Avec « Un corps de femme » (L’Editeur), Aude Lechrist signe un premier roman très personnel sur les angoisses d’une jeune fille dont les pleurs enfouis par le deuil d’une mère, resurgissent à l’aube de sa vie d’adulte. Devenir femme, écouter ce corps qui parle de ses désirs et ses angoisses, apprendre à être libre de son histoire et des blessures passées… un passage émouvant que raconte ce texte à l’écriture rythmée comme un slam. Aude Lechrist confie à Viabooks les genèses de son « Corps de femme ».
Aude Lechrist est l’un des visages familiers de la chaîne France 24. Elle est aussi une auteure qui vient de signer un premier roman et qui est bien décidée à partager son temps entre sa vie de journaliste de télévision et sa vie d’écrivain. Dans « Un corps de femme », elle parle des angoisses qui envahissent une héroïne qui a du mal à devenir « elle-même ». Elle parle aussi de la découverte du monde, de l’éveil, du passage de la vie rêvée à la vie réelle. Rencontre avec une jeune trentenaire qui sait parler à l’oreille de ses congénères.
Aude Lechrist : Le récit a
cessé quand j'ai débuté mon roman. Mon parcours
personnel m'a poussé à m’intéresser à l'intelligence du corps, la manière
dont il nous rend libres. Sans lui, je n'aurais jamais compris que quinze ans
après, je n'avais toujours pas fait le
deuil de ma mère. A partir de ce constat, je me suis rendue compte que mon
histoire était universelle ; je ne cessais de rencontrer des personnes qui
exprimaient dans la douleur une histoire qu'elles n'avaient pas pris le temps
d'écouter. C'est toute l'ambigüité de la
résilience : elle vous aide à survivre, à surmonter un traumatisme, mais
elle ne prend pas le temps de classer le dossier. Palliative elle ne guérit
pas. Le corps est là pour vous le rappeler. Reconnaître le traumatisme, c'est
une condition nécessaire pour s'affranchir et conquérir sa liberté, retrouver son identité, celle qui n'a pas été
modifiée par le traumatisme, celle qui demande à vivre, à ressentir. Conquérir
cette légèreté, une coupe de champagne à la main, c'est tout le propos de ce
roman.
Aude Lechrist : L'écriture ne m’intéresse que si on pose ses tripes sur la table. Les émotions doivent vibrer, la
narration de Maïa devait être organique.
Mais ce sont les tripes de Maïa, pas les miennes et c'est pour cela que j'ai pu
aller aussi loin, sans gène, sans retenue. Le témoignage ne m’intéresse pas,
c'est du factuel. Seul le roman
permet à l'égo de l'écrivain de tomber pour le laisser accéder aux tourments
universels de son âme. Le roman s'est écrit parce que le récit avait été assimilé.
Aude Lechrist : Les ambitions,
les audaces, les régressions, la filiation, les corps, ses transformations, la
peur de l'inconnu, ce sont des questions
qui traversent les femmes tout au long de leur vie quelle que soit
l'époque. Elles traversent aussi les hommes mais avec peut-être moins de force
parce qu'ils ne sont pas interrogés chaque mois par ces hormones qui relient
avec ce qu'il y a de plus archaïque en soi. Je crois que le processus que je
décris dans Un corps de femme, celui qui permet de retrouver son identité dans son état le plus pur, affranchi des
traumatismes et des conditionnements éducationnels, religieux, sociaux..., est
un processus que chacun doit vivre pour cesser de s'agiter à la surface de son
existence, plonger dedans -sans se boucher le nez ! Il faut avoir mis de l'ordre à l’intérieur de soi, il
faut avoir su regarder ce qu'il y a de plus beau et de plus laid, il faut avoir
accepté que même imparfaite, cette image soit harmonieuse.
Aude Lechrist : Je ne cesse
d'être saisie par les témoignages que je reçois. Des mots forts, bouleversants, Un
corps de femme fait tomber les masques, qu'ils soient masculins ou féminins,
les lecteurs s'adressent à moi sans
faux-semblants, dans toute leur vérité, je crois que Maïa leur donne le
courage de dire : moi aussi j'ai été dépassé, moi aussi j'ai eu peur, moi aussi
je saurai faire face.
Aude Lechrist : C'est une
manière d'assimiler le monde, de tomber amoureuse. L'écriture n'est pas thérapeutique. C'est parce que la réflexion a
mûri en amont que je suis capable de la diffuser dans une histoire. J'écris
parce que cela me rend heureuse. Je ne pense pas à la manière dont cela va être
accueilli par les lecteurs, et puis je reçois des témoignages émouvants et là,
je comprends que je suis une passerelle
que j'espère lumineuse. L'écriture s'impose comme une respiration. Nécessaire.
Aude Lechrist : La nature, pour entrer en écriture, le repos du
regard, un bureau devant une fenêtre, le vent, le soleil et tout ce qui compose
un paysage sans urbanisme. Quand je débute un roman, je suis accompagnée par une couleur, une musique, une énergie. Lumière, she's electric d'Oasis et déflagration en ce qui
concerne Un corps de femme.
Aude Lechrist : La vie est un
songe, de Calderon, j'avais
seize ans, j'étais au Brésil, j'ai été ébranlée. Je me souviens que j'ai
découvert en même temps le film de Krysztof
Kieslowski, La double vie de
Véronique. La rencontre de ces deux œuvres a provoqué un éveil. Dans le vol
retour, j'ai pensé que je n'étais plus vraiment la même ; c'est un processus de transformation qui depuis
n'a pas cessé. Soutenu par les œuvres de Kundera
(avec une préférence pour L'identité),
Kawabata (Belles de nuit), Goethe (Les affinités électives), Saroyan (Une comédie humaine), Francis
Scott Fitzgerald (Tendre est la nuit),
Nabokov (La vraie vie de Sebastian Knight). Tiens... Des hommes... Mais pas
seulement : Marguerite Duras et Lou Andreas Salomé.
Aude Lechrist : Je viens de passer de très joyeux moments avec une bande de mannequins dans le Paris de la Haute Couture des années 50. Complexes, superbes, secrètes, elles interrogent sur la beauté, la féminité, l'ambition... C'est une époque époustouflante, la vie pétillait à nouveau dans chacune des cellules, les fêtes étaient féériques, la Haute Couture habillait les rêves avant d'être abîmée par le prêt-à-porter, ces cinq créatures ont su saisir leur vie, incarner leurs rêves, quitte à se fondre en eux. Elles m'ont fascinée et attendrie ; inspirée.
>>Aude Lechrist, Un corps de femme, L’Editeur
Propos recueillis par Olivia Phélip
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