«L'idée de l'amour»

Mark Greene : les rênes de l'amour

Mark Greene est l'écrivain des désirs envolés. Dans son dernier livre, L'idée de l'amour (Grasset), il décrit avec une grâce certaine, les retrouvailles entre un journaliste hippique et son amour de jeunesse, sur fond de chevaux, de verte campagne et de temps suspendu. Une réussite.

Mark Greene est l'écrivain des désirs inassouvis. Depuis Le lézard ( Fayard) paru en 2004, il distille avec une apparente nonchalance, sa nostalgie d'une jeunesse porteuse de promesses et sa déception face à leur impossible accomplissement.

La mémoire de la fugace réalité des choses

Dans Les maladroits (Seuil) et Les plaisirs difficiles (Seuil), il esquisse des pas de danse qui tournent sur eux-mêmes, sans jamais retenir leurs auteurs. Dans Comment construire une cathédrale (Plein jour), il évoque la construction d'un édifice, aussi grandiose qu'improbable, de même que dans Federica Ber (Grasset), les montagnes italiennes servent de décor à une quête tragique. Chez Mark Greene les liens se tissent pour mieux disparaître. Les personnages traversent avec intensité un moment fragmenté. Seule la mémoire porte la trace de leur fugace réalité. Et pourtant, Mark Greene sait retenir la nuit des souvenirs et les jours des désirs. Il écrit ce qui ne peut être dit, comme il effleure ce qui ne peut se vivre.

Revenir aux souvenirs

Dans son dernier livre, peut-être le plus justement ciselé, L'idée de l'amour (Grasset), il propose une variation enlevée sur le paradoxe du sentiment amoureux, intense parce qu'inassouvi, décevant dès que trop dévoilé. Le héros s'appelle Philippe Waxman. Un journaliste hippique, ancien étudiant en Lettres à La Sorbonne qui rêvait de devenir écrivain et qui s'est contenté de survivre entre deux courses et quelques livres de commande sous pseudonyme. Un destin en format réduit, enfermé, comme un cheval, qui tourne dans son manège. Puis vient à lui une ruse du destin. Il retrouve ÉlisabethVuibert, amour de jeunesse rencontrée à l'université, en partant sur les traces d'un de ses anciens modèles, François Rongières, écrivain emblématique d'une génération, entre temps oublié et passé de mode. Il se trouve qu'Élisabeth Vuibert a épousé François Rongières, ce que Waxmann ne savait pas. Il la croyait partie en Amérique. La boucle est bouclée. Patrick Waxmann se retrouve face aux deux figures qui ont hanté son imaginaire.


Photo The OtherKev-Pixabay

L'amour à cheval 

Les désirs enfouis refont surface. Jusqu'à quel point ? Que reste-t-il de cette «idée de l'amour» ? L'ombre d'un désir et la trace d'un appel ? Des fantômes nostalgiques d'un temps disparu ? La présence des chevaux en arrière-plan campe une énergie vitale, émotionnelle, qui ancre l'histoire dans sa réalité animale. A l'instar de la jeune Tiffany, employée des écuries qui fait corps avec les chevaux. Comme on le dit d'un sentiment envahissant :  «chevillé au corps». Elle incarne cette promesse de l'aube qu'est la jeunesse. Figure en mouvement qui avance avec les certitudes d'un monde en devenir. Avant qu'il ne soit trop tard pour aller vers son destin. 

Les voltes du temps

On l'aura compris, comme toujours chez Mark Greene, la mélancolie est reine.

 «Plus on vieillit, plus la nuit gagne en vitesse, en dextérité. Elle se glisse partout, a l'art de faire disparaître les être et les objets, comme une illusionniste

Parfois, se glisse l'humour des situations un peu absurdes. Mark Greene n'a pas son pareil pour décrire l'échec d'une soirée dans un bistrot de campagne ou le décor d'une chambre d'hôtel. Lieux de passage, lignes de fuite. Le lecteur suit le rythme au pas, au trot ou au galop.  L'idée de l'amour est un livre qui frémit. Comme le cheval qui part au grand galop après que son maître lui ait flatté l'encolure. L'appel des pâturages et de la liberté. Et qui sait où il fera halte après son grand tour, dans quel lieu il trouvera le miroir de sa dernière course ? A son image, le héros saisit l'encolure qui s'ébroue et laisse s'échapper ce qu'il ne peut retenir. Le temps fait son œuvre. La vie avance inexorablement. 

 «Contrairement à ce qu'on dit, une vie ne ressemble pas à un roman, mais, plutôt, à un recueil de nouvelles, coiffées chacune d'un titre et séparées par une page blanche, reliées par un fil ténu qui n'apparaît qu'au terme de la lecture.»

>Mark Greene, L'idée de l'amour, Grasset, 208 pages, 19 euros>>Acheter ce livre

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