Sur un nuage

24e Printemps des poètes : entrez dans la danse de l'éphémère et regardez le ciel ...

Du 12 au 28 mars 2022, la 24e édition du Printemps des poètes met la poésie à l'honneur sous toutes ses formes. Les manifestations pullulent en France. Nous avons retenu tout particulièrement la beauté des haïkus célébrée par Pascale Senk, ainsi que l'initiative orchestrée par Mathieu Simonet qui rend hommage aux nuages. Tout comme la poétesse Louise Ackermann, dont le poème Le nuage est un petit bijou injustement oublié. 

L’affiche du Printemps des Poètes 2022 est signée Pina Bausch. Photographie originale de Laurent Philippe. L’affiche du Printemps des Poètes 2022 est signée Pina Bausch. Photographie originale de Laurent Philippe.

La poésie à l'honneur

Ce mois de mars met la poésie à l'honneur. Du 12 au 28 mars 2022 se tient la 24e édition du Printemps des poètes. Partout en France les initiatives se multiplient pour honorer le thème de cette année : L'éphémère.
« Il est temps de sonder à nouveau l’éphémère. De ne pas attendre à demain. De questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la plus secrète, la plus inouïe de nos existences. » comme le décrit le communiqué de la manifestation.
Alors, poètes en herbe, poètes classiques, poètes  sous toutes ses formes, n'hésitez pas à sauter dans les bras de l'inspiration. Plus que jamais en cette période bouleversée, nous avons besoin de poésie.

>Dans la vidéo : Golshifteh Farahani, marraine du Printemps des Poètes 2022 dit : « Prière aux vivants pour leur pardonner d'être vivants ».
>Lire l'interview de Golshifteh Farahani dans Viabooks 
>Pour plus d'informations : rendez-vous sur le site du Printemps des Poètes 

Les haïkus d'un ciel changeant de Pascale Senk

Pour Pascale Senk, la poésie est un voyage à travers les mots. Dans son dernier livre, elle invite le lecteur à ressentir les changements de lumière, de climats et d'états d'âme.

Ces méditations poétiques à base de haïkus, ces poèmes en 17 syllabes n'ont qu'un seul but : vous reconnecter à l'essentiel  du ciel, de l'aube à la fin de la nuit. Vingt-quatre heures de la vie du ciel.

Ciel changeant
en filant la mouette
emporte mon regard

>Pascale Senk, Ciel changeant, haïkus du jour et de la nuit, Leduc, 288 pages, 15,90 euros
>Lire l'interview de Pascale Senk sur les haïkus

Performance collective : hommage aux nuages

Mathieu Simonet auteur et poète a souhaité dédier la journée du 29 mars 2022 aux nuages. Ces nuages qui flottent, passent, éphémères dans le vent. Il propose que désormais la journée du 29 mars devienne la Journée internationale des nuages !
Au programme cette année : des centaines d’enfants et d’adolescents à Saint-Soupplets (Seine-et-Marne) vont observer les nuages dans le cadre d’une « performance littéraire collective ». Chacun écrira sur un bristol ce qu’il voit en regardant le ciel. Cette performance est ouverte à tous ceux qui le souhaitent, d'où qu'ils se trouvent. Tous ces bristols seront ensuite exposés au mois de juin à Saint-Soupplets.
> Pour participer : adresser par e-mail ces bristols inspirés : contact@mathieusimonet.com ou par courrier : Mathieu Simonet 1, rue Bretonneau 75020 Paris

Le poème de Louise Ackermann sur les nuages

On connaît la fascination de Baudelaire pour les nuages. On connaît mois celle de la poétesse Louise-Victorine Choquet, dite Louise-Victorine Ackermann, née à Paris le 30 novembre 1813 et morte le 2 août 1890 à Nice, qui a immortalisé la magie des cumulus dans son poème Le Nuage, dont voici le texte en intégralité.

Le Nuage
Levez les yeux ! C’est moi qui passe sur vos têtes,
Diaphane et léger, libre dans le ciel pur ;
L’aile ouverte, attendant le souffle des tempêtes,
Je plonge et nage en plein azur.

Comme un mirage errant, je flotte et je voyage.
Coloré par l’aurore et le soir tour à tour,
Miroir aérien, je reflète au passage
Les sourires changeants du jour.

Le soleil me rencontre au bout de sa carrière
Couché sur l’horizon dont j’enflamme le bord ;
Dans mes flancs transparents le roi de la lumière
Lance en fuyant ses flèches d’or.

Quand la lune, écartant son cortège d’étoiles,
Jette un regard pensif sur le monde endormi,
Devant son front glacé je fais courir mes voiles,
Ou je les soulève à demi.

On croirait voir au loin une flotte qui sombre,
Quand, d’un bond furieux fendant l’air ébranlé,
L’ouragan sur ma proue inaccessible et sombre
S’assied comme un pilote ailé.

Dans les champs de l’éther je livre des batailles ;
La ruine et la mort ne sont pour moi qu’un jeu.
Je me charge de grêle, et porte en mes entrailles
La foudre et ses hydres de feu.

Sur le sol altéré je m’épanche en ondées.
La terre rit ; je tiens sa vie entre mes mains.
C’est moi qui gonfle, au sein des terres fécondées,
L’épi qui nourrit les humains.

Où j’ai passé, soudain tout verdit, tout pullule ;
Le sillon que j’enivre enfante avec ardeur.
Je suis onde et je cours, je suis sève et circule,
Caché dans la source ou la fleur.

Un fleuve me recueille, il m’emporte, et je coule
Comme une veine au cœur des continents profonds.
Sur les longs pays plats ma nappe se déroule,
Ou s’engouffre à travers les monts.

Rien ne m’arrête plus ; dans mon élan rapide
J’obéis au courant, par le désir poussé,
Et je vole à mon but comme un grand trait liquide
Qu’un bras invisible a lancé.

Océan, ô mon père ! Ouvre ton sein, j’arrive !
Tes flots tumultueux m’ont déjà répondu ;
Ils accourent ; mon onde a reculé, craintive,
Devant leur accueil éperdu.

En ton lit mugissant ton amour nous rassemble.
Autour des noirs écueils ou sur le sable fin
Nous allons, confondus, recommencer ensemble
Nos fureurs et nos jeux sans fin.

Mais le soleil, baissant vers toi son œil splendide,
M’a découvert bientôt dans tes gouffres amers.
Son rayon tout puissant baise mon front limpide :
J’ai repris le chemin des airs !

Ainsi, jamais d’arrêt. L’immortelle matière
Un seul instant encor n’a pu se reposer.
La Nature ne fait, patiente ouvrière,
Que dissoudre et recomposer.

Tout se métamorphose entre ses mains actives ;
Partout le mouvement incessant et divers,
Dans le cercle éternel des formes fugitives,
Agitant l’immense univers.

Louise Ackermann, Poésies Philosophiques
Nice, 1871

N'oubliez pas : jusqu'à la fin du mois de mars. Devenez des poètes flottants. Que tous ceux qui ont la tête tournée vers le ciel oublient les vicissitudes du monde et rêvent de partir en voyage sur le dos d'un nuage. Ephémère bien sûr. Et pourtant infini. Comme la poésie.

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