A cette époque Omar travaillait à la SNCF locale, la RENFE et bénéficiait comme tout employé de cet organisme "estatal" de la gratuité des transports ferroviaires.
Cette année, il avait pris deux semaines de vacances pour être avec nous. Nous étions en Mars, époque de la coupe de la canne à sucre, la ZAFRA. Quel rapport avec la RENFE me direz vous ? Et bien le combustible est utilisé pendant la récolte, aux machines agricoles et la circulation du train en est largement affectée. Il faut choisir, soit circuler soit faire prospérer l'économie cubaine.
Bref, nous avions décidé , avec Omar de prendre la ligne qui nous emmenait à BAYAMO, charmante bourgade située à 120 kilomètres de Santiago et cinq heures de train. Normalement, cette ligne est réservée aux cubains (que feraient les touristes sans l'air conditionné et le confort des sièges des cars !). Elle est donc payable en pesos cubains (entre 20 et 26 pesos cubains pour un peso convertible, ce dernier ayant remplacé le dollar).
Ce mardi, Omar s'était renseigné, il y avait un départ de prévu; le train roulait ou plutôt se déplaçait avec nonchalance. Il partait à 7 heures pétantes , pas d'aproximativo" . Etrange, la pendule ne sert à Cuba que pour se repérer dans la journée ! Nous descendons dans la fraicheur matinale vers la gare.
Après moultes palabres avec les membres dirigeants , nous primes place à bord du Santiago-Manzanillo. Le train s'ébranla vraiment à 7 heures, encore un paradoxe non résolu, pour nous touristes où tout ici était approximatif.
Ce train datait d'une autre époque, trois classes, des bancs en bois bien durs à endurer pour les cinq heures minimum de voyage qui nous attendaient; mais si les cubains le supportaient, nous aussi, bienvenue au mot "égalité".
Quelques minutes après le départ, un controleuse faisant office de distributeur de billets, se présenta à notre hauteur.
Omar présenta sa carte de transports et recommença à discuter de notre sort, les explications d'il y a une 1/2 heures n'avaient servies à rien et il lui fallait recommencer. Nous étions des amis français (oui oui, Paris) et nous voulions aller à Bayamo passer la journée au moyen des transports locaux. Soit, nous savions qu'en tant que touristes, seul le peso convertible nous était oficiellement autorisé et que le trajet se payait en pesos cubains - 8 pesos l'aller retour par personne soit 0,80cts de pesos cconvertible. Empruntant un air hagard et désemparé, je lui expliquais que je ne savais pas, à la gare, on nous avait dit que cela était possible.etc.etc..
De acuerdo, nous dit-elle mais pour nous se sera le double du prix. Pas de problème, ce prix dérisoire nous fit sourire intérieurement. Nous lui tendimes un billet de 20 pesos et , lancée sur son élan de générosité, elle nous rendit 4 pesos dont un pièce de 3 à l'éfigie du CHE (pièce vendue une fortune en monnaie convertible dans les rues de Santiago). Cela nous fera un souvenir, nous dit-elle avec un clin d'oeil. Nous la remerçiames chaleureuement et le vrai voyage put enfin commencer.
En 5 heures, nous allions pourvoir admirer les paysages qui défilaient pendant notre épopée (et le mot est faible!)
Les wagons se remplissaient rapidement ; il faut dire que les arrêts étaient nombreux et au pire il était tout à fait possible de prendre le train en marche.
Le sud de l'ile était abandonné par les pouvoirs (est-il besoin de préciser "publics" ?), chacun des petis villages accueillait la machine à vapeur noire . Vous vous souvenez de la tête de Jean Gabin dans la "La bête humaine", gueule noire entrant en gare aux commandes de son train ? Le machiniste devait lui ressembler plus ou moins, nous même commencions à changer de couleur.
Une femme enceinte entre .Aussitôt Omar lui laisse sa place avec un grand sourire.Les têtes détounnées ou le nez plongée dans un livre face à ce genre de situation chez nous est très loin. Au diable notre petit confort égoiste.
Au fil du temps , le wagon se noit dans la fumée de cigarettes vendues à l'unité ou de cigares locaux à 1 peso.Les Cohibas, Partagas Roméo y Julieta sont réservés aux aparatchiks du pouvoir, aux touristes venus faire le plein (s'ils savaient qu'ils étaient vendus plus chers qu'en Espagne....) et à l'exportation. Heureusement qu'il n'y a quasiement plus de vitres aux fenètres; même pour une fumeuse comme moi, l'air deviendrait vite irrespirable.
Michel se lève pour aller aux toilettes mais je le vois revenir vite fait. Depuis quand l'hygiène n'était pas passée ?Tant pis, il attendra. Pourtant, nombreux ont ceux qui sont assis à coté de cette "fosse aseptique"réservée aux voyageurs.
Des vendeurs à la sauvette de fruits, légumes ou de croquettes d'igname jouent au chat et à la souris avec les controleurs en passant d'un wagon à un autre par l'extérieur avec une dextérité qui n'a à envier aux équilibristes de cirque.
Occupés par le spectacle permanent, nous n'avions pas pris conscience que nos voisins du banc face à nous avaient "permutés". Une maman avec sa petite fille s'étaient assises et nous regardaient du coin de l'oeil. Que faisions nous dans ce train alors que les touristes, les poches pleines de pesos convertibles pouvaient se déplacer autrement ?
Si nos valises étaient si lourdes au départ d'orly, c'est qu'elles étaient remplies d'objet de première nécessité,de vêtements et de jouets destinés à être distribués sur place, au diable la surcharge !
Pas facile d'approcher un enfant qui n'a rien. J'ai dans mon sac, une petite poupée avec un poney rose. Comment lui donner dans froisser se fierté ? Ce trait de caractère est très cubain, pauvre mais fier de "resistir".
La révolution est la pour les protéger des agréssions de l'oppresseur yanky et el comandante sur le déclin garde toujours un oeil ouvert. De toute façon, si ce n'est pas lui, les CDR (comités de défense de la révotution) lui font des rapports régulièrement et gare au moindre faux pas. C'est le discours officiel et pas le nôtre.
Revenons à la poupée ! Je pose la la question à Omar qui me dit de demander la permission à sa mère pour lui donner. Les mots se bousculent dans ma tête, vais-je avoir le vocabulaire nécessaire pour m'exprimer ? Mais oui, ce qu'après quelques instants de réflexions , je m'empresse de faire. Elle me fait oui d'un signe de la tête. Je sortis ce jouet, acheté une bouchée de pain à Paris dans un bazar mais qui, ici, est inaccessible et le tend à la fillette."Tiens, c'est pour toi, lui dis-je, en lui tendant timidement A ce moment, je ne sais pas laquelle de nous deux était le plus génée .Ne sachant que faire elle regarde sa mère . "Tu peux le prendre "lui dit-elle. A cet instant, gravé dans mon esprits pour toujours, les yeux brillants de la petite s'aggrandissent dans un large sourire, qui, il faut bien le dire , m'arrache le coeur. La notion du tout acquit est resté sur le vieux continent. Elle n'osa pas l'ouvrir pendant le reste de son voyage. Quand elle descendit, elle me fait de grands signes de la main, la poupée blotie contre son petit corps.
Le train repart et poursuit son trajet au rythme d'un viel homme qui scande à chancun de ses passages "Rica tableta de mani".(tablette de cacahouettes concassés enrobée de sucre).
13 Heures : nous arrivons en gare de Bayamo.Le petit déjeuner est bien loin et nos estomacs de bons français commencent à crier famine.Dans cette ville, loin des circuits touristiques, nos pesos convertibles ne servent à rien. Il nous faut faire du change.
Sur une petite place, Omar avise une queue devant une petit établissement qui semble être une banque. La cola fait partie du décors ,"spectacle" de rue continu. A Cuba tout se fait attendre et il faut attendre pour tout et s'attendre à tout.
Omar me dit de passer devant tout le monde; avec mes pesos convertibles, j'ai tous les droits, je suis priortaire. Je refuse. Non, je vais attendre mon tour, je ne suis pas chez moi et ce serait manquer de respects à ces personnes qui sont là depuis je ne sais combien de temps. Mais Omar, encouragés par ceux de la queue, me pousse jusqu'à la porte d'entrée et je finis par céder. C'est un comble, moi qui déteste par dessus tous les resquilleurs. Quelle honte ! Quel pays peut accorder des droits aux étrangers en les refusant à son peuple ? Mais CUBA, bien sur !Je fais ma transaction rapidemenrt et sort rapidement, les yeux rivés au sol.
Omar nous trouve un restaurant qui n'en a que le nom.C 'est plutôt une cantine, les tables sont recouvertes de nappes en plastiques à petits carreaux rouge et blanc, qui collent. Les assiettes et les couverts sont déjà posés. Ici, pas de menu ni de carte pour essayer "les spécailités locales". Le garçon de salle nous apporte d'office le seul plat disponible aujourd'hui,une crafe d'eau, sans un regard pour les touristes que nous sommes. L'indifférence du serveur nous ferait resque croire que nous ne pas les bienvenus ici, il n'y a rien à faire. Nous avalames rapidement ce déjeuner insipide (ne nous demandez pas ce que c'était ...) et partons à la découverte de cette petite ville de l'Oriente . Les souvenirs commencent à s'estomper aujourd'hui. Ce qui était frappant , c'étaient des carioles tirées par des chevaux, seul transport en commun connu ici, caractéristiques de cette ville.
Les rues se ressemblent, les rares magasins vides de toutes marchandises.
Si, c'est là qu'Omar nous fait découvrir le guarapo, qui est le jus de la pression del la canne à sucre. Un petit marchand presse dans son moulin sa canne à sucre, gestes répétitifs , du matin jusqu'au soir, tous les jours de la semaine.
Dans quoi va-t-il nous servir? Queques timbales en plastiques sont alignées sur son étal. Espérons qu'ellels ont été au moins rincées. Il pose devant nos yeux curieux , ce jus de canne, fraichement coupée ( n'oublions pas que c'est la saison de récolte ) et nous tend à chacun un gobelet de couleurs différentes. Après avoir bu une premiere gorgée de cette boison (en non pas de bières, les littéraires reconnaitront le parrallèle), nos doutes sur l'hygiène s'évanouissent, c'est vraiment très bon. Le nectar s'écoulent lentement le long de nos trachées. Petit plaisir de la vie !
Autre flash. Ma chute sur l'avenue principale. Il faut dire, à ma décharge que la dernière rénovation devait dater d'avant la Révolution, et à ma charge, que chaque ville que nous visitons, à Cuba ou ailleur, sa droit une cabriole de ma part. Allez savoir, un petit souvenir fugace de mon passage.Le pied dans une ornière et ce fut la chute, rien de grave. Je me remets vite sur les deux jambes très rapidement comme il est coutume faire dans ces cas la et nous voilà repartis.
Il devait être aux alentours de 15 heures et le café d'après le repas nous manquait.Mais où le trouver? Cultivé à foison sur l'ile mais difficile à trouver pour le consommer. Voyons autour de nous. Près de la gare, un hotel ou un café plutôt luxueux. Vision ou réalité ? Non, il s'agit d'un café pour touristes. Plancher surelevés d'une estrade en bois, petites tables cachées sous des nappes blanches immacculées, service impeccable et sourire du serveur. Nous commandons donc trois cafés, excellents, non coupé par des pois chiches mais payables en convertibles. 1 peso CUC.Quand on sait que le salaire moyen d'un cubain se situe entre 10 et 20 CUC par mois, faites le calcul. A la Isabelica, à Santiago, les cubains (mais pas les touristes) peuvent en boire au moins une vingtaine pour 1 CUC.
L'heure du retour approche, le train est à 17 heures, n'oublions pas que nous avons au moins cinq heures de voyages... La gare bourdonne. Les cubains sont assis avec de gros paquets, attendant stoiquement l'heure approximative de l'entrée en gare de la vieille loco à vapeur. Espérons qu'il va passer. Nul ne le sait.Soudain le train entre en gare avec quelque dizaine de minutes de retard (autant dire qu'il est presqu'en avance) mais il est là, déjà bondé. Le retour promet ! Nous restons debout dans le couloir en espérant que des places se libèrent au prochain arrêt. A la gare suivante, une place se libère et la gente masculine me fait signe de m'assoir. Encore un règle de politesse oubliée chez nous. Le train repart doucement et brinquebalant. Au bout d'une heure, nous voilà tous assis. La nuit tombe et il n'y a pas de lumière. Nous voilà dans le noir absolu. Des bruits indéfinissable résonnent dans l'obscurité. Et toujours les petits vendeurs à la sauvette. Prendre le train en marche n'est pas difficile vue la vitesse à laquelle il se traine.
Soudain le train s'arrête au milieu de nulle part. Que se passe-t-il ? Cela arrive souvent ? Omar nous previent que cela peut durer longtemps. Il est dejà arrivé que les passagers passent la nuit à attendre. Nous croisons les doigts pour que ce ne soit le cas.
A notre gauches, nous entendons des grognements : un cochon est ligoté et couché entre les sièges, direction Santiago lui aussi. Soudain le train repart.
A suivre.....
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