Dans V ou la mélancolie (Arléa), Fabienne Verstraeten construit un récit à partir de l'observation d'une photo de famille. Il s'agit d'un cortège funéraire. Celui du grand-père, où apparaît le père de l'autrice. A partir de ce cliché, elle tire les fils d'une histoire qui porte la mélancolie en héritage. Un texte concentré, qui se lit, autant qu'il se ressent.
Il s'agit d'une photographie. En noir et blanc. Une photo d'obsèques. Un cortège funéraire. Celui du grand-père de Fabienne Verstraeten, Aloïs, héros de la Résistance à Bruxelles. Fusillé par les Allemands à Breendonk. La cérémonie est à la fois officielle et formelle, comme il sied à la circonstance, ainsi qu'à l'histoire - et l'Histoire.
Fabienne Verstraeten y distingue aussi la silhouette de son père, André, celui qui vient de perdre le sien, en pardessus noir, tenant un chapeau. Il flotte, un peu perdu au milieu des autres membres du cortège. Il a vingt ans et ne sait pas encore que ce père qu'il enterre, deviendra encore plus encombrant mort que vivant. Il avance sous le soleil noir d'une mélancolie naissante. L'écrivaine scrute le sous-texte qui se cache derrière l'image.
V ou la mélancolie est le récit d'une quête. V, l'initiale du nom de famille, la marque de fabrique. Mais le V pourrait être aussi celui de la victoire. Pour comprendre son histoire familiale, les rôles de chacun dans la transmission, la place de la guerre, les destins enchevêtrés, l'autrice cherche et construit des hypothèses. Elle met à jour le sceau de la violence. Elle pressent combien il a été difficile pour son père d'être le fils d'un héros. Dans les années 60-70, il n'y avait plus de guerre en Europe. La période qui, pour certains n'aura de glorieuse que le nom, porte encore en elle les fantômes du passé.Ce père vivra une vie entre deux mondes, sous l'égide d'une figure tutélaire, enkysté dans les ombres de la Seconde Guerre mondiale. Elle constate qu'il a été touché au cœur ( au sens propre comme au figuré ), par de nombreuses pathologies.
« Et je fais aujourd'hui l'hypothèse que celui qui est devenu mon père, s'était alors abîmé dans une sorte de profonde mélancolie qui jamais n'avait été nommée et qui s'était manifestée dans d'innombrables affections cardiaques.»
Alors Fabienne Verstraeten tourne autour de ce cliché et de ses souvenirs. Tel un derviche en transe, elle inspecte les détails qui auraient pu lui échapper. L'écrivaine, qui est devenue psychanalyste et vit aujourd'hui à Marseille loin des brumes belges, s'interroge sur cette lente décomposition intérieure qui habitera son père. Ce père qui s'est donné la mort, brutalement, soixante-dix ans après l'exécution du sien. A près de 90 ans, la lassitude de vivre lui a donné la force d'un geste spectaculaire, le seul peut-être de toute sa vie. Sa fille, l'autrice, interroge ce dernier acte. Choisir d'exister par la mort? Une forme d'héroïsme à l'envers.
Par traits esquissés, Fabienne Verstraeten, dont il s'agit du premier roman, tente de « mettre à jour » et de «tirer au clair » ce qui se cache dans « la chambre noire » de ses souvenirs. Ses mots sont choisis, le rythme court, comme un souffle en urgence. Ce texte qui appartient à la très jolie collection La rencontre de chez Arléa, rassemble en 130 pages un concentré d'émotions et d'images, qui défilent dans une lanterne magique. C'est un livre écrit qui regarde et dans lequel nous aussi, regardons notre propre reflet. Toutes les familles sont porteuses de sourdes histoires. Décrypter leurs silences permet de redonner du sens pour poursuivre son existence. A Marseille ou ailleurs, là où, libérés du poids des autres, il est possible de choisir, enfin, sa propre vie.
>Fabienne Verstraeten, V ou la mélancolie, Arléa, collection La rencontre, 136 pages, 18 euros >>Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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