Les traits de plume de Daniel Sarfati

Clarice Lispector, un destin de femme hors norme, une œuvre d'écrivaine exceptionnelle

Benjamin Moser l'a décrite comme « l'écrivain juif le plus important depuis Kafka ». Elle a été célébrée par Hélène Cixous et Claire Varin. Daniel Sarfati revient sur la vie de l'écrivaine et traductrice Clarice Lispector et rappelle la puissance de son œuvre. 

Clarice Lispector n’évoquait jamais son véritable prénom, Haya חיה, qui veut dire en hébreu « vie ».
Elle était né en Ukraine en 1929, dans un shtetl à Tchechelnyk.
Sa naissance était une réparation. Son prénom devait redonner la vie.
Sa mère avait été violée au cours d’un pogrom et avait contracté la syphilis.
Les Sages consultés, lui avaient dit qu’une grossesse pourrait guérir la maladie.
A l’âge de 2 mois, Clarice émigre, avec sa famille, au Brésil.
Sa mère survit peu de temps à sa maladie. Clarice ne voudra plus s’appeler Haya.
Elle dira :
« Je ne me pardonne pas. J’aurais voulu tout simplement naître et guérir ma mère.
J’étais la coupable née avec le péché mortel. »
A Recife, son père, marchand ambulant, s’épuise au travail et mourra, lui aussi, prématurément.
À Rio, Clarice Lispector fera des études de droit, puis très vite se met à écrire.
Elle est journaliste, traductrice ( c’est elle qui traduit en portugais Agatha Christie ), et pour son premier roman « Près du cœur sauvage », elle est comparée à Virginia Woolf.
Toute son œuvre est traversée par l’étrangeté, l’exil et la tradition juive.
Elle raconte des histoires de femmes prises entre le sentiment amoureux et le rapport de force avec les hommes. Les féministes vont célébrer Clarice Lispector. Mais, elle, n’aime pas les militantes. Elle préfère, par petites touches, décrire des destins de femmes fortes et vulnérables.
« Il y a une bonne façon de pleurer et une autre mauvaise.
La mauvaise c’est celle où les larmes coulent sans s’arrêter et qui pourtant ne soulagent pas. Elles ne font que vous épuiser et tarir.
Quand on sent venir ce genre de pleurs, il vaut mieux essayer de se retenir : pleurer n’avancera à rien. Il vaut mieux faire la forte et affronter.
Mais il n’est pas toujours nécessaire de faire la forte. Nous devons respecter notre faiblesse.
Alors ce sont des larmes douces, d’une tristesse légitime à laquelle nous avons droit.
Elles coulent lentement et, quand elles roulent sur les lèvres, on sent ce goût salé, limpide, produit de notre douleur la plus profonde. »
Les chroniques, les nouvelles de Clarice Lispector sont drôles, pleines d’humour, et à la fois bouleversantes.
Elle aime les animaux, qu’elle juge plus près de Dieu que ne le sont les hommes.
Son véritable prénom, Haya, ne veut-il pas également dire « animal » en hébreu ?
Clarice Lispector est morte d’un cancer à l’âge de 57 ans.
Sur sa pierre tombale, dans le cimetière juif de Rio de Janeiro, il est inscrit Haya, חיה.
La vie

Pour aller plus loin

  • Clarice Lispector, Nouvelles, édition complète, édition des Femmes, 477 pages, 23 euros
  • Clarice Lispector, Bonheur clandestin, Livre de Poche, 128 pages, 6,90 euros
  • Clarice Lispector, L'heure de l'étoile, Livre de Poche, 160 pages, 7,20 euros

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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.
 
 
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