Arnaud Sagnard s'est plongé dans le mythe du célèbre acteur dans Bronson (Stock). Derrière l'image d'un héros de cinéma, il a traqué les failles et a trouvé une résonance avec ses propres abîmes. Nous avons rencontré l'auteur de cette exofiction haletante et émouvante. Conversation sur le fil du rasoir, devant un stand de dédicace. Cela aurait pu être Charles Bronson. C'était Arnaud Sagnard.
Arnaud Sagnard: Un soir, j'ai regardé un vieux film en l'occurrence, un vieux film avec Charles Bronson qui s'appelait « Le flingueur ». Le titre ne faisait pas très envie, mais j'étais subjugué par le début, car pendant environ un quart d'heure, on voit Charles Bronson préparer un assassinat. Il n'y aucune parole, même pas un fond de musique...rien ! Juste une présence extrêmement forte. J'ai eu l'impression au moment de voir ce film, non pas de voir un acteur, mais carrément la mort au travail. Du coup, ça a commencé à m’obséder.Je me suis mis à enquêter sur lui, à aller aux États-Unis, à trouver l'endroit où il est né. Saviez-vous qu'il est né dans un endroit avec beaucoup de mines à charbon? Adolescent, il était un mineur. Puis il a fini sa vie à Los Angeles dans un palais magnifique avec neuf salles de bains ! Même un de ses fils est mort d'une overdose dans une des salles de bains, alors que lui passait son temps dans des films à tuer des dealers et à faire le justicier. Etrange destin. Alors je me suis dit : « là, il y a quelque chose à creuser... ». J'ai donc commencé un travail d'enquête sur sa vie personnelle. Je raconte aussi sa filmographie, sa vie à travers l'enquête d'un narrateur sur cet homme mutique qui est devenu une grande star de cinéma alors qu'il ne parlait pas, qui était plus une présence physique, qu'une personne occupant le devant de la scène en déclamant des textes. C'est cette matière littéraire qui m'a intéressé, le fait de retranscrire la fascination qu'il a exercé sur moi et sur toute une génération. Notamment, en France, il y a 9 de ses films projetés à l'antenne dont : « Il était une fois dans l'Ouest », « Les sept mercenaires » et autres.
A.S: Je pense qu'à notre époque, nous sommes entourés d'images un peu insignifiantes, car on passe notre temps sur nos smartphones avec les réseaux sociaux dont Instagram, Twitter, Facebook etc. Trop d'images mais qui, finalement ne nous touchent pas. En revanche, dans le courant de notre vie d'enfance, il y a des images qui restent imprimées en nous. Plus on vieillit, plus on retient ces images, un peu factices. Personnellement, c'est ce qui m'est arrivé, ce n'est pas un hasard si j'ai commencé un livre d'enquête, un roman sur cet acteur... Je pense qu'au moment de mon adolescence, les films du dimanche soir à la télévision au cours des années 80, c'était plus des films avec Charles Bronson. Du coup, j'ai vécu avec lui, d'une certaine manière, une manière plus enfouie. Le fait de me remettre à travailler dessus m'a permis d'éclairer certaines zones d'ombre de sa vie, mais aussi de faire remonter certaines de mes propres zones d'ombre
A.S: Il faut lire le livre, c'est le rapport à la mort, la mort de proches et surtout le travail de questionnement qu'on peut se faire par rapport aux images. Essayer de déterminer, pourquoi certaines images reviennent en nous ? Comment elles pénètrent en nous ? Et ce que l'on en fait ? On peut passer son temps à écrire, à regarder des vieux films au cinéma , c'est ce que je fais régulièrement. Il existe des images beaucoup plus sombres en soi, comme des images « fantômes ». Dans ce travail, j'essaie justement de faire ressortir cela.
A.S : Il a eu plusieurs périodes, notamment à la fin de sa carrière où il ne jouait que dans des mauvais films, des rôles de « justicier ». Alors que toute la partie de son début de carrière est beaucoup plus intéressante, avec de bons réalisateurs. Même s'il y a cette image de justicier qui lui colle à la peau. D'ailleurs c'est le seul acteur qui est devenu lui-même un genre cinématographique. On dit : « Les films à la Charles Bronson». Dès qu'un homme blanc prend un flingue pour se venger et tuer des délinquants ou autres, ce sont des films « à la Charles Bronson ». Il y a cette image-là qui s'est imprimée dans la société. Alors qu'il était une personne qui avait peur d'énormément de choses, il n'était pas violent, il avait peur des femmes, des maladies. Il était même un peu paranoïaque à la fin de sa vie. Il était très riche, mais très craintif du monde extérieur. Sous ses airs de star, c'était en vérité un homme blessé, une personne au bord de l’effondrement.
A.S: Complètement. Comme quand on commence à creuser une montagne. Effectivement, au début c'est très dur, on frappe à coup de piolet et au fur-et-à-mesure on aperçoit des entailles de plus en plus profondes. Et le plus intéressant, en trouvant ces entailles enfouies au plus profond, cela résonne avec nos propres entailles. je n'avais pas imagiber cette corrélation en commençant à travailler sur lui.
A.S: On peut parler de roman d'enquête ou bien d'exofiction. Il existe effectivement des éléments de « réel », des éléments d'enquêtes et des éléments de fiction pure. C'est-à-dire que pour se raconter soi-même, on ne fait plus d'autofiction, mais on passe par un personnage que les gens connaissent. J'ai écrit un roman à la fois sur Charles Bronson et sur la personne qui écrit sur lui, donc en l'occurrence, moi.
A.S : Oui, je pense que le roman d'enquête est un genre littéraire qui gagne de plus en plus en notoriété, car nous vivons dans une époque où le virtuel a pris le dessus.
A.S: Pour ce roman, il y a cinq années de travail, dont deux années d'enquêtes, deux années d'écriture et une année de coupée du monde : ce sont des processus très longs ! Pour le prochain, ce sera quelque chose de radicalement différent. Mais il est trop tôt pour en parler. Bronson occupe encore toute la place!
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