Le designer italien Ettore Sottsass a vécu mille vies. Le jour, la nuit. Le travail, les amis, les amours. Puis il a écrit un récit de souvenirs. Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, il ne s'est pas attaché à y évoquer ses gloires et réussites, mais plutôt à confier la trame de son "intime". Ecrit la nuit (Editions Hérodios) est un récit court qui couvre avec fulgurance cinquante ans d'une vie de création et de passion. Un texte sensuel, visionnaire, tendre et mélancolique comme l'était Ettore Sottsass. A lire pour pénétrer sans effraction dans le cerveau d'un des plus géniaux inventeurs de l'esthétique moderne, amoureux du beau et des femmes.
Ettore Sottsass avait l'oeil rieur et le regard mélancolique. Une drôle de combinaison qui intriguait et charmait en même temps. L'immense designer italien savait enchanter la vie des autres avec des objets et des meubles souvent colorés, un peu totémiques. Le chef de file du mouvement Memphis, créateur de la première machine à écrire esthétique et conviviale (la Valentine chez Olivetti), savait aussi bien faire chanter ses nuits que ses jours. Ettore Sottsass était élégant et ironique. Conscient que les moments bénis de la vie seraient aussi les plus fugaces. Toujours habité par la curiosité des formes et l'esthétiques des choses. Un guépard de l'époque la plus glorieuse du design italien, que j'ai eu la chance de rencontrer à de nombreuses reprises grâce au regretté galeriste Yves Gastou qui l'avait choisi pour réaliser la façace en terrazzo noir et blanc de sa galerie de la rue des Beaux Arts. Le seul morceau d'architecture d'Ettore Sottass à Paris. Une magnifique rencontre avec un être qui flottait au-dessus des autres (il était très grand de taille) et qui savait trouver immédiatement la formule juste.
C'est donc avec bonheur que j'ai découvert ce carnet édité de manière posthume. Ettore Sottsass goûtait aussi les mots. Comme l'on goûte un bon vin. Avec parcimonie et choix. Ecrit la nuit est un texte qui ressemble à un carnet dérobé à l'intimité de son auteur. Il y livre ses élans d'amour, ses sentiments enfouis. C'est un peu sa Carte du Tendre au travers de laquelle on découvre aussi son regard sur la vie, les objets, l'architecture. Et quel regard ! Ce récit édité par la nouvelle et exellente maison d'édition Herodios est un petit bijou qui fleure bon la brise transalpine, les senteurs des citronniers et le pain à l'huile d'olive.
Ettore Sottsass était un amoureux du beau. Et un amateur des femmes. Né en 1917 il appartient à une génération qui a découvert les joies de la dolce vita après des années de rigueur et de guerre. Fin d'un monde, avènement d'un nouveau, celui qui était surnommé le pape du "cool design" a aussi cherché dans sa vie les secrets d'un bonheur "cool", où la sensualité des regards se mêle à celle des saveurs et des paysages. Alors, Ettore se souvient. De celles qu'il a aimées. De ses voyages qui lui ont ouvert le monde. De ses gourmandises qui ont laissé des empreintes impérissables. Avec une ironie bien personnelle, marque de sa signature et de son élégance.
Ettore Sotssass fait revivre les rencontres qui ont compté pour lui. Ces moments qui dessinent un destin en quelques secondes. Ces morceaux de vie qui composent un ensemble, comme on le dirait d'une collection de meubles. De la même manière qu'Ettore Sotssass savait retenir les lignes essentielles d'un objet, il trace le point saillant d'une personne. En quelques mots, le décor. En quelques phrases, une alchimie. En quelques lignes, une histoire. On est transporté par ces chapitres débarrassés de tout superflu, qui pourtant laissent une trace forte dans notre souvenir.
«Un jour, dans la porte de mon atelier, une fille est apparue. Pas trop belle, toute petite, l'ossature délicate, le visage sec, préhistorique, la chevelure noire et dure. Elle souriait. Elle est venue s'asseoir devant moi, et elle souriait toujours, sans rien dire. J'étais embarrassé, je lui ai parlé, et elle m'a dit quelques mots, mais elle ne connaissait pas l'italien, elle était espagnole, et, plus précisément, catalane. Elle souriait, ses lèvres humides s'entrouvraient sur des dents très blanches et ses yeux étaient simples et sombres mais c'étaient des yeux de femme -ses yeux aussi étaient antiques. En un éclair, en un instant très bref, je suis tombé amoureux.»
>Ettore Sottsass, Ecrit la nuit. Journal interdit, Traduction Béatrice Dunner, Editions Hérodios,
102 p.
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