Le plagiat : un art à la mode ?

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par Olivia Phélip

A l’ère de l’Homo communicatus, nous sommes abreuvés jusqu'à plus soif de multiples références, renvoyant à d’innombrables jeux de reconnaissance : démêler le vrai du faux, le singulier de l’ordinaire, l’original du plagiat devient mission presque impossible parmi une telle abondance de liens croisés.

Pire, comme l’a expliqué Michel Houellebecq lorsque certains l’ont accusé d’avoir repris quelques notices de Wikipédia, l’importation de ces documents neutres qui nous envahissent finit par appartenir à la réalité de nos univers. Le romancier ne peut que s’en faire l’écho.Plus récemment c'est Joseph Mac -Scaron, qui est tombé sous le feu des quolibets pour son Ticket d'entrée ( Grasset) qui a emprunté sans les citer plusieurs passages destraits d'un roman américain, ou encore Patrick Poivre d’Arvor qui vient d'être condamé pour avoir utilisé des lettres d'une de ses anciennes maîtesses et qui avait été aussi accusé d’avoir emprunté  pour sa biographie d’Hemingway  (Arthaudune centaine de pages au précédent  livre sur Hemingway de Peter Griffin. Malgré les excuses de l'éditeur de PPDA qui s’est empressé d’expliquer que ce document n’était qu’une ébauche de notes transmises par erreur, on ne peut que s’interroger sur la nécessité de reproduire même dans un brouillon les passages en question. Et on ne peut que se demander si ce livre, apparemment œuvre très collective avait grand-chose à voir avec le travail d’un auteur digne de ce nom…

Une interrogation qui rejoint la question du statut de l’auteur aujourd’hui. Plus le nom de l’écrivain est médiatisé, plus il devient un gage marketing et plus il est tentant de le traiter comme une marque susceptible d’être déclinée en  produits dérivés avec l'aide d'une cohorte d’assistants qui seraient à l’écriture, ce que le bureau de style est à la couture. Certes, quand une simple signature permet de valoriser un tableau, une maison de mode ou un livre en multipliant par dix ou cent sa valeur, peu importe l’auteur, pourvu qu’on ait la signature….

Mais, alors que penser des Dj qui remixent avec génie et qui composent des playlists avec une recréation mélodique de l’ensemble ? Le  remixage littéraire serait-il un concept envisageable, un nouvel art romanesque à l’heure d’Internet et des forums participatifs ? On savait l’écrivain prédateur du monde qui l’entoure, jusqu’à se nourrir de l’histoire des autres, s’approprier les inspirations du monde et la vie de chacun. Dans notre époque où les mots et les images dansent autour de nous sans relâche, l’écrivain va-t-il devenir le réceptacle tout puissant d’un monde reçu, digéré et recraché ?…

C’est exactement la thèse défendue par Helene Hegemann, qui après avoir été considérée comme la nouvelle François Sagan des lettres allemandes avec son premier roman, Axolotl Roadkill un récit rock and roll sur les ombres des nuits berlinoises  paru en 2009 en Allemagne dont la traduction française sort ces jours-ci  au Serpent à plumes -a créé la polémique. En effet, il a été découvert que le livre avait emprunté de nombreux passages à un blog écrit par un jeune toxicomane, ainsi que d’autres ajouts glanés çà et là. Manifestement notre jeune prodige a eu l’art du copié collé judicieux. Face à ses détracteurs, Helene Hegemann a rétorqué que ses emprunts faisaient partie de son œuvre de création et qu’à l’ère d’internet, écrire passait inévitablement par ces jeux de miroirs détournés, détourés, empruntés, transfigurés.. bref recomposés par le regard même de la romancière.. Alors plagiat or not plagiat ? Le nouveau-nouveau roman sera-t-il « plagiatif » ? Oubliées les frontières entre les références et abolie la révérence ?  Dans le cas de Patrick Poivre d’Arvor, nous ne sommes pas dans les désordres charmants d’une ado brouillon et talentueuse, mais plutôt dans les désordres d’une maison d’édition un peu trop pressée de faire parler de son poulain. Il n’empêche que le plagiat, insulte suprême en littérature est en train de devenir un excellent coup marketing qui sert finalement à faire parler de l'auteur, tout en faisant « moderne ». Et en attendant détourne le sujet de la seule vraie question : l’auteur a- t-il du talent ou pas ? 

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