Manon, Ariane et Kummba, nos spécialistes de la littérature jeunesse ont choisi chacune leur coup de coeur de cette fin d'année. Paloma et le vaste monde, de Véronique Ovaldé et Jeanne Detallante, Stone Rider de David Hofmeyr et Les Gratte-ciels de la musique de Susie Morgenstern sont les 3 élus. Au programme : voyage, suspense, et musique !
Douceur, frivolité, sensations. Tels sont les mots qui me sont venus à l’esprit dès la première lecture de cet album étonnant. En effet, le prix qu’a reçu l’ouvrage, dans la catégorie Album, n’en a pas que la simple appellation : c’est une véritable Pépite à proprement parler. Il s’agit de Paloma et le vaste monde, écrit par Véronique Ovaldé et illustré par Jeanne Detallante, publié aux éditions Actes Sud junior en octobre dernier.
L’histoire commence dans un modeste appartement, et plus précisément dans une petite chambre où dorment trois sœurs : Santa Maria l’aînée, Colombe, que tout le monde appelle Paloma, et Rubéole, qui avait attrapé quand elle était « minuscule ». Oui, ça faisait beaucoup de filles à la maison, comme le remarque leur mère chérie. Et de fil(le) en aiguille, si cette histoire débute dans un tout petit recoin de Camerone, rue du Capitole, au Mexique, l’une d’entre elles s’apprête à s’ouvrir au vaste monde : Paloma.
La petite est hantée par les rêves : ceux que l’on imagine nous-mêmes devant sa collection de boules de neige, que son père, pilote d’avion, a ramené de chacun de ses voyages. Seattle, New York, Le Caire… En même temps que notre héroïne nous nous évadons devant ces sphères de verre qui défilent devant nous yeux. Or les avions de Paloma ne sont pas ceux de son père, dans lequel il a dû sombrer. Les siens sont en papier et plein d’espoir. Entourée d’une mère qui la dorlote et ensevelie par une ombre paternelle, Paloma est parée pour s’aventurer dans le « vaste monde ».
« Chaque fille dormaient dans une seule chambre, chaque lit séparé de l’autre par un drap sur un fil rouge ». Énoncée à la première page de l’album, cette phrase annonce un récit qui se soucie du détail, qui s’avère être porteur de sensations, et des nombreuses impressions qui inondent ce livre, à l’image de cette jolie phrase : « Mais un jour, alors que Paloma était à la fenêtre de la chambre à humer l’air du soir, le vent du Sud apporta une odeur de nougat, un peu de sable doré et un prospectus qui atterrit sur le rebord de la fenêtre ». Nous aussi, on sent presque cette odeur sucrée du soir d’été… Et aux sensations s’ajoutent des émotions pleines de poésie. Cet extrait, mon préféré, en est l'exemple le plus probant :
« Puis elle a regardé sa fille dans les yeux, et dans les yeux de Paloma elle a dû voir la même chose que ce qu’il y avait dans ceux de son pilote de mari, il y avait du sable, du nougat et un magicien. Quelque chose qui criait AVENTURE. Et qui, si elle ne pouvait pas partir à l’aventure, s’étiolerait et deviendrait poussière.» Car la mère de Paloma a bien envie de la garder près d’elle. De ne pas la laisser s’aventurer comme son mari l’avait fait. L’histoire nous surprend pourtant : a contrario, celle-ci encourage sa fille à partir à l’aventure, à explorer le monde. Si la petite est tentée de rester dans cette ville où il fait bon vivre, la voilà fin prête à décoller, à quitter son enfance.
En voyage : voilà où Véronique Ovaldé et Jeanne Detallante nous emmènent à travers cette histoire. Il s’agit de s’amuser et voyager certes, mais pas seulement, car si les grosses fleurs et couleurs aux tonalités hippie et latines donnent la tonalité de l’histoire, celle-ci oscille avec le noir et blanc, ou plutôt le sépia et le gris. Elles symbolisent les moments de réflexion de Paloma, les moments après lesquels le récit prendra une autre tournure. Attention à ne pas passer trop vite sur ces images qui sont à décrypter. Lorsque l'auteur et l'illustrateur dressent le portrait de Paloma par exemple, au début de l'ouvrage, une porte ouverte sur le monde se cache en arrière-plan… Un monde proche de celui de Matisse, celui du rêve, du surréalisme. Un monde dans lequel la petite fille garde – littéralement – la tête dans les nuages et où vole une blanche colombe, ou une blanche Paloma (qui signifie colombe en français, comme le rappelle l'auteur), si vous préférez.
Je ne peux donc que recommander cette chaude Pépite, car elle représente, sans hésiter, un des plus beaux albums que j’ai pu rencontrer jusqu’à présent.
>Paloma et le vaste monde, Véronique Ovaldé et Jeanne Detallante, Actes Sud junior, octobre 2015.
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Dans le monde d’Adam Stone, les hommes souffrent. L’eau est une denrée rare ainsi que l’oxygène. La terre aride empêche les plantes de pousser. La majorité de la population travaille dans des mines toute leur vie, pour extraire la matière première appelée "voddenite".
En fait, la seule chose qui compte dans ce monde, c’est de le quitter. Pour cela, il faut participer à la Course en moto, celle du circuit de Blackwater. Le gagnant accède à la Base, cette ville spatiale où seule l’élite réside. Evidemment, il faut risquer sa vie pour un si grand privilège, et chaque année, une centaine de riders tentent leur chance en participant à la Course, tout en sachant qu’il est peu probable d’y survivre.
« Les courses, c’est la seule solution pour les gens comme nous. On est des seigneurs de la poussière et des dieux de la terre. Y a rien ni personne qui puisse nous sauver à part nous-mêmes. »
Avant de participer à la Course, Adam rencontre Krane, un Étranger qui prétend venir de l’autre côté du désert. Méfiant et fasciné à la fois par ce personnage mystérieux, il se rend tout de même avec lui au garage où acheter leur place pour la Course. Le garage est tenu par Sadie Blood, la fille dont Adam est secrètement amoureux. Au grand dam d’Adam, Sadie ne semble pas indifférente à la présence de Krane. Avant de pouvoir faire la transaction, une bande de trois motards appartenant à la tribu des Scorpions fait irruption. Ce sont les voyous qui font la loi à Blackwater. À partir de cette rencontre, leurs chemins seront amenés à se recroiser, chacun cherchant à exercer sa revanche.
Ce roman mélange une ambiance post-apocalyptique avec celle des westerns. L’immersion dans ce monde de science-fiction est complète et menée à bien par tous les détails qu’y glisse l’auteur pour donner de la cohérence à son intrigue.
Au même titre que la békane d’Adam, le lecteur glisse, rebondit et dérape dans le désert. L’auteur traduit fidèlement les sensations éprouvées sur une moto lancée à toute allure. La course effrénée pour obtenir sa place à la Base devient aussi celle de la survie. Les ennemis sont innombrables : loups, bandits, conditions climatiques mais aussi et surtout les autres concurrents. Comment savoir qui vous veut du bien et qui vous veut du mal ? Adam devra l’apprendre parfois à ses dépens. Pour gagner la course, il faut être seul. Mais la solitude rend vulnérable. Adam bataille entre ces deux instincts jusqu’au bout.
Le récit, rempli d’un suspens palpable et bien maîtrisé, fait que le lecteur n’est jamais au bout de ses surprises.
>Stone Rider, roman dès 13 ans, écrit par David Hofmeyr et traduit de l'anglais par Alice Marchand, publié aux éditions Gallimard Jeunesse. Ce roman a été voté Pépite du Roman Ado Européen 13 ans et plus au Salon du livre et de la presse Jeunesse de Montreuil 2015.
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Une petite envolée musicale pour nous conter la jeunesse du compositeur américain de jazz, George Gershwin.
Avec beaucoup d’originalité, l’histoire est racontée par le piano fraichement acquis par la mère pour le grand frère Ira. Mais contre toute attente, c’est George, enfant dissipé, qui va se découvrir un talent pour l’instrument. Lorsque l’enfant joue, les gens s’arrêtent et écoutent ses improvisations.
Toute la famille s’est arrêtée de crier.
Tous écoutent Georges avec stupéfaction.
Et au bout d’un moment, des applaudissements nous parviennent de la rue.
C’est l’été, les fenêtres sont grandes ouvertes, et un attroupement s’est formé pour écouter le prince qui a réveillé la belle au bois dormant.
On suit alors le petit George dans son perfectionnement musical avec toute sa famille. Le père emmène ses enfants voir des comédies musicales, le grand frère, Ira, écrit des chansons et même la petite sœur est promise à un grand avenir de chanteuse. La musique entoure cette famille au plus grand bonheur du piano.
C’est Susie Morgenstern qui prête sa plume et sa voix pour conter l’histoire de Gershwin. Le choix n’est pas anodin, puisque ce grand auteur de littérature de jeunesse partage des traits communs avec le compositeur. Tous deux Américains, ils ont grandi dans une famille juive au nord-est des États-Unis et ont émigré en France pour parfaire leur art.
L’accent new-yorkais de Susie Morgenstern est très à propos pour cette balade de Brooklyn à Broadway, dans la ville de New-York berceau du jazz et des comédies musicales.
Les mots, la musique et les illustrations se mêlent avec délice pour nous offrir un magnifique album. Les compositions de Gershwin viennent ponctuer avec justesse le texte de Susie Morgenstern et les illustrations aériennes de Sébastien Mourrain.
>Les Gratte-ciels de la musique, Susie Morgenstern, Didier Jeunesse, 2015. Pépite du livre-audio.
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Ariane, Kummba et Manon sont les rédactrices du site lisonsjeunesse.fr et entendent bien faire part à leurs lecteurs des dernières pépites qu'elles ont dénichées !
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