Que penser de « Quelques mois dans ma vie » de Michel Houellebecq ?

La couverture est noire, comme un faire part de deuil et le titre, descriptif et surtout pas littéraire. Le ton est donné tout de suite. Car, comme le reconnaît Michel Houellebecq, Quelques mois dans ma vie: Octobre 2022 - Mars 2023  ressemble à un extrait de journal autobiographique et n'est en rien un roman.

Quand la réalité rattrape la fiction

Lorsque notre chroniqueur Eric Val-Harboit présentait Michel Houellebecq comme un performer qui mettait en scène sa propre déchéance, il avait peut-être vu juste. Comme si l'écrivain, par un ensemble de naïvetés et d'actes manqués, avait fini par se confronter lui-même à des situations d'anéantissement et à se confondre avec ses héros peu glorieux. « Pour la première fois dans ma vie je me sentis traité, absolument, comme l'objet d'un documentaire animalier ; il m'est difficile d'oublier ce moment. » écrit l'auteur d' Anéantir.

Extrait de journal intime ou tentative d'autojustification ?

Que s'est-il passé ? Michel Houellebecq raconte un fâcheux enchaînement médiatique, dont il ne ne s'explique pas très bien comment il a pu lui arriver. « J'ai été idiot », dit-il à Augustin Trapenard qui l'a interviewé dans le cadre de La Grande Librairie.
Doublement idiot. D'une part, quand il a critiqué les musulmans dans un entretien avec Michel Onfray pour la revue Front Populaire, qui lui a valu une menace de plainte du recteur de la Mosquée de Paris. D'autre part, quand il s'est laissé manipuler pour participer à un film pornographique tourné avec sa femme entre Amsterdam et Paris, produit par la société de production Kirac 27, dont les termes du contrat n’ont pas été respectés. L'intimité de l'auteur et de sa femme aurait été bafouée. Il faut reconnaître que, quand on se laisse filmer dans le plus simple appareil, il est difficile de maîtriser la suite du film.... On n'est pas loin de la sex tape d'un ado, qui sera montrée à toute la classe. Bien naïf, celui qui aujourd'hui peut penser contrôler son image quelle qu'elle soit, surtout quand elle pornographique et surtout si la personne concernée est célèbre... Dans Le Figaro, Michel Houellebecq a reconnu humblement «Ce que je confesse surtout à mon propos, c'est ma grande bêtise. » On a connu mieux comme envolée littéraire, mais sous ces airs penauds, l'auteur reprend la main sur son histoire. 

Ecrire ou s'anéantir

Quelques mois dans ma vie, sonne davantage comme une confession qui attend notre absolution, que comme un texte analytique. Cependant, il faut admettre que l'auteur pose ses mots sur ces événements pénibles et les place dans une perspective qui lui permet de prendre un peu de hauteur. L'auteur des Particules élémentaires, de Plateforme et de La carte et le territoire, qui a souvent mis en scène un sexe cru et instrumentalisé, se confronte à un système, dont il n'avait pas prévu d'être lui-même victime. A Augustin Trapenard, il confie qu'il se sent malheureux aujourd'hui et subit aussi une perte de désir sexuel.... Bigre. On est désolé pour lui, mais est-ce que cela nous intéresse vraiment de savoir comment se porte sa libido personnelle ?

L'homme et le personnage

Serions-nous revenus à l'époque de Versailles où chaque événement concernant le roi faisait l'objet d'un récit, y compris le volume de ses selles ? Nous savons que Michel Houellebecq est le roi français des lettres et que son trône lui accorde quelques privilèges. De là à nous intéresser à ses intimités...
Toute la question de la littérature est bien dans le lieu où se situe l'écriture. La carte et le territoire avait montré cette différence entre la carte, élément objectif et le territoire, réalité physique et émotionnelle, donc potentiellement imaginaire. Dans le cas de Michel Houellebecq, ce n'est pas sa vie ordinaire qui est intéressante, mais ce qu'il crée à partir de cette vie. 
La morale de l'histoire : la chair est triste et les romanciers sont des hommes comme les autres. Sauf quand ils écrivent des livres. Que penser donc de Quelques mois dans ma vie ? Qu'il s'agit d'un autojournal, même pas d'une autofiction. Que ces 112 pages se lisent vite et s'oublient tout aussi rapidement. Mais que ce reflet personnel a le mérite de l'honnêteté. Michel Houellebecq ne triche pas. Même quand il utilise les métaphores, il parle de ce qu'il ressent. Cela rappellerait presque une émission de téléréalité, avec un titre comme Confessions intimes...

>Michel Houellebecq, Quelques mois dans ma vie: Octobre 2022 - Mars 2023,  Flammarion, 112 pages, 12,80 euros >>Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien

>Pour voir l'ensemble de l'entretien que Michel Houellebecq a accordé à Augustin Trapenard dans La Grande Librairie, cliquer sur ce lien