Les traits de plume de Daniel Sarfati

De Céline à Sartre... quand l'antisémitisme s'affichait dans les lettres françaises

Il n'y avait pas que Céline qui était un antisémite déclaré. Daniel Sarfati revient sur la manière dont l'antisémitisme était légion, y compris parmi les têtes d'affiche des lettres françaises, comme Jean-Paul Sartre. Même Marcel Proust ne trouvait pas grâce à leurs yeux. 

Portraits de LF Céline et de JP Sartre  © Wikipedia Portraits de LF Céline et de JP Sartre © Wikipedia
L’antisémitisme, Jean-Paul Sartre l’a compris le jour où il a été collé à l’agrégation de philosophie.
Les résultats sont affichés rue d’Ulm.
Sur 28, seuls 12 ont été reçus, dont son ami Raymond Aron.
Un des étudiants collés, dit avec colère à Sartre :
« Vous ne me ferez pas croire que ce juif Aron, dont les parents viennent de Cracovie ou de Lemberg ou de je ne sais où, qui ne parlent pas le français, peut comprendre mieux que moi un poème de Ronsard !»
Pour Sartre, tout est dit.
Le seul coupable d’avoir été reçu est le juif Aron, pas les 11 autres.
Quel esprit diabolique permet à un juif, dont les parents parlent le yiddish, de mieux comprendre Ronsard qu’un français de souche ?
Louis-Ferdinand Céline, lui va plus loin.
Un juif ne peut pas écrire en bon français, il pourrit tout par le yiddish.
Même Marcel Proust (que secrètement il admire).
Dans une lettre à Jean Paulhan, il écrit :
« Oh Proust s’il n’avait été juif personne n’en parlerait plus ! et enculé ! et hanté d’enculerie. Il n’écrit pas en français mais en franco yiddich (sic) tarabiscoté absolument hors de toute tradition française. Il faut revenir aux mérovingiens pour retrouver un galimatias aussi rebutant. »
Jean-Paul Sartre, dans un article des « Temps Modernes », intitulé « Portrait d’un antisémite », répondra à Céline.
Cet article sera complété par un essai « Réflexions sur la question juive ».
Céline, en fuite au Danemark, après avoir suivi Pétain à Siegmaren, est fou de rage.
Dans une lettre à Paulhan, il vocifère à propos de Sartre :
« Ah le damné pourri croupion…Satanée petite saloperie gavée de merde, tu me sors de l’entre-fesse pour me salir au dehors… Dans mon cul où il se trouve, on ne peut demander à Jean-Baptiste ( il se trompe intentionnellement sur son prénom) Sartre d’y voir clair… »
Voilà pour le « style Céline ».
Pour en revenir à la pensée de Sartre, il écrivait déjà en 1946 :
« L’antisémite reproche au juif d’être juif ; le démocrate lui reprocherait volontiers de se considérer comme juif.
Entre son adversaire et son défenseur, le juif semble mal en point.
Les démocrates semblent surtout craindre dans les persécutions, qu’elles contribuent à donner aux juifs une conscience plus précise de lui-même. »
Sartre, lui, soutiendra toujours cette conscience de soi-même comme la judéité de Raymond Aron : « un juif authentique ».
Sartre s’est toujours tenu aux côtés d’Israël, à l’opposé de ses compagnons de route d’extrême-gauche. Que dirait-il aujourd’hui de leur dérive antisémite assumée ?

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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.
 
 
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