Pour les amateurs de mondes fantastiques et de meurtres sanglants, on retiendra en ce début d’année De lune et de sang (éditions Lumen) de Erin Beaty, impressionnant melting-pot de suspens, magie et destins macabres. Le lecteur est happé dans une réécriture de Jack l’Eventreur plus vraie que nature aux descriptions détaillées et à la trame saisissante. A découvrir absolument !
Erin Beaty nous propose dans De lune et de sang un univers à la croisée de plusieurs inspirations et nourri par un talent d’écriture. L’écrivaine américaine possède en effet une carrière atypique : titulaire d'un diplôme en astronautique, Erin Beaty a exercé comme instructeur en armement puis comme officier de formation. Avec son mari, ses cinq enfants et ses deux chats, elle déménage au gré de ses affectations par la Marine. La couleur du mensonge, son premier roman, a déjà connu un grand succès, aux Etats-Unis et à l’étranger. Mêlant personnages d’apparence sains et vifs à certains plus sombres et au passé brumeux, elle tend au lecteur un moment de lecture saisissant par son réalisme et sa justesse dans les émotions.
Ce nouvel ouvrage nous plonge au cœur de la ville de Collis, sans temporalité ni géographie précise. Au milieu de cette ville se dresse le Sanctum, lieu de culte et de rassemblement de la cité. C’est ici que travaille Catrin, jeune inspectrice des travaux n’en finissant pas de cet illustre bâtiment. Mais une nuit de pleine lune qu’elle examine une dernière poutre, c’est la chute. Catapultée du toit du Sanctum, la jeune fille traverse une intense vision, emplie de cris et de sang. Peu après, elle découvre un cadavre. Celui de Perrette, jeunette de la rue des Plaisirs de Collis. Son corps présentant les mêmes symptômes que la vision de Catrin. Entraînée par le jeune inspecteur Simon de Mesanos, expert en folie criminelle, la jeune fille se voit enrôlée dans une folle enquête où tueur et justice ne cessent de se retrouver.
Car ce n’est pas un meurtre unique. Le tueur, rôdant dans les rues de Collis, frappe encore et encore, de plus en plus souvent, et chaque fois en se perfectionnant. C’est en laissant derrière lui une mèche de sa dernière victime qu’il amène une trame et un lien entre ses crimes, comme Christopher de l’excellent roman Ames sœurs de John Marrs. Et Catrin voit le tueur. Elle possède un lien avec lui, et ses visions sont de plus en plus frénétiques. Car elle doit en parallèle découvrir ce mystérieux secret qui la lie à la lune, et qui pourrait amener des réponses bien plus vastes que ses propres ennuis.
Le personnage de Catrin touche par ses difficultés mentales et psychiques et son incompréhension de sa propre réalité. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, elle ne comprend pas pourquoi la présence de la lune décuple ses capacités, ni pourquoi ces visions prémonitoires l’avertissent de l’accomplissement prochain d’un meurtre. Elle essaie de survivre entre cela, ses relations compliquées avec son maître architecte Thomas et sa famille, la recherche de ses parents biologiques et l’enquête. L’intrigue est multiple dans De lune et de sang, les descriptions architecturales foisonnantes montrent un grand travail de recherche en amont de la part de l’autrice, et les personnages variés et complexes sensibilisent aux maladies mentales et aux psychologies différenciées.
De natures bien différentes, les deux protagonistes finiront par s’entendre pour coopérer sur l’affaire. De nature intelligente mais quelque peu introvertie, Catrin gère avec difficulté les événements de la ville de Collis, et ne comprend pas ces soudains retournements de situation dans son propre être, alors même qu’elle a peut-être été surprotégée dans sa jeunesse par des éducateurs soucieux de lui faire oublier d’où elle venait. Marquée au fer rouge par les événements de la rue des Plaisirs, la protagoniste navigue entre effroi perpétuel, révélations renversantes et recherches frénétiques de réponses. Simon, quant à lui, semble maître de la situation (bien que cela ne soit qu’une façade) ; il savait où il mettait les pieds, s’y était engagé et n’en était pas à sa première fois. Malgré tout, Catrin est horrifiée ; c’est comme s’il était le tueur. Chaque coup, chaque meurtre, chaque détail : Simon en comprenait la signification car il aurait fait la même chose. Et cela pose un questionnement : tout le monde est-il vraiment ce qu’il prétend être ? Catrin se forge une résolution de fer et un caractère affûté tout au long de ce premier opus, qui ne saurait tarder à encore évoluer dans le tome suivant.
De lune et de sang est un roman bien particulier, en ce qu’Erin Beaty réussit à réunir avec brio deux des genres les plus complexes de la littérature, et ce avec une trame cohérente, prenante et toujours emplie de suspens. Le lecteur voit également sa curiosité assouvie en termes de connaissances architecturales, ou même de termes dignes de la police scientifique. Rencontres enrichissantes, retournements de situation, révélations brutales : on ne peut plus lâcher ce livre !
Cet ouvrage amène une nouvelle perspective sur le crime et particulièrement le meurtre, tout en y faisant miroiter une réflexion de notre propre société et les délits humains depuis la nuit des temps. Le lecteur se prend d’affection pour une jeune fille qui semble prendre le poids du monde sur ses épaules, et sort de cette lecture impatient d’une suite prochaine.
>Erin Beaty, De lune et de sang, éditions Lumen, 626 pages, 17 euros. >Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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