Nouvelle collection

«Les Invraisemblables» de Sibylle Grimbert et Florent Georgesco

Co-fondateurs  des éditions Plein Jour, Sibylle Grimbert et Florent Georgesco lancent une nouvelle collection consacrée à des personnages réels dont la vie est extraordinaire : Les invraisemblables. Premiers opus de cette collection pleine d'esprit :  Comment construire une cathédrale de Mark Greene (déjà retenu sur la liste du prix Wepler-La Poste) et Dissimulons! de Noël Herpe, sélectionné par le jury du prix Décembre. Sibylle Grimbert et Florent Georgesco répondent à nos questions, forcément invraisemnblables.

Légende photo : Sibylle Grimbert et Florent Georgesco . Capture d'écran vidéo Fondation Decitre.

1/ Pouvez-vous nous présenter votre nouvelle collection "Les Invraisemblables"? 

-Sibylle Grimbert et Florent Georgesco : Il s’agit d’une collection de courts textes, à un prix très abordable, qui proposent de découvrir dans la réalité des personnages, des lieux, des histoires invraisemblables – c’est-à-dire, selon les cas, grandioses, burlesques, poétiques, magiques, extravagants, mystérieux, effrayants… et qui, toujours, étonnent et incitent à être curieux, à regarder autrement ce qui est autour de nous. C’est une forme de littérature dans laquelle ce n’est pas l’écrivain qui invente, mais le réel, comme de petits romans vrais, ou des reportages consacrés aux romans sur pattes qui vivent parmi nous. L’idée nous est venue le jour où nous avons découvert – à la télévision, tout bêtement – celui qui deviendra le héros de Comment construire une cathédrale : Justo Gallego, qui construit seul une cathédrale depuis soixante ans, près de Madrid. Nous avons tout de suite pensé à Mark Greene, dont nous aimons et admirons le travail : il nous semblait que ce vieil homme aurait pu être le personnage d’un de ses romans. Il fallait qu’ils se rencontrent ! Et l’idée de recommencer l’opération, de multiplier ces rendez-vous bizarres, donnés à des auteurs que nous aimons, s’est imposée comme une évidence.

2/ Cette collection commence avec deux livres très différents, celui de Mark Greene, "Comment construire une cathédrale" et celui de Noël Herpe" Dissimulons !". De quels invraisemblables ces livres sont-ils "le nom"?

F.G et S.G. : C’est justement parce qu’ils sont très différents que nous avons décidé de les publier en même temps pour lancer la collection : ces différences valent tous les manifestes, toutes les notes d’intention, nous n’avions plus à nous fatiguer. D’un côté, avec Mark Greene, la rencontre d’un imaginaire de romancier et d’un homme qui paraît en être sorti – quel écrivain n’a pas rêvé d’avoir une conversation approfondie avec un de ses personnages ? Mark rêve Justo, il le recrée et le mêle à sa vie, à ses souvenirs. C’est tout un jeu d’invention et de réinvention mutuelle entre eux, une sorte d’effervescence romanesque dans la banlieue de Madrid. Noël Herpe inscrit, lui, son texte sur quelques figures de marginaux – un universitaire en rupture de ban, rejeté par sa hiérarchie et ses collègues, et qui se lance dans une guerre dérisoire ; un entraîneur sportif qui, le soir, passe des vêtements féminins, se métamorphose en ce qu’il aurait voulu être – dans la lignée de ses grands récits autobiographiques, comme Journal en ruines ou Objet rejeté par la mer (tous parus chez Gallimard, à « L’Arbalète ») : à travers ces figures, c’est lui-même qui apparaît, dans un jeu d’attirance et de répulsion pour les formes de désastre qu’elles incarnent, ou, comme il le dit magnifiquement, pour ces « traces d’enfance abîmée ».

3/ Cette observation du réel s'accompagne d'un glissement vers un regard forcément subjectif, projectif de l'auteur. Est-ce que finalement, on pourrait dire que cette collection est la démonstration que tout écrivain s'approprie toujours plus ou moins son sujet, qu'il en fait un "objet"..?

F.G et S.G. : Exactement. Nous avons entraîné ces deux écrivains sur des chemins de traverse, mais un bon écrivain est quelqu’un de têtu. Noël Herpe et Mark Greene ont eu le talent de rejoindre leurs territoires respectifs, de s’approprier celui que nous leur proposions et de ne rien lâcher sur leurs obsessions. Non seulement ils ont fait de leurs sujets des objets – de rêverie, de méditation, de jeu aussi – mais ils se les sont assimilés, ils les ont transformés en eux-mêmes. D’où, pour revenir à votre question précédente, toutes les différences entre eux : leur invraisemblable à chacun, c’est leur singularité même. « Invraisemblable » est le nom de chacun de nous, de ceux d’entre nous, en tout cas, qui savent l’exprimer, lui donner une forme – ou qui ont la chance de rencontrer des Noël Herpe, des Mark Greene.

4/ Ces deux textes très différents sont construits à partir de personnages ou événements réels. Pourtant il ne s'agit ni de documentaires, ni de journalisme. Peut-on parler d'exo-fiction? De docu-fiction ? Comme le dit l'adage : "Le réel dépasse-t-il toujours la fiction" ?

F.G et S.G. : Nous n’avons rien contre la fiction. Nous y sommes plongés jusqu’au cou, l’une avec ses romans, l’autre comme critique littéraire, et nous en sommes ravis. Mais nous avons senti, quand nous avons créé Plein Jour, qu’il y avait, en France, une sorte d’automatisme de la fiction, d’enfermement dans l’idée que littérature égale fiction. Alors que la littérature est bien plus vaste que cela, elle peut se retrouver partout, se mêler de tout, ce qui, historiquement, a toujours été le cas (il faut quand même rappeler qu’avant le dix-neuvième siècle, les plus grands écrivains ne sont pas des romanciers). Donc, vive le roman ! Et vive la littérature, qui n’est pas que le roman ! Créer cette collection est pour nous, aussi, une manière de réaffirmer cette idée, qui est à l’origine même de notre ligne éditoriale. Nous n’utiliserions donc pas des expressions comme « exo-fiction » ou « docu-fiction » : il n’y a pas de fiction du tout dans ces livres. La seule expression qui définisse assez précisément ce que l’on fait, dans cette collection comme ailleurs, est anglo-saxonne : narrative nonfiction, c’est-à-dire des histoires où tout est vrai, mais racontées comme des romans. Le réel ne dépasse pas toujours la fiction, mais il peut être un défi pour les écrivains, un appel à se dépasser eux-mêmes, en tout cas. Peu importe au fond qu’il y ait une étiquette pour désigner ce processus : le mot « littérature » suffit à dire tout cela d’un coup.

5/ Quels seront les prochains titres de la collection?

F.G et S.G. : Nous publierons deux nouveaux titres en janvier et février 2017. Il y aura le premier livre de Gaspard Delanoë, ancien candidat, notamment, à la mairie de Paris (vous vous souvenez peut-être du slogan « Un autre Delanoë est possible »), président du mouvement politique PFT (« Parti faire un tour »), par ailleurs artiste, et l’un des militants les plus en vue du mouvement des squats d’artistes. Cela s’appellera Autoportrait (remake) – un invraisemblable par lui-même, en quelque sorte. Puis, un très beau texte de Sylvain Pattieu (l’un des auteurs phares de Plein Jour), Nous avons arpenté un chemin caillouteux, sur deux pirates de l’air qui coulent une paisible retraite en Normandie.

>Mark Greene, Comment construire une cathédrale, Plein Jour
>Noël Herpe, Dissimulons!,  Plein Jour

En savoir plus

>Lire l'interview de Mark Greene auteur de Comment construire une cathédrale, premier livre de la collection Les invraisemblables

>Visionner une interview de Florent Georgesco à propos de la nouvelle collection "Les Invraisembables"

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