"On peut dire n'importe quoi ici. Lavements, orgies, animaux, confessez jusqu'à la dernière obscénité, et personne n'est jamais surpris." Ainsi parle Victor Mancini, le héros de Choke, le nouveau roman de Chuck Palahniuk, auteur culte de Fight Club. Son héros est un sexoolique, un dépendant absolu, "un camé du sexe". Afin de payer l'hospitalisation et les soins d'une mère folle qui ne le reconnaît plus, il s'étouffe régulièrement en public jusqu'à ce qu'une bonne âme pratique sur lui une trachéotomie. Lui expurge, vomit tout et permet aux gens qui l'ont sauvé de se croire l'espace d'un instant des héros. Le lectorat trop délicat, fragile de l'estomac, sera dispensé de lecture. Ceux qui ont les viscères bien attachés seront peut-être ravis. Au contact de cette littérature américaine postmoderne, on vit une explosion créatrice qui jouit dans la surenchère du nihilisme et de la provocation. Immorale à souhait et parfaitement désespérée. À ce jeu-là, Choke remporte la palme. Punk radicalisé avec un soupçon de doute existentiel (merci Kierkegaard), Chuck Palahniuk, nouveau fer de lance du roman US avec Bret Easton Ellis et le regretté John Kennedy Toole, fait passer Henry Miller pour un boy-scout puritain. "Ce que nous vivons maintenant, c'est la Dés-Illumination", professe l'un des personnages. Brrrr, ça fait froid dans le dos. --Denis Gombert