« PSI » de Corbeyran : pouvoirs surnaturels et crise climatique

Une trame aux multiples protagonistes

Contrairement aux romans classiques suivant les péripéties d’un seul et unique personnage principal, « PSI » de Corbeyran est divisé selon les chapitres en quatre voix pour cinq protagonistes, dont deux jumeaux réunis. Une innovation de plus en plus utilisée en littérature pour varier les perspectives, et qui permet une vue globale et une appréhension plus fine du roman, tout en s’attachant mieux aux différents personnages ; cela permet aussi un certain dynamisme agréable dans la lecture.

Un auteur de livres mais aussi de BD

Éric Corbeyran, dit Corbeyran, est un scénariste de bande-dessinée, né à Marseille le 14 décembre 1964. Il a signé plus de 400 albums au cours de sa carrière et a notamment gagné le Prix Tournesol et le Prix Jacques Lob. Curieux et talentueux, il a exploré par la suite, les registres les plus variés : thriller, anticipation, aventure, polar, SF, fantastique, récits intimistes ou uchroniques… L'un de ses grands succès, Le Chant des Stryges, est doté de nombreuses ramifications, l'ensemble formant l'une des fresques les plus originales du paysage fantastique de la BD. Éric Corbeyran a travaillé d'abord dans plusieurs autres domaines comme la photographie, l'illustration, les contes et la publicité avant de signer des scénarios de bande dessinée, puis se met au roman avec notamment « PSI », où il signe une enquête entre pouvoirs surnaturels et crise climatique.

Une star mondiale a disparu !

Le monde brûle. Partout, des catastrophes climatiques, des famines, des maladies. Tout tombe en ruine. Une jeune lanceuse d’alerte partage chaque jour ses rapports sur son compte sur le réseau social Spread, suivie par près d’un milliard de personnes : Adame, 10 ans et un visage d’ange encadré de boucles blondes. Mais un beau jour, la petite fille disparaît sans laisser aucune trace. Pour ses proches, aucun doute : elle a été enlevée. La police, les services secrets semblent inefficaces. Est alors créé un projet non officiel pour la retrouver, mettant en lien cinq adolescents aux capacités hors normes, PSI.

Entre Quincy, qui peut déplacer des objets par la seule force de sa pensée, Judith, qui est capable de converser avec des personnes mortes, Waël, qui peut entrevoir des bribes d'avenir, et les jumeaux Romane et Yoann, qui sont télépathes, le résultat de l’enquête semble tout tracé ; le projet Adame sera un succès. Cependant, les jeunes sont vite persuadés qu'on cherche à les manipuler. Très vite, l'affaire dérape... Quelque chose ne tourne pas rond. Pourquoi Romane et Yoann sont-ils séparés du reste du groupe ? Pourquoi cette entreprise est-elle maintenue secrète ? Et plus important encore, quelle est cette mystérieuse secte venue du Moyen-Orient qui semble vouloir contrecarrer tous leurs plans… ?

Des jeunes mobilisés

« Où sont les jouets ? se demande-t-elle. Est-ce que quand on endosse le rôle de sauveur du monde, on perd son statut d’enfant ? » -C

Cela peut sembler étrange que , dans un monde rempli de policiers et de personnes autrement plus compétentes pour résoudre une enquête, la charge de la mission pour retrouver la plus grande star mondiale des réseaux sociaux soit confiée à cinq adolescents perdus et n’ayant aucune envie de participer. Ils sont exhibés comme des bêtes de foires pour leurs pouvoirs, spécialement Quincy qui passe à la télévision et réalise des spectacles mettant en scène son pouvoir. Ils semblent livrés à eux-mêmes, et n’ont pour la plupart plus de parents. Waël a été abandonné à la naissance, et placé en famille d’accueil, mais découvre bien vite que ses origines sont plus que fortement impliquées dans cette affaire, et qu’il devra bientôt faire face à son passé. Le lecteur s’attache à ces jeunes gens, à la fois si extraordinaires par des capacités qu’ils n’ont pas demandées, et à la fois encore un peu gauches et peu sûrs d’eux. Une plongée dans l’âge adulte par la manière forte en quelque sorte.

La bassesse de la discrimination

Malmenés depuis l’enfance pour leurs différences, les cinq jeunes gens qui ne se connaissent absolument pas (excepté évidemment les jumeaux) se retrouvent néanmoins dans une certaine souffrance, une vie de non-dits suite à des discriminations. Waël par exemple a été stigmatisé par tout son collège, traité de gourou et de sorcier pour avoir tenté de prévenir une fillette qu’il avait entraperçue dans le futur ayant un accident de voiture. Les jumeaux ont été très jeunes enfermés dans un institut spécialisé pour personnes sortant du commun, afin de « développer leur plein potentiel ». « PSI » témoigne de la malveillance de l’humain envers lui-même, envers ce qu’il ne connaît pas ou ne comprends pas. Ces jeunes gens sont loin d’être des monstres, et tentent d’utiliser leurs capacités pour répandre le bien autour d’eux. Pas toujours facile quand la population refuse d’être sauvée…

Une cause honorable

« PSI » développe avant tout son intrigue autour de la question du changement climatique, point crucial de la politique du XXIème siècle. Si le monde du roman est dépeint comme déjà quasiment perdu, c’est tout de même un avertissement envers notre propre société, où l’anthropocène frappe de plein fouet les écosystèmes et où les conséquences s’accélèrent drastiquement, amenant leur lot de dangers. Si beaucoup d’œuvres d’art militent pour la question climatique, Corbeyran réussite à l’évoquer suffisamment pour qu’elle reste dans la tête du lecteur, sans en faire son fil rouge et agacer un lectorat déjà extrêmement sollicité par ces questions. En tamisant son importance, il augmente paradoxalement son impact. Adame peut d’ailleurs être vue comme une sorte d’allusion à tous ces activistes qui essaient de changer la donne à plus ou moins grande échelle, comme c’est le cas de la célèbre Greta Thunberg. Somme toute, un livre fascinant, engagé mais pas trop (juste ce qu’il faut) et qui happera le lecteur jusqu’à la dernière page.

> »PSI », Corbeyran, éditions Hugo Roman, 260 pages, 19,95 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien