« Noblesse oblige » de Maïwenn Alix dépeint une société française où la révolution de 1789 n’aurait jamais eu lieu, où le roi Louis XXI règnerait désormais sur Versailles et sur la Cour. La monarchie a trouvé un nouveau moyen d’asseoir son pouvoir : lancer l’émission de téléréalité la plus célèbre de France, « Noblesse oblige », qui réunit des roturières dans l’espoir d’un beau mariage avec un noble de la Cour. Mais ce concept d’apparence idyllique cache en réalité de bien sombres secrets, qui pourraient renverser le pouvoir…
Dans l’émission « Noblesse oblige » lancée par le Roi, chaque année des jeunes filles du peuple au sang suffisamment pur pour pouvoir prétendre à donner de bons héritiers allient leur sort aux jeunes hommes de la noblesse. L’autre option, si la jeune roturière ne rencontre pas l’âme sœur : le couvent. Autant dire que c’est à qui fera le plus tourner les têtes ! Gabrielle, détachée de sa Bretagne natale pour participer à l’émission, nourrit quant à elle un tout autre dessein : elle espionnera pour le compte des services secrets révolutionnaires, des antimonarchistes visant à établir une France républicaine. Et ce, malgré les innombrables risques qu’elle encourt si elle vient à se faire surprendre…
Maïwenn Alix est une romancière française d’origine bretonne, née en 1987, qui a grandi entre le Nord, la région Centre, la Suède et la Suisse. Ingénieure de formation, c’est après des journées sur Excel, la nuit et les week-ends, qu’elle a écrit le premier tome d’In Real Life. Ce roman ne devait à l’origine pas sortir de son cercle familial, elle l’a conçu pour sa plus jeune sœur qui avait adoré les Hunger Games, Divergente, et n’avait plus rien à se mettre sous la dent. C’est en constatant son enthousiasme et celui de ses copines à qui elle distribuait les chapitres, que Maïwenn Alix lui envoyait au fur et à mesure, qu’elle s’est décidée à tenter sa chance dans le monde de l’édition. Trente relectures et cinq réécritures plus tard, elle envoyait son manuscrit à dix maisons. Ainsi est née la trilogie In Real Life, sortie entre 2018 et 2020. Le premier tome a même remporté le prix Utopiales jeunesse 2019 et été traduit en polonais. En 2017, elle se lance à plein temps dans l’écriture, et alterne les textes Young Adulte et adulte, au rythme d’un à deux textes par an. Son nouveau roman « Noblesse oblige » aux éditions Slalom est déjà un succès.
Son héroïne, Gabrielle, est une jeune bretonne, fille adoptive de marin et travaillant comme demoiselle de compagnie chez une famille de petite noblesse de campagne où elle s’ennuie affreusement. Passionnée de piano et extrêmement douée, elle sent sa vie s’échapper de son contrôle et son rêve de partir jouer à Istanbul s’étioler. Alors que toutes ses camarades ne rêvent que d’une chose : être sélectionnées pour « Noblesse oblige », elle aspire à des aventures et à des voyages loin de la terre de France. Gabrielle mène en parallèle une double vie : elle conspire pour le réseau républicain français, visant à destituer le roi et détruire la monarchie. Elle mène des actions pour cela, et veut être plus utile malgré la prudence de son père. Mais un jour, tout bascule : en plus d’être choisie pour participer à « Noblesse oblige », Gabrielle apprend de plus que les plus grands du réseau républicain, exilés en Turquie et recherchés par toute la police française, ont pris contact avec elle et l’encouragent à accepter, afin d’avoir une espionne au plus haut. Débute alors une quête de longue haleine pour Gabrielle.
La jeune fille arrive à Versailles avec un seul objectif : trouver des secrets compromettants, faire tomber la monarchie. Mais elle se découvre une aptitude innée pour le théâtre qu’est l’émission, qui, loin d’être un tournage naturel des faits et gestes des jeunes filles avec les nobles, est en réalité monté de toutes pièces et rédigé avec des scénarios. Gabrielle se retrouve très vite en tête des sondages de popularité comme étant très proche du peuple, et fais graviter autour d’elle les hommes les plus influents du royaume, dont… le dauphin de France, Louis lui-même ! Loin de pouvoir jouer la discrétion comme initialement prévu, Gabrielle va se voir plongée dans des intrigues au sommet, et creuser au fur et à mesure jusqu’à découvrir d’abominables secrets. Le roman très bien ficelé fait monter pléthore de questionnements ; qui a donc orchestré le meurtre de la précédente gagnante de « Noblesse oblige » ? Que cache le duc Léon ? A quoi sert réellement le couvent Notre-Dame ? Gabrielle doit démêler tout cela devant les yeux de la France entière, en essayant de ne pas se faire guillotiner au passage.
« J’ai la sensation soudaine d’être une marionnette, une marionnette parmi d’autres ici, dont au-dessus de nous, parmi les anges et les dieux de la fresque de celle salle, le roi tire les ficelles. Reste à savoir quelle farce il compte nous faire jouer ensemble » -M. A
Ce roman est un mix parfait entre Phobos de Victor Dixen et La chronique des Bridgerton de Julia Quinn. Le premier est une téléréalité dans l’espace, entre des astronautes partis découvrir et coloniser la planète Mars. Le second dépeint les intrigues d’une famille dans la Haute Société de l’Angleterre victorienne. « Noblesse oblige » mélange savamment ce côté historique remixé à la sauce moderne, et cet aspect visuel du grand écran parfaitement maîtrisé dans la trame du livre. Tout comme dans l’ouvrage de Victor Dixen, les apparences sont bien trompeuses et sous le vernis des paillettes, se cachent de sombres secrets. Gabrielle se trouve forcée de jouer un rôle pour lequel elle n’a pas signé, entourée d’acteurs hypocrites et comploteurs au sein de cette monarchie qu’elle déteste tant.
La société dans laquelle Gabrielle évolue n’a donc foncièrement pas changée depuis le XVIIIème siècle, et alors que la modernité fait son entrée à Versailles avec les caméras, les micros et les télévisions, le bas peuple et le Tiers-état vivent toujours dans une énorme pauvreté, soumis à des nobles dont le seul effort a été de naître dans la bonne famille. Gabrielle se retrouve donc confrontée à un choc socio-culturel dès son entrée à la Cour, entre les mets raffinée, les différentes robes plusieurs fois par jour, toutes sublimes et toujours différentes, et les dizaines de laquais pour elle seule. Elle vient d’un milieu simple, où elle se mélangeait à la population modeste tous les jours et a donc été témoin de la nécessité pour la France de construire une république égalitaire et de stopper une fois pour toutes cette tyrannie d’une minorité corrompue.
Le lecteur suit toutes les pensées, tous les doutes et les peines de la jeune fille, qui est confrontée à une solitude extrême et à des dangers toujours plus grands à mesure que sa popularité augmente et que son avenir en tant que future dauphine semble se préciser. Mais les chausses trappes sont partout et les êtres d’apparence les plus antipathiques peuvent être d’une grande aide. Gabrielle fait la connaissance de gens précieux, comme son fidèle garde suisse Antoine, mais se méfie également de personnes haut placées qui lui tournent autour comme des rapaces.
Maïwenn Alix a imaginé une femme forte, indépendante, qui a de la suite dans les idées et une grande force d’ingéniosité. Alors que le lecteur avance dans le roman, il découvre des secrets horrifiants qui lui font également prendre conscience de sujets sociaux de fond, tels que les violences faites aux femmes dans encore de trop nombreux pays. En bref, un livre divertissant, bien écrit, très page turner, et aux sujets à la fois légers et philosophiques.
> « Noblesse oblige », Maïwenn Alix, éditions Slalom, 18, 95 euros, 399 pages >> Pour acheter le livre, cliquer sur le lien
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