Rencontre

Brigit Bontour : le goût de la littérature

Brigit Bontour aime la littérature. C'est tout naturellement qu'elle a rejoint la collection Le goût de..., au Mercure de France, qui réunit en de charmantes anthologies, la fine fleur des textes reliés à un thème ou un autre. Brigit a choisi de "goûter" la littérature qui concerne les animaux, puis celle qui évoque les amours à Paris. Rencontre avec une auteure, aussi érudite que gourmande des mots. 

Portrait de Brigit Bontour. Mercure de France.

Portrait de Brigit Bontour. Mercure de France.

Réunir une sélection de textes littéraires autour d’un même thème dans un livre ? La maison d’édition Mercure de France lance ce passionnant challenge à quelques érudits. Ainsi est née la collection d’anthologie « Le goût de ... ». Avec elle, partez à la découverte des lieux, des arts et des thématiques qui inspirent les écrivains depuis des siècles : l’Inde, la photographie, Dieu, les musées, le Japon… Au fil des pages, ces anthologies explorent les nombreux regards transmis à la plume et alimentent une réflexion autour de l’objet. Par dessus tout, « Le goût de... » livre le plaisir gourmand de la découverte et de la redécouverte !
Parmi ces auteurs : Brigit Bontour. Chroniqueuse pour le site Salon-littéraire.com, Brigit Bontour est également jurée de plusieurs grands prix littéraires, tels que le Grand Prix des lectrices de ELLE 2021 et le Prix du Savoir et de la Recherche et Le Prix Rive Gauche à Paris. En 2020, elle signe deux anthologies dans cette collection : la première sur la thématique des animaux dans la littérature. De nos fidèles compagnons à notre dîner, en passant par nos adversaires sauvages, les animaux ont su se faire une place dans nos livres aussi bien que dans nos existences. De luttes en cohabitation, ils se font l’allié des héros, leur proie, et bien souvent leur miroir. Le deuxième est consacré aux amours à Paris. De romans en poèmes, de nouvelles en témoignages, les auteurs ont de longue date élu Paris au rang de capitale des amours. Amours souvent tragiques, heureux parfois, mais toujours sublimes. Rencontre avec une auteure passionnée, cultivée, qui sait transmettre le goût de la littérature.

- Viabooks : Pour votre premier livre de la collection « Le goût de... » pourquoi avez-vous choisi le thème des animaux ?

-Brigit Bontour : Je suis moi-même très sensible à la cause animale ! J’ai grandi parmi les chiens et les chats, mes premiers souvenirs de lecture y sont liés justement : l’histoire du vilain petit canard, du Petit chaperon rouge… Quand on m’a proposé de participer à la collection, j’ai d’abord fait appel à ces souvenirs.

En fait, je me suis aperçue de l’importance animale dans le développement des sociétés humaines. Les premiers loups apprivoisés qui ont donné les chiens, les chevaux pour les déplacements et les charges, le bétail pour se nourrir, etc. Les animaux sont réellement la clé de voûte des civilisations. Bien entendu ils peuplent la littérature, et ce depuis le début. Tenez, dans l’Odyssée d’Homère datant du VIIIe siècle avant J-C, le chien Argos est le premier à reconnaître le héros Ulysse à son retour dans son royaume.

- Comment avez-vous sélectionné vos auteurs au milieu de cette abondance littéraire ?

-B.B. : Je n’ai gardé qu’une trentaine de textes, évidemment ça a été difficile de choisir, difficile et passionnant ! C’est là tout l’intérêt de la collection je pense. La sélection de textes est forcément subjective, personnelle. Le goût des animaux écrit par moi n’est évidemment pas le même que Le goût des animaux écrit par d’autres, d’une autre culture, d’un autre âge ou d’une autre sensibilité. J’ai relu beaucoup de livres, et j’ai du faire un tri. J’ai choisi de répartir les textes en trois parties. La première s’oriente sur l’animal au plus près de l’homme, à son service. Évidemment, on a les textes d’Aristote, le Roman de Renard qui rapproche animaux et humains. Deuxièmement : la défense de l’animal, le lien affectif. Hemingway était fasciné par la thématique de l’art, de la mort, de la virilité et grand ami de plusieurs toreros. Il venait chaque année en Espagne pour assister à la saison tauromachique. J’ai pris ces écrits pour dénoncer la violence de la corrida que lui, adorait. J’ai choisi aussi les textes d’Elizabeth de Fontenay, il y a une vraie force dans ce qu’elle écrit sur la condition animale ! Et troisièmement, le lien entre l’animal et l’enfant. En me replongeant dans les écrits de Joseph Kessel, j’ai été frappée par la manière dont ce résistant, cet aventurier, décrit avec simplicité les animaux africains. Réaliser cette anthologie m’a permis de concilier mes trois passions : l’écriture, la lecture et les animaux !

- Quant à votre deuxième livre de la collection, pourquoi ce thème « Les amours à Paris » ?

-B.B. : C’est moi qui l’ai proposé. Il me semblait que la ville de Paris concentrait beaucoup de très belles ou de tragiques histoires d’amour. Prenez La reine Margot d’Alexandre Dumas, Cyrano de Bergerac, ça se passe à Paris, une partie des Liaisons dangereuses aussi. Un de mes écrivains préférés, à savoir Scott Fitzgerald, a énormément écrit à Paris.

- Comment avez-vous procédé pour votre choix ?

-B.B. : Encore une fois, la sélection s’est faite sur les livres dont je me souvenais, qui m’avaient marquée. J’ai commencé l’anthologie dans la veine des amours de légende, avec Abélard et Héloïse. Leur histoire est l’une des plus anciennes dont le manuscrit a été retrouvé. Il y a aussi les poèmes de François Villon, Victor Hugo avec Notre Dame de Paris. Maurice Druon aussi, avec les amours tragiques de sa fresque Les Rois maudits.
Ensuite, il y a les amours tarifées. Cela m’a permis de relire des textes que j’avais oubliés, comme Nana de Zola. C’est très violent la manière dont il décrit cette prostituée et son destin. Je me suis aussi donc replongée dans la vie des demi-mondaines avec Balzac dans Splendeurs et misères des courtisanes. Et bien sûr, les amours d’artistes tiennent une grande place dans les romances parisiennes : Jean Genêt, ou encore la liaison de Simone de Beauvoir avec Nelson Algren. Dans leur correspondance, elle se révèle émouvante et romantique, loin de l’image austère et froide que l’on a parfois. Pour Scott Fitzgerald, J’ai opté pour la nouvelle Retour à Babylone, où il décrit un Américain qui revient à Paris après la crise. Il décrit les lumières qui sont toutes éteintes. L’homme a alors tout perdu et essaie de récupérer la garde de sa fille. C’est vraiment poignant, quand vous connaissez la vie de Fitzgerald : comment il a été adulé puis a tout perdu en si peu de temps. Il est mort à quarante-quatre ans, alcoolique. Pour moi, cette nouvelle est un condensé de sa vie.

-La poésie est à l'honneur également...

-B.B. : Dans le registre poétique, j’ai choisi la fantaisie de Jacques Prévert, de Boris Vian, la beauté des poèmes d’Apollinaire, qui est tout de même indissociable de Paris !

-Et bien sûr, vous consacrez une place de choix à Marcel Proust !

-B.B.: Pour traiter Proust, un de mes grands favoris, j’ai intitulé mon chapitre « Trop de duchesses et de princesses ». Il s’agit de la raison invoquée par André Gide pour refuser d’éditer les écrits de Proust. C’est merveilleux, ce genre d’histoires, quand on aime faire de la recherche !

-Vous avez aussi choisi des textes contemporains...

-B.B.:Dans les textes plus récents, j’ai beaucoup aimé celui de Antoine Leiris Vous n’aurez pas ma haine. La femme de l’auteur est morte au Bataclan, il avait écrit un long post sur Facebook et il a abordé ce thème dans un livre : c’est d’un humanisme absolument magnifique. L’amour à Paris, c’est cela aussi.

>Brigit Bontour, Le goût des animaux, Mercure de France, 132 pages, 8,20 euros
>Brigit Bontour,
Le goût des amours à Paris, Mercure de France, 132 pages, 8,20 euros

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