Alors que Tatiana de Rosnay redonne vie à Daphné du Maurier dans son livre "Manderley for ever" (Albin Michel-Héloïse d'Ormesson), Viabooks revient sur les traces de la célèbre écrivaine britannique, auteure du célèbre "Rebecca" dont la vie et l'oeuvre méritent d'être redécouvertes.
Daphné du Maurier, née le 13 mai
1907 à Londres et morte le 19 avril
1989 à Par en Cornouailles, dans le Sud-Ouest de l’Angleterre. Célèbre romancière britannique du XXème siècle, Daphné
du Maurier est la fille de Sir Gerald
du Maurier, acteur célèbre de son époque, et la petite-fille de l'écrivain
et dessinateur George du Maurier. La
mère de Daphné, née Muriel Beaumont,
a elle aussi été actrice.
Issue d’une famille aisée, elle termine ses études
à Paris dans une finishing school, afin de se perfectionner en français et de consolider sa culture générale. En
1928, ses premières nouvelles paraissent dans le magazine Bystander, édité par son oncle William Comyns Beaumont. Trois
ans plus tard, elle publie son premier roman, La Chaîne d'amour (The Loving Spirit), (qui sera réedité en français sous le titre L'Amour dans l'âme) qui obtient un succès honorable.
Elle passe une grande
partie de son temps dans la maison de
Ferryside, en Cornouailles, achetée
par son père en 1926. La région des Cornouailles va devenir une véritable
source d'inspiration pour les intrigues de ses romans. Après deux romans, Jeunesse
perdue (I'll never be young) en 1932
et La Fortune de Sir Julius (The Progress of Julius) en 1933, Daphné du Maurier publie une biographie de son père, Gerald, en 1934.
C’est deux ans plus tard qu’elle obtient son premier grand succès avec L'Auberge de la Jamaïque (Jamaica Inn).
Forte de ce succès, elle commence la rédaction de son roman phare
Rebecca : l’intrigue tourne autour du mariage d’une jeune femme avec un
veuf riche et mystérieux, il sera publié en 1938.
La plupart de ses romans oscillent entre drame psychologique et histoire criminelle. Elle réutilise les usages propres au roman gothique en les replaçant dans un cadre moderne. D'autres
récits ont été écrits dans une dimension
plus fantastique comme La Maison sur le rivage ou encore la
nouvelle Le Pommier.
Beaucoup de ses ouvrages s'apparentent à des
chroniques ou des romans historiques.
On compte aussi beaucoup de récits basés sur sa famille et son histoire comme dans Les Souffleurs de verre, où elle évoque
les origines françaises de sa famille. Le roman Mary-Anne est centré sur
la vie de son arrière-arrière-grand-mère,
Mary Anne Clarke et se déroule au
tout début du XIXème siècle. Les Du Maurier raconte l'histoire de sa famille entre les années
1810 et 1936, ou encore Gerald, qui est la biographie de son
père, publiée peu de temps après la mort de celui-ci.
L'impact de ses livres sera puissant, puisque trois
de ses écrits seront adaptés à l’écran par Alfred Hitchcock : L'Auberge
de la Jamaïque, adapté au cinéma sous le titre La Taverne de la Jamaïque en
1939. Rebecca paru en 1940 et sa célèbre nouvelle Les
Oiseaux, publiée plus tard, en 1963.
C’est lors de ses études à Paris qu’elle
fait une rencontre déterminante, celle de la
directrice d'études, Mlle Fernande Yvon avec qui elle a sa première liaison
amoureuse.
Elle épouse en 1932 le futur général de
division Frederick Browning, Le couple
donnera naissance à trois enfants: Tessa (1933), Flavia (1937) et Christian
Frederick (1940). Elle aura vécu toute sa vie aux côtés d’un mari qu’elle
chérissait tout en étant attirée à de nombreuses reprises par des personnes
féminines. C’est seulement quelques années après sa mort que la bisexualité de Daphné du Maurier a
été révélée par Margaret Forster
dans sa biographie Daphne du Maurier: The Secret Life of the Renowned Storyteller
en 1993. Daphné du Maurier aurait eu une relation amoureuse avec la
comédienne et chanteuse Gertrude
Lawrence et un flirt, surtout épistolaire, avec Ellen Doubleday, la femme de son éditeur américain. Le film
britannique Daphne paru en 2007
de Clare Beaven relate ces faits. L'ambivalence sexuelle de l’auteure,
qui eut plusieurs liaisons avec des
femmes tout en étant éperdument amoureuse de son mari était placée au centre des biographies auparavant
parues sur Daphné du Maurier, au
grand dam de ses enfants. Un sujet vivement pointé du doigt dans cette société
mondaine et qui a toujours été caché
par l’écrivaine du XXème siècle en raison de l’homophobie de son père.
Ambivalente et passionnée, Daphné du Maurier n’était pour autant pas une personne très joyeuse.
Femme de caractère, elle a su cacher ses
secrets mais a été distante vis-à-vis
de ses enfants quand ils étaient jeunes. « Quand nous étions petits,
elle était très égoïste. Plus tard, elle est devenue plus maternelle, et plus
sympathique. » confiait Tessa, son
ainée.
C’est à partir de ses 50 ans que des
soucis personnels viennent créer une
faille dans le quotidien de l'écrivaine. Mauvaise santé et alcoolisme de son
mari traumatisé par la Seconde Guerre mondiale, perte d’inspiration pour elle.
Elle décèdera en 1989 à l’âge de 81 ans.
Parmi ses enfants et petits-enfants, aucun n'a encore repris le flambeau de
l'écriture mais l’espoir n’est pas vain
Si Rebecca est un véritable triomphe dès sa publication en 1938, les avis s’opposent à ce sujet. Si certaines critiques reprochent à Daphné du Maurier son manque d'innovation, jugeant son récit démodé, d’autres notent son indéniable talent de conteuse. L'ouvrage s'écoule à plusieurs centaines milliers d'exemplaires aussi bien en Angleterre qu'aux États-Unis et bouleverse la vie de l’auteure. Face à ce succès imprévu, Daphné du Maurier a vu son succès se pérenniser grâce à la version cinématographique réalisée par Alfred Hitchcock, qui remportera un succès mondial. Le ténébreux conte de fées de Daphné du Maurier puise son accroche dans les nombreuses énigmes que contient son roman. Dans les carnets d'esquisses de l’auteure, parus en 1981 sous le titre The Rebecca notebook, la romancière explique comment est né le fameux domaine de Manderley, où se situe le cœur de son roman. Imaginé grâce à plusieurs modèles, notamment avec celui de Menabilly House, une propriété des Cornouailles qu'elle louera à partir de 1943 pour y vivre durant vingt-cinq ans. Elle explique aussi pourquoi avoir choisi le thème de la rivalité féminine, inspirée par sa propre vie amoureuse avec Frederick Browning avant qu'il ne devienne son époux. En revanche, le mystère restera toujours entier quant à cette dimension angoissante que contiennent tous ses écrits. Dans un cadre anxiogène où se mélangent romantisme et douce mélancolie, Daphné du Maurier plante le décor dès les premières pages et invite le lecteur à s’immiscer à l’intérieur de ce riche domaine britannique qu’est Manderley. Rebecca est un roman raconté à la première personne par la seule voix d'une narratrice manquant de caractère, malléable et impressionnable, ce qui procure au roman un charme captivant et entêtant.
Pour sa biographie, Tatiana de Rosnay,
a souhaité mettre en avant cette
vocation précoce et dévorante pour l’écriture et la soif de connaissances qui
conduira l’auteure de Rebecca très tôt en France. Ecrire
sur son auteure favorite, c’est un défi que Tatiana de Rosnay a relevé haut la main. Cette écrivaine française
signe une biographie approfondie et
recherchée de Daphné Du Maurier avec son œuvre Manderley Forever. Idole de
sa jeunesse et auteure du mythique Rebecca,
Daphné du Maurier n’a cessé de faire vibrer Tatiana de Rosnay depuis ses 12 ans, lorsque sa mère lui a offert
ce livre. Hésitante dans un premier temps, n’osant pas s’attaquer à cette icone, Tatiana de Rosnay s’est
finalement lancée dans cette aventure de
recherches et de retranscription dans les moindres détails de l’histoire de
celle qui l’a fait vibrer dès son plus
jeune âge qui continue encore maintenant.
La première démarche a été d’obtenir
l’accord des trois enfants de Daphné Du Maurier. Aidée par sa double nationalité franco-britannique,
la romancière a obtenu gain de cause. Une double
nationalité qu’elle partage en commun avec Daphné Du Maurier ayant
elle-même des ancêtres français. Afin
de suivre les traces de Daphné du
Maurier, Tatiana de Rosnay s'engage alors dans une longue enquête lui
permettant de nouer un lien amical les
proches de l’écrivaine disparue. Elle obtint des lettres jusqu’à maintenant jamais publiées, des renseignements sur son enfance londonienne, sur ses lointaines origines françaises. L’ainée
de Daphné du Maurier, Tessa, fut impressionnée par la qualité et la similaire restitution de la personnalité de sa mère.
« C'est très bien écrit, et très émouvant. Je suis sûre que ma mère aurait aimé
ce livre." confie Tessa, lors d’une
interview pour le magazine Point-Virgule. Il n’existe pas de plus beau
compliment pour Tatiana de Rosnay qui
s’est beaucoup investie pour en arriver à ce résultat. Ce que voulais montrer Tatiana de Rosnay dans ce roman, c’était
en premier lieu la naissance d'une vocation,
comment Daphné du Maurier s'était
mise très tôt à inventer des histoires
sombres avec des personnages
incroyables. Toutes les caractéristiques du style Du Maurier ont été retranscrites : suspense, personnages
ambivalents aux motivations troubles, attachement
indéfectible à un souvenir ou à un lieu. Un livre à lire pour redécouvrir le monde d'une auteure dont l'héritage s'avère puissant.
>"Manderley for ever" de Tatiana de Rosnay, (Albin Michel-Héloïse d'Ormesson)
>> Voir l'interview de Tatiana de Rosnay sur son ouvrage Manderley for ever
>Lire un extrait de Rebecca dans la nouvelle traduction d'Anouck Neuhoff
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