Avec Faute d’identité Michka Assayas, directeur de publication du génialissime Dictionnaire du rock, se livre et nous livre un récit hétéroclite, qui balance entre pamphlet politique et confession autobiographique. C’est à la suite de l’égarement de son passeport que Michka Assayas, français né de parents d’origines hongroise pour sa mère, et ottomane pour son père, va vivre un véritable cauchemar administratif, qui l’amènera à s’interroger sur son identité, remise en cause par l’administration française. Faute d’identité, faute de mieux, l’auteur explore à travers le récit ce qui fait de lui ce qu’il est, ce qui fait de lui le français qu’il est devenu donc, après l’immigration de ses parents en France.
L’histoire que nous conte Michka Assayas naît d’un évènement tout à fait anodin, alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour Berlin, où il allait dans le cadre d’une mission pour Radio France, l’auteur perd son passeport. Ne disposant pas d’une carte d’identité valide, il se rend au commissariat pour déclarer la perte de son passeport, et en obtenir un nouveau dans les délais les plus brefs, qui lui permettrait de prendre l’avion à temps pour son travail. Seulement voilà, les lois ont changé, et quand l’employé de l’antenne de police du XVIIIe arrondissement de Paris constate que les deux parents d’Assayas ne sont pas nés en France, il lui a immédiatement dit que « ça n’irait pas », et l’a envoyé au « Pôle de nationalité française ». C’est là qu’on lui demandera de justifier sa nationalité française, bien que ses parents aient tous deux été naturalisés français ( !). Le récit qu’Assayas nous fait de l’administration française ne manque pas de nous effrayer, réalisant le cauchemar kafkaïen, le tableau brossé est celui d’un système rigide et arbitraire qui divise les français en deux catégories, ceux nés de parents « français » et ceux nés de parents étrangers. L’auteur ne manque pas de souligner que le grand-père de Nicolas Sarkozy vient du même village que sa mère en Hongrie, nous rappelant par là que le président de la république pourrait lui-même un jour avoir à justifier sa nationalité française.
C’est bien ce dont il s’agit. Bien que cet énoncé semble incongru, voire absurde, c’est ce qu’on a demandé à Michka Assayas, et ce qu’on demande aujourd’hui à des milliers de nos congénères, simplement à cause de l’origine de leur parent. C’est l’absurdité que le récit pointe à travers la description des services administratifs, caractérisés par leur froideur, leur impersonnalité, et il faut le dire, leur grotesque parfois. Mais l’absurdité éclatante de cette demande transparaît également à travers l’évocation du souvenir. Celui d’une enfance, d’une adolescence, d’une vie passées en France. La lecture de ce récit rend la demande faite à l’auteur de légitimer sa nationalité aussi insensée que d’exiger de quelqu’un de démontrer pourquoi il a les yeux verts.
La recherche de l’identité imposée par l’administration française amène en effet le souvenir. Le pôle national d’identité apparaît de fait comme le catalyseur de la mémoire, l’occasion du livre. « Ce livre n'est ni une confession ni une thérapie, mais le surgissement de la conscience face à un destin qui, brusquement, m'écrase.", nous dit l’auteur. C’est le souvenir de la mère que l’on retrouve partout, figure omniprésente du récit, mère certainement distante, et extrêmement touchante à la fois. Le souvenir du père, de l’amour pour le frère ainé, du rock qui a rythmé l’adolescence et la vie adulte. Cette musique qui a été le seul sens du collectif d’une génération qui selon l’auteur n’en est pas une, car elle est manque de sens communautaire. La dénonciation de l’injustice sociale dont a été victime l’homme est un moyen pour l’auteur de retracer le chemin vers ses origines, à travers cette confession qui se montre parfois d’une touchante subtilité, avec notamment le récit de la mort de la mère.
Dans la veine de Beigbeder avec Un Roman français, chez qui l’arrestation déclenche la réflexion sur soi, Faute d’identité lie indéniablement l’individu et le corps social, il ancre l’individu dans la société, qui plus que jamais apparaît comme un élément définitoire de l’être, de la formation de la conscience humaine. Ces ouvrages qui ne sont pas des autobiographies stricto sensu (dans le cas de Beigbeder, le titre évoque explicitement la fiction), mais qui tendent clairement vers la veine autobiographique, permettent de poser la question du genre. En effet, dans une société où la question de l’identité à une place majeure, on pense bien sûr à la question de l’immigration, mais également à celle de l’homosexualité ou à celle de la parité, la littérature semble épouser la question sociale, s’y adapter pour lui faire écho à travers sa forme la plus intime, le récit de soi. Les nouveaux impératifs sociaux seraient-ils définitoires de la nouvelle littérature ? Plus que jamais, et Michka Assayas nous en offre un exemple saisissant, la littérature apparaît comme une arme dans la dénonciation sociale.
Michka Assayas, Faute d'identité, Grasset
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