Avec Les putes voilées n'iront jamais au paradis (Grasset), la romancière et essayiste franco-iranienne Chahdortt Djavann nous livre un roman bouleversant qui croise les destins parallèles de deux jeunes filles séparées de leur famille très tôt, victimes d'un destin tragique. Un récit qui redonne vie à ces jeunes filles lapidées pour prostitution et qui interroge sur la place de la sexualité dans la société islamique.
Franco-iranienne, Chahdortt Djavann a fui la charia de son pays, après avoir été incarcérée pendant trois semaines à l’âge de treize ans pour avoir refusé de porter le voile. Ses deux meilleures amies ont été exécutées pour le même motif. Installée aujourd’hui en France depuis ses vingt-six ans, l’écrivaine qui est passée à travers de lourdes et douloureuses expériences de vie garde des séquelles de son passé qu’elle a su transformer en or à travers ses écrits.
Dans Les putes voilées n'iront jamais au paradis, Chahdortt Djavann revient sur l'histoire de ces jeunes filles fauchées par l'Islam radical à l'aube de leur vie. Au travers de ces destins brisés, on reconnaît cette petite fille de treize ans qui a laissé son enfance à Téhéran. Ici, plus qu'un livre "documentaire", c'est également un livre politique : Chahdortt Djavann endosse un rôle de dénonciatrice et fustige violemment les islamistes radicaux, ainsi que l'endoctrinement religieux qui sévissent en Iran, mais aussi dans d'autres pays arabes qui vivent selon la Charia. Elle met l'accent sur un paradoxe étonnant, celui de l'homme islamiste type, qui cultive la haine du corps de la femme et du sexe féminin, et qui est pourtant "un frustré sexuel". Ces filles-là, au sort funeste, ç'aurait pu être elle. Elle aussi aurait pu être lapidée, pour une attitude déplacée, un geste involontaire, un bout d'ongle qui dépasse.
Mais Chahdortt Djavann a survécu. Et c'est pourquoi l'écrivaine se sent porteuse d'un "devoir de témoignage". Son livre est un combat. Chahdortt Djavann s’implique pour la condition misérable des femmes et de leur corps en pays islamistes; et elle le fait bien. Avec un style poignant, incisif et doté d’humour noir, c’est presque comme un jeu pour elle de coucher ses mots sur papier, tant elle parle en spécialiste du sujet et tant la véracité de ses propos nous saute aux yeux.
Son style claque et percute, produit par une plume qu'on sent imbibée de colère et de révolte. Le vocabulaire cru et imagé, choisi en toute conscience pourrait vouloir dire que Chahdortt Djavann veut se faire entendre, alerter l'opinion, faire passer un message. Provoquer aussi, les hommes radicaux, une façon littéraire de dire "non" à l'emprisonnement de la condition féminine. Ce tourbillon de violences, de haine, et d'humour noir donnent un résultat plus que réussi : l'écriture est facile, ludique, et même parfois drôle. L'auteure arrive à faire ressentir aux lecteurs toutes sortes d'émotions, leur donner un sourire (sans jamais leur faire perdre conscience de la gravité du sujet traité) mais peut aussi vite le reprendre. Comme une metteuse en scène, elle organise son oeuvre comme une pièce de théâtre soigneusement travaillée.
Chahdortt Djavann se veut messagère et témoina déjà appelé beaucoup de musulmans à se révolter contre les islamistes radicaux. Ici, c'est la liberté de la femme qu'elle défend, au nom de toutes ces jeunes filles et de ses amies qui ont été assassinées, pour qu'elles ne soient pas mortes en vain. Une manière aussi d'exhumer les fantômes qui la hantent. Et d'interpeller les musulmans sur la sexualité. Courageux et efficace. Un livre qui parlent aux femmes, mais aussi à tous les hommes "de bonne volonté".
> Chahdortt Djavann, Les putes voilées n'iront jamais au paradis, Grasset
> Visionner Chahdortt Djavann sur Europe 1 à l'occasion de la sortie de son livre
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