La célèbre photographe Bettina Rheims et l'écrivain Serge Bramly, lauréat du Prix Intérallié 2009, ont mis en scène à la BNF une quête surréaliste dans un Paris mythifié version XXIème siècle. Un parcours initiatique, entre expression onirique et cadavre exquis. Une rencontre aussi entre deux écritures : la photographie et la littérature...
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Une jeune femme B recherche son double Rose, sa soeur jumelle, prétendue disparue. Ainsi est planté le point de départ d'une quête initiatique dans une ville : Paris. "Rose c'est Paris" est né comme un grand sérial mystérieux.
Cette oeuvre tout à fait étonnante a l'originalité de rassembler les talents d'une photographe Bettina Rheims et de l'écrivain cinéaste Serge Bramly.
Plus d'une centaine de personnages évoluent au fil de cette narration divisée en treize tableaux. Débutants ou éminemment célèbres: se côtoient ainsi aussi bien Monica Bellucci, Naomi Campbell, Charlotte Rampling que le journaliste Philippe Dagen reconverti en redoutable joueur d'échecs, le couturier Azzedine Alaïa ou encore l'actrice Valérie Lemercier.
Le titre de cette exposition tout à fait surprenante "Rose c'est Paris" fait écho à Rrose Sélavy, pseudonyme que s'était choisi le célèbre Marcel Duchamp. Ce grand sérial mystérieux, genre cher aux surréalistes lie photographies, film et écriture. Et pour cause, car Bettina Rheims souligne que son "inspiration ne vient jamais des images mais au contraire de l'écrit". Rose s'est nourrie de textes surréalistes de Breton mais aussi d'Apollinaire et de Roussel." Raymond Roussel en effet, écrivain et personnage formidable qui tout de blanc vêtu, changeait de costume trois fois par jour ! A l'entrée de l'exposition, l'hommage est rendu à ce surréaliste brillant, auteur des formidables "Impressions d'Afrique". Dans la salle où le film de Bramly tourne en boucle, une citation de Roussel, reprise dans le film figure comme une clef de lecture:
"Il faut que l'oeuvre ne contienne rien de réel, aucune observation du monde ou des esprits, rien que des combinaisons tout à fait imaginaires"
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"Rose c'est Paris" renvoie aussi à Rose séparée ou tout le paradoxe de cette fleur très ambivalente. En référence à Georges Bataille qui parlait dans un article de la revue "Document" de "la touffe" de la rose lorsque celle-ci a perdu ses pétales; la rose peut être aussi bien la plus belle des fleurs que la plus sordide d'entre elles. "Rose c'est Paris" de Bramly et Rheims joue sans cesse sur cette contradiction, en jonglant tour à tour,entre désir et maléfice. La rose est aussi belle qu'empoisonnée et toxique. Son parfum peut passer des terres du divin à celles de l'ignoble.
"Rose c'est Paris" apparaît moins comme une exposition qu'une véritable fiction à quatre mains où plusieurs disciplines se mêlent. La photographie se lie au film, le texte à l'image. Ce projet est né de la rencontre entre deux êtres, un écrivain et une photographe mais aussi du désir de Serge Bramly de faire quelque chose sur Paris et du hasard d'une émission de télévision vue par Bettina Rheims. Un soir elle tombe sur un programme consacré aux auteurs de Fantomas, Souvestre & Allain.
"Ils vivaient dans le même immeuble mais, comme ils n'avaient pas le temps de se voir, ils écrivaient chacun de leur côté, inventant ainsi le principe du cadavre exquis" souligne Bettina Rheims.
Or, c'est aussi ce qui fait l'originalité de Serge Bramly et Bettina Rheims dans la vraie vie. L'écrivain vit au dessus de l'atelier de la photographe. Les deux artistes ont travaillé de la même manière que les auteurs de Fantomas!
"Nous avons donc inventé une histoire qui met en scène une Alice qui traverse le miroir, qui traverse le Paris surréaliste, et le ramène aujourd'hui."
"Rose c'est Paris" est un véritable puzzle constitué en un feuilleton de treize épisodes avec clefs et énigmes à l'appui. Lier Fantomas à cette histoire était très subtil. L'impact de Fantomas sur les surréalistes a été très important. Fantomas, c'est le mal absolu. Grâce à lui, on est passé d'un Paris poétique à un Paris inquiétant et mystérieux.
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On compte peu d'hommes dans "Rose c'est Paris". Si l'oeuvre rend hommage à "La Mariée mise à nu par ses célibataires" de Duchamp, "la Joconde" n'est pas en reste. Duchamp mais aussi Dali avec la paranoïa-critique, référence dalinienne par excellence que le maître prononçait avec son accent unique et inouï. Gala Dali, la femme, la muse est aussi présente dans "Rose c'est Paris" grâce aux belles du XXIème siècle que sont pour ne citer qu'elles, Naomi Campbell, (la photographie "Naomi sur Canapé", clin d'oeil au célèbre film "Breakfast at Tiffany's" ou "Diamant sur Canapé"), Monica Bellucci, Anna Mougladis, couronnées par la baguette de Dali!
De même que les roses, les créatures féminines de Rose c'est Paris passent de la beauté la plus extrême aux angoisses de la vie et de la mort. En témoigne cette victime de faits divers poignardée par une tour Eiffel ou le titre de la photographie: Paris m'a tuée.
Notons aussi la présence formidable de Charlotte Rampling, campant le mystérieux personnage de Madame Jacquot . Cette dernière vit dans le métro. Pour elle, la ville n'a pas de secret. Elle donne à celles qu'elle chosit un petit bout de papier sur lequel une adresse est incrite: C'est cette adresse qui permet à B de retrouver Rose.
"Rose c'est Paris" est alors une oeuvre à quatre mains où la photographie et le film ne cessent de dialoguer. L'exposition ainsi que sa scénographie le soulignent: le film est projeté à l'entrée de l'exposition et plusieurs écrans ponctuent les différents espaces.
Mais un point domine: Serge Bramly et Bettina Rheims sont des artistes de l'écrit et cela se sent à chaque instant. Bramly est d'abord écrivain et Bettina Rheims note que son inspiration lui vient d'abord de l'écrit. "Rose c'est Paris" est nourrie par la litterature et l'histoire de l'art. Il n'est à ce propos pas anodin de rappeler que la photographe est la fille du célèbre commissaire priseur Maurice Rheims.
"Rose c'est Paris", oeuvre surréaliste du XXIème siècle célèbre les noces incestueuses de l'art et de la litterature. Peinture, photographie, litterature mènent la danse, tout cela enveloppé à travers un film dont le montage souligne Serge Bramly "est très proche de l'écriture"
"L'écriture a beaucoup changé avec le traitement de texte; aujourd'hui lorsqu'on écrit, il faut surtout couper... Un mot, une image, c'est la même chose. Il s'agit de savoir où s'arrêter. Une image de trop et vous perdez l'émotion"
De même que Fantomas, Rose, dans "Rose c'est Paris" emprunte les vêtements de personnages fascinants et improbables. Son être se démultiplie, prend tour à tour des visages aussi opposées que ceux d'une japonaise ultra sophistiquée, d'une strip-teaseuse, d'une mariée, d'un accordéoniste aveugle.... Rose est comme l'étrange créature qu'est le caméléon pour notre plus grand plaisir et pour ses plus beaux désirs aussi.
Sublime exposition dans la sacro-sainte BNF, rue de Richelieu. La bibliothèque reçoit "Rose c'est Paris" qui rend aussi hommage à cet écrin des livres et à la litterature en général. Parmi une quantité de lieux parisiens, pour beaucoup insoupçonnés, on compte certaines scènes dans les magasins de la bibliothèque. Les lieux ne sont pas seulement décors mais véritables personnages de la fiction. Bettina Rheims et Serge Bramly ont découvert un Paris étrange et fantastique. Superbe hommage à cette ville qui ne cesse pas de nous étonner
Si le mariage entre photographie et cinéma fonctionne aussi bien dans cette oeuvre géniale, c'est certainement en référence à André Breton qui voyait dans le cinéma, "le point de l'esprit où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement." Courez-y!
Photo 1: "Rose c'est Paris": Tenue de gala. Le Meurice, rue de Rivoli, Février 2009, Monica Bellucci, Bettina Rheims.Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.
Photo 2: "Rose, c'est Paris" La Joconde du métro. Métro, ligne 9, Mars 2009, Estelle Desbonnez, Bettina Rheims. Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.
Photo 3: La mort mise à mort, Bettina Rheims, "Rose c'est Paris", Bettina Rheims.Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.
Photo 4: "Rose c'est Paris". Affiche de l'exposition. Bettina Rheims.Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.
"Rose, c'est Paris, Bettina Rheims et Serge Bramly", jusqu'au 11 Juillet, à la BNF Richelieu, (IIè).
Catalogue aux Editions de la BNF (25E), livre valise chez Taschen, (édition limitée).
Réservez vos places: "Rose, c'est Paris, Bettina Rheims et Serge Bramly à la BNF. 8,60E sur Fnac Spectacles
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