Il y a des artistes qui travaillent dans le calme de leur atelier, qui ne sortent de leur tour d'ivoire que pour une exposition qui leur est consacrée. Et puis il y en a d'autres, dont l'oeuvre concerne un public aussi vaste que possible. Pour le joindre, ce public, aussi varié qu'il soit d'âge et de culture, ils n'hésitent pas à aller vers lui, à parler sa langue, à le frapper dans ce qu'il a de plus vif, de plus spécifique. Ernest Pignon-Ernest est de ceux-là. Il en est même l'archétype, car il pousse la démarche à son point extrême. Il va chez l'homme à qui il a décidé de parler. Il va chez lui. Dans sa rue. Et le dessin qu'il a préparé dans son atelier et qui porte son message, il le colle lui-même sur le mur de la maison qu'il a choisie. Le message est ainsi exposé. A tous les vents, à tous les passants. Il est concentré en un lieu qui se multiplie dans la ville. C'est ce qu'un homme, Ernest Pignon-Ernest, dit aux autres hommes. Et qu'il s'agisse d'une rue où jouent les enfants, à Naples ou à Ramallah, d'un marché aux légumesou d'un escalier qui mène à un monument, il est vu, accepté, compris. Ernest Pignon-Ernest sait ce qu'il veut dire. Et il le dit avec une force qui n'a pas d'équivalent dans la peinture contemporaine. Avec une concision et une qualité de trait digne de la haute époque.