Le Président François Hollande évoquait au début de son mandat cet « ennemi sans visage » qu'est le monde de la finance. Dans son livre, aux tonalités balzaciennes, Antoine Girard prend le contre-pied de cette assertion. Co-auteur d'un documentaire pour Arte sur « La folle histoire des banques françaises », il nous plonge cette fois dans celle des hommes qui l'ont faite.
De Jean-Frédéric Perregaux, créateur de la Banque de France sous le Directoire à Michel Pébereau, directeur général, puis président de BNP Paribas jusqu'en 2011, en passant par Henri Germain créateur du Crédit lyonnais, l'ouvrage nous livre dix portraits de ceux qui ont écrit l'histoire de nos banques. Une histoire haute en couleurs d'hommes mus certes par l'ambition mais aussi, pour certains, par une vision loin d'être toujours négative. C'est l'un des mérites de ce livre que de ne jamais se complaire dans les clichés.
Le goût du pouvoir, de l'argent, pour être éminemment présents, n'efface pas pour autant le désir qui porta certains d'aider au développement économique de notre pays. Henri Germain qui voulut ouvrir la banque, jusqu'alors réservée aux grandes fortunes aux classes moyennes, est aussi à l'origine des principes prudentiels aujourd'hui réclamés en vain : séparation des banques de dépôts et d'investisssement, équilibre des actifs et de l'exigibilité des dettes. Louis Milcent, à l'origine du Crédit Agricole, avait pour objectif d'aider les agriculteurs. Plus près de nous, Jean Yves Haberer, président du Crédit Lyonnais sous le deuxième mandat du président François Mitterrand et dont le travail fut salué par le ministre des finances Pierre Beregovoy, paya ensuite le prix fort en devenant le bouc émissaire du scandale du même Lyonnais.
D'autres bien sûr sont plus troubles, flambeurs impénitents ou plus graves encore, collaborateurs avec le régime de Vichy comme le très catholique Henri Ardant. Une importante partie du livre est consacrée au XXème siècle qui voit succéder aux patrons d'hier une élite de hauts fonctionnaires et de technocrates. La désincarnation du monde bancaire est en route et avec elle une forme d'opacité grandissante. Du projet d'un homme, les banques se transforment en des entités froides et anonymes d'autant plus inquiétantes que l'activité se complexifie.
Nationalisations, puis reprivatisations, dette publique, financiarisation de l'économie et bien sûr intrication avec le pouvoir politique, laquelle – il faut le préciser – a été vraie de tout temps. Sujets apparemment austères pour qui ne maîtrise pas les clefs de cet univers, mais que le livre d'Antoine Girard parvient à rendre extraordinairement vivants.
Une rencontre avec Antoine Girard et Arnauld de L'Epine, ancien responsable des risques chez Indosuez aura lieu le mercredi 4 février à 19h30 au Thé des écrivains. 16 rue des Minimes, 75003 - Paris.Cette rencontre sera animée par Nadine Vasseur >Plus d'informations sur le site de la librairie ou sur sa page Facebook.
Nadine Vasseur, longtemps produtrice et animatrice, du Panorama sur France Culture, est journaliste et écrivain. Elle est aussi la fondatrice du festival de la Voix.
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