Les traits de plume de Daniel Sarfati

Albert Camus, un destin sur la route

Daniel Sarfati se souvient qu'Albert Camus est mort un 4 janvier, en 1960. Un accident de la route, près de Sens, qui emporta le philosophe sur le coup. Chercher le sens de la vie et mourir près de Sens. Un destin.

Portrait d'Albert Camus. Editions Gallimard Portrait d'Albert Camus. Editions Gallimard
Albert Camus est mort le 4 janvier 1960 dans un accident de voiture.
Sur une route près de Sens.
Ça ne s’invente pas.
C’était Michel Gallimard qui conduisait. Camus devait prendre le train ce jour là. La vie et la mort sont absurdes et contingentes.
Camus le savait bien.
Il n’y a jamais de sens à une mort.
Son œuvre est immense et il faut tout lire chez lui. Littérature, théâtre, essais philosophiques.
J’ai, quand même, une petite préférence pour :« La Chute ».
Un court roman paru en 1956. Six chapitres non numérotés, comme si cette histoire pouvait débuter n’importe quand et se terminer avec n’importe quelle fin.
Comme une vie.
Un monologue, la fausse confession d’un homme, un français exilé à Amsterdam, à un autre homme dont la présence peu à peu s’estompe. Comme le brouillard au dessus des canaux d’Amsterdam.
Cet homme est un avocat, qui plaide pour lui même. Un homme cynique sans aucune illusion et à peine quelques remords.
Un homme brisé.
Il sait qu’il est coupable, il n’a pas besoin de la sentence d’un juge ou de Dieu.
D’autant que les juges et les dieux peuvent également être coupables.
« Croyez-moi, les religions se trompent dès l’instant qu’elles font de la morale et qu’elles fulminent des commandements. »
Camus a écrit cette fiction quelques années après son essai philosophique « L’homme révolté ».
Un essai mal accueilli, par Jean-Paul Sartre et toute la rédaction des « Temps Modernes ». Pour eux, Camus n’a de formation philosophique ( il n’a pas fait Normale Sup ), ca n’est qu’un journaliste qui manque de rigueur méthodologique.
Surtout, Camus s’oppose à Sartre, pour qui la violence si elle est révolutionnaire peut se justifier. Sartre, pour qui le totalitarisme nazi n’équivaut pas au totalitarisme stalinien.
Dans « La Chute », Camus répond.
L’enfer, ce sont pas seulement les Autres, « l’enfer doit être ainsi : des rues à enseignes et pas moyen de s’expliquer. On est classé une fois pour toutes. »
Pour Camus, n’importe qui peut être un bourreau, quelque soit son idéologie ou sa condition sociale.
« Chaque homme a besoin d’esclaves, comme d’air pur. Commander, c’est respirer…Et même les plus déshérités arrivent à respirer…
Le dernier dans l’échelle sociale a encore son conjoint, ou son enfant, ou son chien. L’essentiel, en somme, est de pouvoir se fâcher sans que l’autre ait le droit de répondre. »
Sartre, est beau joueur.
Pour lui, « La Chute », est un petit chef d’œuvre.
Voilà ce qu’il en disait, à la mort de Camus :
« On vivait avec ou contre sa pensée, telle que nous la révélaient ses livres – « la Chute », surtout, le plus beau peut-être et le moins compris – mais toujours à travers elle. »
Camus avait rendez-vous à Paris avec la comédienne Maria Casarès, avec qui il a une relation passionnée depuis 1948.
Le 30 décembre 1959, il lui avait écrit :
« Ma superbe,
Je suis si content à l’idée de te revoir que j’en ris en t’écrivant.
Dînons ensemble, disons en principe mardi prochain, pour faire la part des hasards de la route ».
Les hasards de la route…
>Albert Camus, La chute, Folio, 160 pages, 6,90
>Albert Camus, L'homme révolté, Folio, 384 pages, 9,70 

 

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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.
 
 
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