragile et des enfants qui s’engouffrent dans ce cercle vicieux, on ne sort pas indemne de cette lecture. L’œuvre est parfois peu soutenable psychologiquement. Cependant il est important de livre cette œuvre afin de comprendre le quotidien d’une famille qui souffre en silence, à l’abri des regards. Le style décalé d’Ariane Monnier apporte un plus à ce roman très bien écrit, qui en fait un premier roman coup de poing.
« Il y a peu de choses que je n’acceptais pas venant de maman. La voir mourir en faisait partie. » Quand le médecin leur annonce que leur mère est vivante mais en état de mort cérébrale, Manon laisse échapper qu’elle préfèrerait qu’elle meure. C’est trop tôt pour y penser, lui répondent sèchement Adèle et Gabriel. Délaissant mari et enfant, Manon décide de s’installer parmi les siens. Au cœur de cette fratrie grandie et éparpillée, elle découvre ce qu’il reste, dans leurs relations d’adultes, des enfants qu’ils ont été. Et tandis qu’alentour les montagnes menacent de s’effondrer, les secrets de famille refont surface. Qui était vraiment cette mère dont ils n’ont pas tous le même souvenir ? Charlotte Pons nous offre un premier roman qui pose des questionnements délicats tels que l’euthanasie, tout en suivant de près les secrets de cette famille. L’écriture de la romancière est très agréable, fluide et ne laisse jamais le lecteur sur le bord de la route. Les personnages ont été très bien étudiés. Leur psychologie est extrêmement fouillée et aide le lecteur à s’introduire sans difficulté dans l’âme de chacun. Ce travail permet aux lecteurs de se sentir proche d’eux et de mieux comprendre leurs sentiments et leurs réactions. L’histoire est très addictive et il est difficile de poser le livre en fin de chapitre, tellement l’envie d’en savoir davantage est grande. Cette lecture grave, il faut l’admettre, n’est pas non plus démoralisante et nous donne le temps de s’interroger sur nos propres actions face à une situation similaire.
Jakub est un astrophysicien missionné par la République tchèque pour partir dans l’espace analyser un inquiétant nuage qui recouvre Vénus. À la veille de son départ et alors que des hordes de caméras le suivent partout, Jakub n’a qu’une hâte, se retrouver enfin seul. Cependant, au bout de treize semaines de voyage, il apprend par écran interposé que sa femme Lenka le quitte. Esseulé au milieu des étoiles, Jakub est aussitôt pris d’une terrible crise d’identité, qui le conduit à revisiter son passé : son père lié au Parti communiste et jugé bourreau suite à la révolution de Velours, le décès accidentel de ses parents, son départ de Prague pour être élevé par ses grands-parents, puis plus tard, son coup de foudre pour Lenka. Jakub remet soudain tout le sens de sa vie, et de l’humanité entière, en question. Plus Vénus approche, moins il s’en soucie car sa vraie mission devient la reconquête de son épouse, à des années-lumière de lui. Un astronaute en Bohême est un livre surprenant, mêlant à la fois science-fiction et roman historique. Il s’agit d’une belle histoire, dans un décor de mission spéciale. Durant cette odyssée dans l’espace, nous faisons face à l’isolement de Jakub ainsi qu’à un retour sur sa vie et son parcours. Ce tête à tête entre le lecteur et Jakub est très touchant, plein de joie et de tristesse. Les sujets sont variés, parfois amusants, parfois sérieux, mais restent constamment positifs. Ce roman historique nous fait du bien, et nous permet de s’évader dans la belle ville de Prague ainsi que dans les souvenirs du protagoniste.
Du 27 novembre au 2 décembre 2024 Montreuil accueille le Salon du Livre et de la Presse Jeunesse en Seine-Saint-Denis.
L'écrivain Boualem Sansal d'origine algérienne qui a obtenu récemment la nationalité française, célèbre pour ses critiques en profondeur des d
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