Dans son livre Les papillons de Nabokov, le boomerang de Gracq (Arléa), Thierry Le Rolland révèle que les écrivains sont souvent d'ardents collectionneurs. Si certaines de ces passions sont bien connues du public (celle des papillons chez Nabokov, par exemple), d'autres sont de véritables révélations : comme les collections de cartes postales chez Paul Eluard ou de sulfures chez Colette. Thierry Le Rolland nous montre les liens entre ces singularités et l'univers de l'écriture. On se régale.
Les écrivains sont souvent de drôles de créatures. A côté de leur travail d'écriture, ils partagent souvent le goût de la collection. Un travers intime et commun à nombre d'entre eux qu'étudie Thierry Le Rolland dans son livre Les papillons de Nabokov, le boomerang de Gracq (Arléa). Si certaines manies sont bien connues du public (la passion des papillons chez Nabokov par exemple), d'autres sont de véritables révélations : comme les collections de cartes postales chez Paul Eluard ou de sulfures chez Colette. Le regard porté sur l'univers intime des écrivains par Thierry Le Rolland n'est pas qu'anecdotique. Il nous montre les liens entre ces singularités et l'univers de l'écriture. Comme si collectionner servait de dérivatif, de nouvel objet de "désir" aux auteurs.
L'écrivain et le collectionneur possèdent en commun un sens aigu de l'observation. Tous les collectionneurs ne sont pas écrivains et inversement. Mais il semblerait que de nombreux écrivains vouent une passion aux "choses". Objets inanimés avez-vous une âme ? Les écrivains savent mieux que quiconque trouver une vie derrière les choses de la vie. Peut-être aussi que la collection leur permet de remplacer une obsession par une autre? Ainsi, lorsque Vladimir Nabokov court après ses papillons et regarde sa collection prendre forme, il ne pense plus à rien d'autre. Soixante-dix ans d'une quête de spécialiste dont la matérialité est inversement proportionnelle à l'immatérialité des fictions qu'il écrit.
«Comment alors qualifier ce jeu passionnel, déployé avec ferveur et obstination par des auteurs, contemporains ou non, qui ont laissé une œuvre imposante ? Fallait-il parler de violon d'Ingres ? Si elle collait parfaitement à la réalité décrite, l'expression me paraissait bien sage. Je lui préfère l'idée de marotte, son aura de cocasserie que l'étymologie lui confère : "un sceptre surmonté d'une tête coiffée, d'un capuchon garni de grelots". De la marotte, on glisse insensiblement à la manie. » constate Thierry Le Rolland.
L'étude de ces manies révèle la face intime des écrivains. Le choix de leur objet de prédilection raconte toujours en soi une histoire. Liée à l'enfance parfois, comme les soldats de plomb chez Valéry Larbaud. Ou à la quête magique comme chez Julien Gracq avec ses boomerangs.
«Entre l'écrivain et son jouet magnifique se tisse aussi un jeu de correspondances. Comme Gracq, le boomerang apparaît inactuel (antimoderne!), jamais sous les feux de la mode, discret au point que ses adeptes passent inaperçus (...) », explique Thierry Le Rolland.
Lorsqu'Ernest Hemingway collectionne les cannes à pêches que cherche-t-il? La mémoire de ses exploits? Figer le temps, poursuivre une inspiration en regardant ce qui le relie au souvenir d'un moment heureux? Thierry Le Rolland évoque aussi l'étonnant attachement de Colette pour les sulfures, celle pour les appareils photo d'Emile Zola ou encore la collection de cartes postales de Paul Éluard et la passion pour le vélo d'Alfred Jarry...
Que penser de la collection d'autographes et manuscrits des plus grands écrivains, poètes et musiciens de Stefan Zweig ? Cette collection avait été héritée de son grand-père. Puis l'écrivain l'avait poursuivie comme s'il se plaisait à «sentir l'ombre et la trace des génies», selon la formule de Thierry Le Rolland. Voire à retenir un peu de leur âme. Cette célèbre collection aura une triste fin, puisque Zweig, acculé par ses difficultés financières dues à la confiscation de ses droits d'auteur par les nazis, dut se résoudre à la vendre. Un catalogue intitulé sobrement «Célèbre collection d'autographes» a été publié. Comme un testament.
Le plus bel exemple décrit par Thierry Le Rolland est peut-être celui qui concerne August Strinberg. À la fin de sa vie, le célèbre dramaturge passait l’essentiel de son temps à photographier le ciel de Stockholm. Il réalisa ainsi des milliers de clichés qu’il nommait «ses célestographies». Une manière de saisir la lumière qui s'enfuit, d'écrire par dessus le monde, sans les mots, juste par le regard. Et de nous entraîner dans cette danse du ciel, par dessus le "moi" de l'écrivain.
>Thierry Le Rolland, Les Papillons de Nabokov, le boomerang de Gracq, Editions Arléa, 136 pages, 17 euros
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